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Entre Israël, l’Iran et les Etats-Unis, les Etats du Golfe pris en étau

Entre Israël, l’Iran et les Etats-Unis, les Etats du Golfe pris en étau

La guerre régionale initiée par Israël contre l’Iran coince les pays du golfe entre le marteau et l’enclume. Elle consolide un nouvel ordre régional, sapant du même coup l’influence qu’ils pensaient avoir gagnée dans la région. « D’un côté, il y a une République islamique très affaiblie, décrypte le quotidien libanais L’Orient-Le Jour, mais avec laquelle les pétromonarchies se sont réconciliées ces dernières années pour se prémunir de potentielles attaques, et elles tiennent à ne pas ruiner ces efforts. De l’autre, un Etat hébreu qui se considère comme tout-puissant, mais dont les entreprises belliqueuses vont à l’encontre du projet de stabilité et de prospérité régionale voulu par les couronnes golfiques, et qui, de surcroît, font bouillir de colère leurs populations, accentuant le risque de radicalisation. »

Emmené par l’Arabie saoudite, le bloc des pays du golfe n’a qu’un seul objectif : éviter l’escalade, et maintenir la région stable. Pour cela, un délicat jeu d’équilibre s’est mis en place ces derniers mois, qualifiant à tour de rôle les attaques israéliennes de violation de la souveraineté iranienne, puis condamnant plus discrètement les frappes américaines contre les installations nucléaires du 21 juin. Avant de faire bloc derrière le Qatar, l’un des leurs, après la frappe iranienne soigneusement calibrée vers la base américaine d’al-Udeid le 23 juin dernier, dont les Etats-Unis avaient été prévenus et qui n’a finalement fait aucun dégât.

« J’espère que les bonnes relations avec l’Iran se normaliseront au plus vite », a par la suite déclaré à la presse mardi le Premier ministre qatari Mohammed ben Abdelrahman Al Thani, tout en condamnant l’attaque. « Cet épisode illustre parfaitement l’évolution de la vision du Golfe sur les menaces régionales et la manière d’y faire face depuis le premier mandat de Donald Trump », analyse le Washington Post dans un article.

Les pays du Golfe poussés dans les accords d’Abraham ?

Mais les ambitions de Donald Trump face à la réalité du conflit régional semblent évoluer. Voilà désormais que l’envoyé spécial des Etats-Unis au Moyen-Orient, Steve Witkoff, a laissé entendre lors d’une interview accordée mercredi à la chaîne CNBC que deux autres pays arabes allaient rejoindre les accords d’Abraham — cette série d’accords diplomatiques signés depuis 2020 sous l’égide des Etats-Unis par le Bahreïn et les Emirats Arabes Unis, afin qu’ils reconnaissent Israël. Les pays du golfe (et en partie l’Arabie saoudite) pourraient-ils, sous la pression de Washington, devoir normaliser leur relation avec Israël, et ainsi sceller la supériorité militaire d’Israël dans la région ?

Ces derniers jours à Tel Aviv, des panneaux d’affichages XXL de la « Coalition pour la sécurité régionale », initiative politique et sécuritaire israélienne, montrent le roi Abdallah II de Jordanie, le président libanais Joseph Aoun, le président par intérim syrien Ahmed al-Sharaa, le président palestinien Mahmoud Abbas, le président égyptien Abdel-Fattah al-Sissi ou encore prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane, et d’autres leaders arabes aux côtés de Donald Trump et de Benyamin Netanyahou. « Un temps pour la guerre, un temps pour le règlement ; c’est maintenant le temps de l’Alliance abrahamique » ou encore « Il est temps de créer un nouveau Moyen-Orient », peut-on y lire.

Une Palestine administrée par les pays du Golfe ?

Selon le site d’information Israël Hayom, Donald Trump et Benyamin Netanyahou « se seraient accordés sur une entente globale qui inclurait la fin de la guerre à Gaza d’ici à deux semaines, selon le site d’information Israël Hayom. Elle serait conditionnée au retour des otages, à l’exil des dirigeants restants du Hamas, et à la remise des clés de la bande de Gaza à quatre pays arabes, dont les Émirats arabes unis et l’Égypte, chargés d’administrer l’enclave dévastée ». Les habitants de la zone pourraient ainsi « émigrer vers des pays disposés à les accueillir, et les Etats-Unis reconnaîtraient la mise en œuvre limitée de la souveraineté israélienne en Cisjordanie occupée », détaille L’Orient le Jour. Une manière pour Israël d’accepter finalement une solution à deux Etats, sous réserve de réforme de l’Autorité palestinienne.

Une finalité difficilement acceptable pour les opinions publiques des pays du Golfe. Car pour certaines monarchies arabes, il convient d’être de plus en plus méfiant à l’égard d’Israël, acteur régional belliqueux et imprévisible pour ses opérations militaires à Gaza, au Liban, en Syrie et ailleurs. En parallèle, alors que longtemps « les pays du Golfe ont considéré l’Iran comme la plus grande force déstabilisatrice de la région et une menace qu’ils devaient contrer », explique le Washington Post, cette perception s’est atténuée ». Malgré une longue histoire de rivalité et d’antipathie, les Etats du Golfe ont tenté ces dernières années de se rapprocher de l’Iran, pariant sur un engagement susceptible d’atténuer la menace posée par son réseau de milices mandataires et d’apporter d’autres bénéfices, notamment économiques », poursuit le journal américain.

Pour sauvegarder l’équilibre diplomatique soigneusement entretenu jusqu’ici, l’Arabie saoudite et son bloc pourraient maintenir le plus longtemps possible l’ambiguïté.



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Author : Enola Richet

Publish date : 2025-06-29 10:35:00

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