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Iran-Israël : avec la guerre contre Téhéran, Benyamin Netanyahou s’offre un répit politique

Iran-Israël : avec la guerre contre Téhéran, Benyamin Netanyahou s’offre un répit politique

C’est un scénario qui se répète inlassablement depuis quinze ans en Israël. Acculé, proche de la rupture avec ses alliés, sans solution, au pied du mur… Et Benyamin Netanyahou parvient toujours à s’en sortir. Extrêmement affaibli sur le plan politique ces dernières semaines, le Premier ministre israélien a encore réussi à se replacer au centre du jeu. Comme lors de nombreuses crises par le passé, y compris lorsqu’il a – brièvement – quitté le pouvoir entre 2021 et 2022.

Mais pour beaucoup d’Israéliens, le pari de leur dirigeant n’est cette fois pas seulement politique, mais aussi existentiel : les frappes de l’État hébreu en Iran sont largement plébiscitées à travers le pays. D’après un sondage de l’Université hébraïque de Jérusalem, 70 % des citoyens israéliens interrogés se disent favorables à cette opération, à laquelle Téhéran a répliqué par des frappes sur leur territoire. Ce taux monte même à 83 % parmi les Juifs israéliens, selon une autre étude d’opinion de la même faculté.

Un quasi-consensus en Israël sur la question iranienne

Depuis des années, Benyamin Netanyahou ne cessait de mettre en avant la menace représentée par l’Iran pour la sécurité d’Israël. En 2012, il brandit même à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU un dessin d’une bombe. Un happening destiné à dénoncer la volonté de la République islamique d’acquérir l’arme atomique. Depuis, il continuait d’agiter l’hypothèse d’un potentiel conflit militaire avec l’ennemi juré d’Israël. Cette fois-ci, le dirigeant israélien a joint les paroles aux actes, en déclenchant de multiples frappes sur des sites du programme nucléaire iranien, vendredi 13 juin.

En Israël, l’opération ne fait donc – presque – pas débat. « Il existe un consensus considérable sur la nécessité pour Israël de tout mettre en œuvre pour empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire », explique à CNN Yonathan Plesner, président de l’Institut israélien de la démocratie. « Ce n’est pas une question qui a fait l’objet d’un débat idéologique. » Dans les médias, même les éditorialistes les plus critiques à l’égard de la politique de Benyamin Netanyahou appuient aujourd’hui son action contre l’Iran. « L’histoire iranienne est bien au-dessus de toute controverse », écrit par exemple Ben Caspit, l’un d’entre eux, dans les pages du journal Ma’ariv.

Des réactions inversement proportionnées aux reproches ciblant « Bibi » depuis plusieurs semaines en Israël. L’opposition se faisait ces derniers temps de plus en plus véhémente à l’égard de sa gestion de la guerre meurtrière dans la bande de Gaza et son incapacité à ramener en Israël l’ensemble des otages capturés par le Hamas lors des attaques terroristes du 7 octobre 2023. Ainsi, quelques heures à peine avant le lancement des frappes en Iran, sa coalition gouvernementale était sur le point de voler en éclats.

Revirement de l’opposition

Deux partis ultra-orthodoxes (Shas et Judaïsme unifié pour la Torah), alliés à Benyamin Netanyahou, avaient laissé entendre qu’ils pourraient voter un projet de loi d’autodissolution du Parlement israélien pour contester le refus du Premier ministre de trancher sur la fin ou non des exemptions de conscription militaire accordées aux élèves d’écoles religieuses. Jeudi 12 juin, cette résolution déposée par l’opposition a finalement été rejetée de peu. Dans le cas contraire, de nouvelles élections législatives anticipées auraient été convoquées prochainement… et les troupes de Benyamin Netanyahou étaient données perdantes par les sondages.

