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Simplification : l’Union européenne donne pour une fois l’exemple, par Nicolas Bouzou

Simplification : l’Union européenne donne pour une fois l’exemple, par Nicolas Bouzou

Pour expliquer le sursaut inattendu d’une démocratie libérale qui réagit violemment à une menace, les spécialistes de géopolitique évoquent le « syndrome de Pearl Harbor ». C’est un peu ce qui en est train d’arriver à l’Union européenne dans le domaine économique. Sentant le vent populiste, attisé par les manipulations russes et l’hostilité trumpiste, souffler fort, cette communauté se perçoit depuis quelques mois menacées dans son existence même.

Excellente nouvelle ! L’UE, c’est, concrètement, les gouvernements des pays qui lui sont favorables – au premier rang desquels l’Allemagne -, les groupes parlementaires pro-européens – majoritaires – et les fonctionnaires de Bruxelles. Conséquence de cette dynamique : la politique menée par la Commission dite « von der Leyen 2 », qui a pris ses fonctions en décembre dernier. Cette politique est pro croissance et simplificatrice, là où « von der Leyen 1 » était défensive et régulatrice.

Haro sur les usines à gaz

Ce changement de posture est notamment incarné par l’adoption silencieuse, en février dernier, du « paquet omnibus », une série de mesures visant à alléger les charges administratives des grandes entreprises et des PME, politique portée par le vice-président de la Commission chargé de l’Industrie, Stéphane Séjourné, qui effectue un travail remarquable. Il s’agit de relever le seuil des entreprises soumises aux normes CSRD – une usine à gaz qui oblige les sociétés à publier des rapports détaillés sur leurs impacts environnementaux et sociaux – et CS3D – une autre usine à gaz qui impose aux entreprises de prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement, y compris chez leurs fournisseurs à l’étranger. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est lui aussi remanié.

Cette heureuse politique a été largement inspirée par le rapport de Mario Draghi, qui avait identifié les charges administratives européennes comme un frein à la compétitivité du continent. La Commission a décliné les propositions du rapport Draghi dans sa feuille de route intitulée Competitiveness Compass. Le paquet omnibus, dont la vocation ultime est de simplifier l’ensemble de la réglementation européenne dans tous les secteurs d’activité, est l’un des premiers avatars de cette politique.

Les comités Théodule résistent

Quel contraste avec la loi Simplification actuellement en navette au Parlement français ! Bruno Le Maire et Olivia Grégoire, quand ils officiaient à Bercy, avaient pensé une loi ambitieuse, censée diminuer le stock de normes – supprimer 80 % des formulaires Cerfa – mais aussi ralentir le flux des nouvelles grâce au « test PME ». Un Haut Conseil à la simplification, composé de représentants des entreprises, et placé sous l’autorité du Premier ministre, devait mesurer, grâce à ce test, les effets en amont de toute nouvelle règle. Quand il avait repris ce texte en tant que ministre dans le gouvernement Barnier, Guillaume Kasbarian avait également entrepris de s’attaquer aux 1001 comités Théodule qu’il est obligatoire de consulter pour tout et n’importe quoi dans notre pays.

Finalement, la plupart de ces comités sont en passe d’être maintenus. Dans la version actuelle de la loi, le « test PME » est confié à l’administration. Quant à l’effort de réduction des normes, il est marginal. En étudiant le texte à la loupe, on apprend même que LFI a réussi à faire passer des amendements qui ajoutent des contraintes aux implantations commerciales, notamment pour les réseaux franchisés. Un amendement adopté en Commission des affaires sociales étend l’autorisation d’exploitation commerciale aux entrepôts logistiques et du commerce en ligne. Le résultat de ces délires, c’est qu’il n’est plus à exclure que la loi Simplification débouche sur davantage de complications pour nombre de nos entreprises.

L’Union européenne, si décriée, s’est lancée dans une entreprise audacieuse de simplification à l’échelle continentale. La France, si prompte à dénoncer la technocratie bruxelloise, est en train de gâcher un texte indispensable à la prospérité de notre pays. Navrant. Faudra-t-il donc qu’un Napoléon Bonaparte abroge le droit existant pour écrire de nouveaux codes, plus simples, comme l’Empereur le fit en 1804 ? Espérons ne pas avoir à en arriver là. A ce titre, l’Union européenne nous donne de l’espoir. Pas la France.

Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, est directeur du cabinet de conseil Astères



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Author : Nicolas Bouzou

Publish date : 2025-06-20 05:30:00

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