S’il restait un brin d’ambiguïté, Benyamin Netanyahou l’a dissipé. Tuer le Guide suprême iranien, Ali Khamenei, comparé à un « Hitler moderne », loin de conduire à une escalade, « mettra fin au conflit », a déclaré le Premier ministre israélien à la chaîne américaine ABC. En pleine guerre entre les deux ennemis historiques, Donald Trump se serait, pour l’heure, opposé à cette solution radicale, selon des fuites organisées par Washington.
L’Etat hébreu ne chercherait donc pas seulement à détruire la menace nucléaire et balistique iranienne, mais aussi à provoquer un changement de régime à Téhéran. Dès le début des frappes, Netanyahou a d’ailleurs appelé le peuple iranien « à se lever contre la tyrannie ».
Israël fait un pari très risqué. « Tous ceux qui croient qu’en frappant avec des bombes depuis l’extérieur on sauve un pays malgré lui-même et contre lui-même se sont toujours trompés », a réagi Emmanuel Macron.
De fait, il paraît compliqué de faire chuter un régime ultra-répressif protégé par quelque 125 000 Gardiens de la révolution uniquement par des bombardements, même si une partie de la population souhaite sa disparition.
Surtout, Israël a-t-il un véritable plan pour le remplacer par un gouvernement proche de ses intérêts ? Pour réussir un tel projet, il faudrait qu’il puisse s’appuyer en interne sur une opposition politique préparée et armée. Rien ne permet de l’imaginer à ce stade.
Les leçons du passé
« L’attaque aérienne de l’Otan contre Mouammar Kadhafi, en 2011, n’a fonctionné que parce qu’il y avait une résistance libyenne organisée sur le terrain et Bachar al-Assad a chuté en Syrie pour la même raison, rappelle Jeffrey Lewis, directeur du programme de non-prolifération en Asie de l’Est à l’Institut d’études internationales de Middlebury à Monterey (Californie). Mais si le plan consiste à bombarder l’Iran jusqu’à ce que les gens protestent, ce n’est pas un très bon plan… »
Aaron David Miller, ancien diplomate américain au Moyen-Orient, qui a servi sous six secrétaires d’Etat, s’interroge lui aussi : « Les Israéliens voudraient provoquer le plus d’instabilité possible en Iran et attiser la colère de la population locale. Mais comment tout cela peut-il se traduire par des résultats concrets ? »
Les exemples d’opérations de ce genre par le passé, comme le bombardement des forces serbes par l’Otan pendant 78 jours, qui avait fait des centaines de victimes civiles, à partir de mars 1999, ne sont guère convaincants. Le dirigeant Slobodan Milosevic n’a quitté le pouvoir qu’après avoir été battu à la présidentielle, en octobre 2020. Et le contexte politique est très différent en Iran. « Les données historiques suggèrent que les bombardements provoquent généralement le ralliement de la population au régime. Il n’y a pas beaucoup d’exemples où le simple fait de bombarder a provoqué l’effondrement du pouvoir, rappelle Jeffrey Lewis, directeur du programme de non-prolifération en Asie de l’Est à l’Institut d’études internationales de Middlebury à Monterey (Californie). Cela dépendra du degré de souffrance que la population Iranienne est prête à endurer et de la capacité des dirigeants à survivre d’une manière qui leur permette de continuer à contrôler le pays… »
Après son opération contre Gaza, Israël prend le risque d’amorcer une nouvelle guerre de longue haleine, sans garantie de résultat. Si Netanyahou a un plan, il est bien caché.
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Author : Cyrille Pluyette
Publish date : 2025-06-17 17:00:00
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