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A Flins, le futur musée de Renault qui nous ramène en enfance, par Christophe Donner

A Flins, le futur musée de Renault qui nous ramène en enfance, par Christophe Donner

Les gens de chez Renault avaient convié une petite centaine de journalistes et moi à assister à une conférence à Flins, l’usine d’où sont sortis, depuis sa mise en fonction en 1952 jusqu’à la fermeture des ateliers l’année dernière, 18 millions de véhicules. De la première voiture de mon grand-père, la Frégate, rien que ce nom me fait monter les larmes, à la dernière Zoé.

J’espérais visiter pour la première fois de ma vie une usine Renault en état de marche. Raté. Ça viendra peut-être, mais pour l’instant, je ne connais de cette entreprise que son histoire, et les locaux administratifs installés sur des sites qui furent jadis à la fois des bagnes prolétariens et des ateliers de productions d’objets de rêve, qui m’avaient permis de foncer à 180 kilomètres-heure sur l’autoroute, la nuit, sous la pluie, et m’en fous la mort. Mais honnêtement, cette nuit-là, je ne sais pas si ce bolide de location était une Renault, c’était à l’occasion d’un tournage où je jouais au régisseur vachement pressé.

En revanche, la Erseize que j’avais achetée dans une vente aux enchères du Domaine, je n’ai pas oublié son nom. Régulièrement, l’Etat se défait des véhicules de fonction de ses serviteurs. Ça me faisait bien kiffer de rouler à bord de la Erseize d’un commissaire de police. Je l’avais eue pour trois fois rien, et elle m’a duré au moins 200 000 bornes. Qu’elle fût une Renault ne m’intéressait pas plus que ça, pour moi c’était une Erseize, comme la Deuchevot de mon père, la Quatrelle du père de mon copain, la Simcamil des voisins.

Le bruit des voitures

Je me souviens qu’il y avait une petite guéguerre, comme ça, à l’école, entre ceux dont les pères avaient telle ou telle voiture de telle ou telle marque, ce patriotisme automobile me passait au-dessus de la tête. Mais le soir, allongé dans mon lit, chez ma grand-mère, dans la pièce qui donnait sur l’avenue Franklin-Roosevelt, au seul bruit de leur moteur je pouvais reconnaître le passage d’une Aronde, d’une Déesse ou d’une Panhard. Ma parole, j’avais l’oreille automobile absolue. Je ne crois pas avoir eu de préférence pour l’une ou l’autre, mais quand la Deuch s’arrêtait devant la maison, je savais à sa façon de serrer le frein à main si c’était mon père ou ma mère qui venait me chercher.

Pendant la conférence, à Flins, je me suis demandé pourquoi les gens de Renault n’y avaient pas pensé plus tôt, à ce musée. En fait, un musée avait existé, qui a été fermé en novembre 2016, après vingt-huit ans d’existence, ce qui est court, pour un musée. Il faut dire que le bâtiment, un hôtel particulier de Boulogne datant de la fin du XIXe siècle, ne se prêtait guère à ce genre d’attraction. C’était même un non-sens. Sans avoir prononcé en entier le nom de Luca de Meo (juste Luca) ils ont annoncé la construction à Flins d’un nouveau musée, sauf qu’ils n’aiment pas ce mot musée. Je ne vois pas pourquoi. Ils en cherchent un autre. En attendant, à voir comme ça, en 3D animée sur l’écran, l’architecture est belle. Certes, c’est toujours beau les plans d’architecte, ça se gâte quand on entre dedans. Mais déjà, le fait de présenter la collection dans une sorte de muraille de bagnoles empilées qui n’est pas sans évoquer le Long Term Parking d’Arman : dix mètres de hauteur, cinquante de largeur sur quatre épaisseurs, chacune des voitures étant comme enfermée dans sa boîte en plastique transparent, à la manière des miniatures que les pères achètent à Noël pour retomber en enfance, tout ça ressemble à la bonne idée.

L’autre idée, meilleure encore, c’est de joindre à cette collection de voitures, la collection d’art contemporain. La fameuse collection Renault, la première jamais créée par une grande entreprise française. Après ses heures glorieuses dans les années 1970, elle fut abandonnée, pillée, abîmée, puis redécouverte, restaurée ; des légendes urbaines les plus folles courent encore à son sujet. Reste à savoir comment les chefs-d’œuvre d’Arman, de Vasarely, de Dubuffet et d’autres vont cohabiter avec ma Frégate, ma Erseize, ma Quatrelle. On saura ça dans deux ans.



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Author : Christophe Donner

Publish date : 2025-07-02 04:45:00

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