Cette fois, Donald Trump n’a pas bluffé. Après le début des bombardements israéliens en Iran, le 13 juin dernier, le président américain avait averti Téhéran d’une possible intervention militaire si le régime des mollahs ne faisait pas une concession sur la question de son programme nucléaire. Samedi 21 juin, le locataire de la Maison-Blanche a mis ses menaces à exécution. Trois sites liés au projet atomique de la République islamique ont été frappés par l’armée américaine. « Les installations essentielles d’enrichissement nucléaire de l’Iran ont été intégralement et totalement détruites », s’est réjoui Donald Trump après l’opération.
Pourtant, il y a encore quelques semaines, un tel scénario n’apparaissait pas comme l’option la plus probable du côté américain. Fidèle à son imprévisibilité, le milliardaire républicain alterne entre tergiversations et volte-face successives sur de nombreux dossiers internationaux : la guerre en Ukraine, droits de douane, crise des migrants aux États-Unis… Mais sur la question iranienne, il a longtemps semblé privilégier avant tout la solution diplomatique. Après avoir engagé des négociations directes avec Téhéran, comment Donald Trump en est-il venu à attaquer l’Iran ?
La tentative d’un « deal »
Un homme constitue la clef du changement progressif de vision de Donald Trump : le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Depuis le début du second mandat du président américain, « Bibi » a opéré un fort lobbying sur la menace du programme nucléaire en Iran. Dans un long récit, le New York Times raconte que dès sa première visite à la Maison-Blanche, début février, le dirigeant israélien tente d’alerter son homologue sur le sujet. Il effectue une présentation détaillée des risques liés aux recherches iraniennes sur le nucléaire, qui pourraient conduire à la fabrication d’une arme atomique. Des allégations toujours déniées par Téhéran, qui assure s’en tenir uniquement à un programme civil.
Donald Trump ne compte pas négliger certaines possibilités militaires. Pendant plusieurs mois, son administration et le Pentagone vont évoquer différents scenarii avec les forces israéliennes pour anticiper une éventuelle intervention militaire. Mais il favorise d’abord une autre voie : la solution diplomatique. Début mars, le locataire de la Maison-Blanche transmet ainsi une lettre au guide suprême iranien, Ali Khamenei, pour l’inciter à négocier un accord sur le nucléaire. Dans le cas inverse, Donald Trump menace le régime d’une attaque armée. Réponse courroucée de l’ayatollah, qui juge « imprudentes » les déclarations du dirigeant.
Malgré cette passe d’armes, des pourparlers entre les États-Unis et l’Iran sont tout de même organisés à partir d’avril. À cet instant, Donald Trump s’estime capable d’imposer ses vues dans la région. Le président américain profite de la seconde visite de Benyamin Netanyahou à la Maison-Blanche pour annoncer à la presse la tenue de ces discussions. Regard médusé du Premier ministre israélien, pas mis au courant d’une telle démarche. Après cet épisode, les relations entre les deux hommes commenceront véritablement à se dégrader. Donald Trump dissuadera même son partenaire israélien de mener une attaque immédiate contre l’Iran.
Tensions avec Benyamin Netanyahou
Pourtant, au sein de l’État hébreu, les différents services de renseignement et l’armée continuent de s’activer pour préparer une prochaine intervention militaire contre son ennemi juré. Le pouvoir israélien, Benyamin Netanyahou en tête, est déterminé à affaiblir au maximum l’Iran, et ce, rapidement. De l’autre côté de l’Atlantique, la dynamique est tout autre. Pas question pour Donald Trump de se précipiter dans un nouveau conflit guerrier au moment où ses négociateurs, comme son envoyé spécial au Moyen-Orient Steve Witkoff, font état de « progrès significatifs » dans les discussions avec Téhéran. Cependant, de nombreux obstacles subsistent avant d’aboutir à un accord. L’Iran refuse toujours de stopper l’enrichissement de son uranium, comme le réclame en vain Washington.
Au mois de mai, lors de sa tournée dans le Golfe, les tensions entre Trump et Netanyahou sont à leur comble. Le dirigeant américain prend soin de ne pas faire une halte en Israël lors de son déplacement au Moyen-Orient et préfère signer de juteux contrats avec les pétromonarchies de la région. Cohérent avec l’anti-interventionnisme d’une partie de sa base « MAGA », il répète sa volonté de ne pas s’engager dans une nouvelle guerre. « En tant que président, ma priorité est de mettre fin aux conflits, pas de les commencer », insiste-t-il. Le pouvoir israélien, lui, se résout à préparer coûte que coûte une attaque militaire de l’Iran, même sans l’appui américain.