Une fois ce danger de rejet écarté, le dirigeant israélien avait donc la voie libre pour mener son opération contre l’Iran. Et cette fois, la quasi-totalité de ses opposants se sont placés derrière lui. Un de ses principaux rivaux, Benny Gantz, n’a pas hésité à soutenir son action. « Sur la question iranienne, il n’y a ni droite ni gauche. Il y a le bien et le mal. Et nous avons raison », a-t-il lancé sur CNN. Le nationaliste Naftali Bennett estime lui qu’avec ces bombardements, « Israël sauve le monde d’un Iran nucléaire ». « Oui, ce gouvernement doit être renversé, mais pas au milieu d’une lutte existentielle », a pour sa part indiqué le chef de l’opposition Yaïr Lapid, cité par l’agence AP.

Dans un paysage politique fragmenté, Benyamin Netanyahou s’affiche donc comme le défenseur patriotique d’Israël, mettant en avant la survie de l’Etat hébreu face à un axe iranien (Iran mais aussi Hamas, Hezbollah, rebelles Houthis…) déjà bien affaibli par les offensives armées menées tous azimuts contre lui par Tsahal depuis fin 2023. L’affrontement contre l’Iran fait par ailleurs soudain passer au second plan les manifestations XXL contre son pouvoir en Israël chaque semaine, tout comme son procès pour corruption, à présent suspendu…

Aucune garantie à long terme pour Netanyahou

Mais, au-delà du soutien à l’action militaire en elle-même, les Israéliens peuvent-ils de nouveau percevoir en Benyamin Netanyahou l’incarnation de leur avenir politique ? Une autre étude d’opinion, commandée par la chaîne pro-pouvoir Channel 14, montre que 54 % des Israéliens disent avoir confiance en leur Premier ministre. Mais ce chiffre camoufle une réalité bien plus complexe. En premier lieu, la popularité du dirigeant israélien pourrait fluctuer en fonction du bénéfice réellement apporté, ou non, par ses frappes sur le rival iranien.

A cet égard, le récent réchauffement des relations avec le président américain Donald Trump, qui l’avait un temps mis de côté, apparaît pour lui comme une aubaine. Benyamin Netanyahou avait été pris de surprise en avril dernier, lorsque, devant les journalistes réunis durant le bureau Ovale, le milliardaire républicain lui avait appris en direct le lancement de négociations avec… l’Iran. Une démarche pour laquelle il n’avait pas été concerté. Donald Trump avait ensuite pris soin d’éviter un déplacement en Israël lors de sa tournée dans le Golfe, au mois de mai.

Outre ce paramètre diplomatique, il faudra surveiller l’évolution au sein de la population israélienne de l’appréciation d’une nouvelle guerre, qui risque de s’enliser. Depuis le 13 juin, 24 personnes sont déjà décédées en Israël du fait des frappes de représailles iraniennes. Et ce, alors que le pays est déjà traumatisé par le 7 octobre 2023, puis englué dans une guerre sans fin à Gaza.

« Netanyahou veut toujours dominer l’agenda, être celui qui rebat les cartes lui-même, pas celui qui réagit, et là, il impose bien son côté Churchill, d’ailleurs, c’est son modèle », évoque auprès de l’AFP Denis Charbit, politologue à l’université ouverte d’Israël. « Mais en fonction des résultats, et de la durée [de la guerre], tout peut changer et des Israéliens pourront se retourner vers Bibi et lui demander des comptes. » Un soutien à long terme de l’action du Premier ministre israélien est donc loin d’être garanti.

Son équipe est pourtant convaincue des bénéfices politiques liés à cette nouvelle guerre pour Benyamin Netanyahou. Tout en jurant, bien sûr, que son objectif est avant tout militaire et géopolitique. « Si nous faisons quelque chose de bien pour Israël, c’est bien pour nous », a commenté une source proche du Premier ministre, citée par CNN. « C’est bon pour vous, électoralement parlant, et auprès des électeurs… Il en tirera profit à l’avenir. » Avant d’ajouter, sous couvert de l’anonymat : « Cette fois, nous avons une unité presque partout à la Knesset, à l’exception des partis arabes, et nous avons une unité dans le peuple. »



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Publish date : 2025-06-19 12:00:00

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