Sur la commune de Canteleu, à l’ouest de Rouen, ce n’est pas l’arbre qui cache la forêt mais l’art qui la révèle. Ici, au cœur de la forêt domaniale de Roumare, se déploient à ciel ouvert près d’une quinzaine d’œuvres XXL. C’est le principe de « Forêt monumentale », une initiative lancée par la Métropole Rouen Normandie, en collaboration avec l’Office national des Forêts.
La première édition, déroulée en Forêt verte, de 2019 à 2021, avait attiré plus de 400 000 visiteurs. Le nouveau parcours, que l’on pourra emprunter jusqu’en septembre 2026, affiche les mêmes ambitions : permettre aux visiteurs d’aborder autrement ces zones naturelles qui, sur ce territoire particulièrement touffu, couvrent un tiers du patrimoine forestier français. C’est dire que les enjeux liés à la sauvegarde de la biodiversité y sont particulièrement scrutés, chaque œuvre présentée s’en faisant l’écho à travers différents médiums. Les artistes signataires du circuit ont répondu à un appel à projets lancé dans le monde entier, d’où leurs nationalités diverses, mais aussi le large champ créatif qu’ils couvrent, de la sculpture au design, en passant par l’architecture, la scénographie, la verrerie ou… la musique.
Un « son d’alerte »
Le plasticien et musicien franco-britannique Will Menter élabore ainsi une Rivière sonore du possible faite de chêne et de câbles en inox, où les planches de bois, entaillées en leur centre sur le modèle du xylophone et du marimba africain, produisent des sons en se percutant. Provoqués par le vent ou par le public, les mouvements de ces pièces suspendues à une structure qui serpente entre les branches restent aléatoires, tout comme les mélodies qu’elles font naître.
L’installation de la Française Mathilde Caylou égraine elle aussi sa petite musique, quand les 1 150 gouttes de verre soufflé qu’elle a enfilées sur des câbles disséminés à travers les arbres s’entrechoquent doucement pour émettre un tintement discret. Un « son d’alerte », pointe l’artiste-verrière, puisque les délicates pampilles, qui oscillent en jouant avec la lumière et semblent former une toile d’araignée minérale, s’inspirent des collecteurs de brouillard installés dans les régions arides afin d’évoquer « la respiration de la forêt et son rôle dans le cycle de l’eau ».
« A Ladder to Heaven », par Xevi Bayona et Cristina Montero, du Bayona Studio.
Parmi les œuvres les plus spectaculaires de « Forêt monumentale » figure Herd, une installation de la sculptrice polonaise Ewa Dabrowska qui met en scène une harde de neuf sangliers façonnés à partir de branches torsadées, mesurant jusqu’à 1,50 mètre au garrot. Ils sont là pour susciter chez le promeneur « un effet impromptu de conte de fées » et souligner le rôle crucial de la faune locale, à l’heure où la déforestation touche 10 millions d’hectares par an sur la planète.
A quelques encablures du troupeau, une autre œuvre, A Ladder to Heaven, voit une échelle de 35 mètres de hauteur sur laquelle se profilent deux silhouettes féminines en ascension. Cette envolée de métal, qui s’étire le long d’un tronc dans une vertigineuse torsion, donne l’impression de flotter dans le vide, même si un ingénieux système de câble et de poulie lui permet de tenir debout. Avec une impressionnante dextérité, les architectes espagnols Xevi Bayona et Cristina Montero, du Bayona Studio, ont voulu « éprouver l’échelle d’un paysage et le rapport de ce dernier à l’humain« . Posés sur les barreaux, les personnages en résine semblent ici venir témoigner de l’immensité et de la fragilité de la forêt.
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Author : Letizia Dannery
Publish date : 2025-06-21 12:00:00
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