À quelques jours du sommet de l’Otan à La Haye (24-25 juin), voilà de quoi donner du grain à moudre à Donald Trump et à ses partisans. Le président américain, qui ne cesse d’attaquer les Européens depuis son retour à la Maison-Blanche pour leur manque d’investissement dans la défense, pourrait trouver de nouveaux arguments sur la base d’une étude inédite. Un vaste travail de recherche sur l’état de l’armement européen, mené par l’institut allemand Kiel et le think tank belge Bruegel, vient d’être publié ce jeudi 19 juin. Fouillé, le document d’une centaine de pages compare les moyens militaires européens avec ceux de la Russie.
Retard dans de nombreux domaines
Les conclusions de ce rapport sont implacables : les grandes puissances européennes, y compris le Royaume-Uni, restent en décalage par rapport au nombre d’équipements disponibles pour le Kremlin. Dans le détail, l’Europe a pris du retard sur différents domaines. Notamment en matière de production de nouvelles armes, où les écarts entre les deux pôles de puissance demeurent abyssaux. Les chars de combat ? La Russie en produit chaque année… 36 fois plus que la France, l’Allemagne, la Pologne et le Royaume-Uni (1 800 contre 50 en 2024).
En ce qui concerne la fabrication de véhicules de combat de manière plus générale, Moscou dispose aussi d’une avance confortable (6 654 contre 214). La situation est moins critique, mais tout de même préoccupante, pour les pièces d’artillerie : la Russie en a produit 672 l’an dernier, contre 202 pour les quatre pays du Vieux continent. Plus largement, le budget russe consacré aux dépenses militaires est bien supérieur à celui de ces puissances européennes – lorsqu’on calcule celui-ci en parité de pouvoir d’achat, une notion qui permet d’établir une comparaison pertinente. Avec une valeur estimée à 400 milliards de dollars, il est plus important que ceux de trois nations réunies : la France, l’Allemagne et la Pologne.
Des « décennies de sous-investissements »
Pourtant, les quatre pays étudiés ont tous opéré d’importantes augmentations de leurs dépenses militaires ces dernières années, tandis que la menace russe se fait toujours plus forte à l’est de l’Europe. Outre la question de la guerre en Ukraine, les pays baltes, voire nordiques, s’inquiètent aussi des velléités du Kremlin à leurs frontières. Suède, Estonie, Pologne, France, Royaume-Uni, Allemagne, Lituanie, Finlande… Tous consacrent désormais plus de 2 % de leur budget à leurs investissements de défense, comme la règle fixée par l’Otan le demande désormais. De son côté, la Commission européenne a annoncé en mars la mise en place d’un plan de 800 milliards d’euros, intitulé « ReArm Europe », afin d’accélérer la capacité de défense de l’UE.
En attendant, les auteurs du rapport alertent sur la relative faiblesse des commandes passées par les gouvernements des quatre grands pays européens analysés pour améliorer leurs arsenaux militaires respectifs. Selon leurs recherches, les achats prévus ne suffiraient pas toujours à compenser le retard pris sur la Russie. « Une augmentation des dépenses militaires ne se traduit pas automatiquement et immédiatement par un renforcement des capacités militaires, notamment si la base industrielle de défense est sous tension », notent-ils ainsi.
En cause ? Le temps de production de certains engins, qui nécessitent un long délai de développement en raison de leur sophistication. Autre raison évoquée, l’inflation : « les hausses de prix sont susceptibles d’absorber une vaste part des augmentations de budget, d’autant plus si l’offre est contrainte », précise le rapport. Mais, surtout, cette configuration peut s’expliquer de manière structurelle, certaines de « ces dépenses ne [faisant] parfois que compenser la dépréciation des stocks existants – après des décennies de sous-investissements depuis la fin de la Guerre Froide ».
Dépendance américaine
Une seconde observation peut être tirée de la lecture de cette étude. Elle concerne la dépendance européenne aux États-Unis dans de nombreux domaines liés au militaire. Satellites, avions de chasse de dernière génération, missiles longue portée… Plusieurs équipements sont directement liés à la relation des puissances européennes à son traditionnel allié de l’autre côté de l’Atlantique.
Or, avec le retour de Donald Trump à Washington, la donne a changé. L’atlantisme à présent mis à mal par l’adage préféré du milliardaire républicain (« America First »), les pays de l’UE, tout comme le Royaume-Uni, ne peuvent plus uniquement compter sur la bonne volonté de leur partenaire américain pour obtenir certains engins. Cas emblématique : les systèmes de défense antiaérienne Patriot, de fabrication américaine. Ces machines sont particulièrement convoitées, entre autres par l’Ukraine. Afin d’assurer sa sécurité, l’Europe aurait besoin selon cette étude de 55 unités supplémentaires de ces coûteux appareils…
Malgré tout, selon les auteurs, une accélération de la production européenne pourrait intervenir dans les prochaines années pour atteindre de manière « réaliste » les « objectifs en matière d’armement pour 2030 ». Le plan « ReArm » lancé à Bruxelles par Ursula von der Leyen pourrait y contribuer. Fin avril, l’UE a annoncé que 16 de ses pays membres avaient demandé à bénéficier d’une dispense au Pacte de stabilité de l’organisation. Cette mesure leur permettrait de déroger temporairement aux contraintes budgétaires fixées au niveau européen lorsqu’ils investissent dans la défense.
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Publish date : 2025-06-20 13:00:00
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