À Oman, les négociations des Américains avec la délégation iranienne n’avancent pas. Lorsque enfin, une proposition d’accord est transmise à l’ayatollah Khamenei fin mai, celui-ci la balaie d’un revers de la main quelques jours plus tard. Pour Donald Trump, l’attente a peut-être trop duré. En dépit d’un coup de fil mouvementé avec Benyamin Netanyahou à la même période, le milliardaire commence à concevoir l’hypothèse d’une attaque israélienne contre l’Iran comme inévitable. Mais il se trouve toujours hésitant quant au rôle à faire endosser aux États-Unis dans cette confrontation.
Atermoiements à la Maison-Blanche
Deux réunions vont alors faire pencher la balance du côté israélien. Les deux scènes sont racontées par les journalistes du New York Times. Le 8 juin, une présentation de la situation au Moyen-Orient est effectuée pendant plus de deux heures par le directeur de la CIA, John Ratcliffe et le chef d’état-major interarmées, le général Dan Caine. Les signaux des renseignements sont clairs : Israël est sur le point de déclencher une attaque contre l’Iran. D’après le quotidien new-yorkais, l’imminence de l’offensive conduit alors le président américain à joindre par téléphone le Premier ministre israélien dès le lendemain. Le plan de l’opération lui est alors détaillé par le dirigeant.
Donald Trump, impressionné par la technicité du plan de Tsahal, aurait alors confié à ses conseillers : « Je pense que nous devrions peut-être l’aider ». Mais ce dernier est encore en proie aux doutes : une issue diplomatique avec l’Iran est-elle véritablement impossible ? Et surtout, quid des répercussions politiques sur la scène intérieure d’un soutien américain aux frappes israéliennes. Certaines figures trumpistes, comme l’élue d’extrême-droite à la Chambre des représentants Marjorie Taylor-Greene ou l’influent éditorialiste Tucker Carlson, ne cachent pas leur désapprobation d’une telle mesure. De façon plus générale, les proches – et les sympathisants – du président Trump sont partagés sur la question.
La date du 13 juin arrive. Israël attaque l’Iran, qui réplique par le lancement de drones et de missiles. Commence alors une série de propos contradictoires venus de l’administration américaine. Dans un premier temps, Washington prend soin de poser une certaine distance avec l’initiative israélienne. Donald Trump s’entretient dans la foulée des frappes avec le président russe, Vladimir Poutine. « Il pense, comme moi, que cette guerre entre Israël et l’Iran doit prendre fin », soutient le président américain.
Revirement idéologique
Mais, peu à peu, le milliardaire américain laisse planer le doute sur une possible intervention américaine en Iran. Son départ précipité du G7, le 16 juin, sème le trouble parmi ses alliés occidentaux. « Je dois rentrer aussi vite que possible », avait simplement indiqué Donald Trump, tandis qu’un Conseil de défense était prévu à Washington le lendemain. Le dirigeant avait ensuite ajouté que son retour dans la capitale américaine « n’avait rien à voir » avec « un cessez-le-feu ». « C’est beaucoup plus gros que ça », avait-il juré. Dans les jours qui suivent, le déploiement d’appareils militaires américains en renfort dans la région renforce l’impression d’une vision renouvelée de la marche à suivre dans l’esprit du magnat.
Intervenir en Iran ? « Je vais peut-être le faire, peut-être pas », avançait Donald Trump le 18 juin, trois jours avant le début des frappes américaines sur les sites de Fordo, Natanz et Ispahan. « Personne ne sait ce que je vais faire », soulignait-il. « J’aime prendre la décision finale jusqu’à la dernière seconde. » Conclusion de son revirement idéologique, le pari de bombardements en Iran a donc constitué son choix final. De quoi réchauffer une fois pour toutes les relations avec son allié israélien. « Je tiens à remercier et à féliciter le premier ministre ‘Bibi’ Nétanyahou », a lancé samedi soir Donald Trump, lors de sa prise de parole. « Nous avons travaillé en équipe, comme aucune équipe n’avait peut-être jamais travaillé auparavant. »
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Publish date : 2025-06-22 13:34:00
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