En Suisse, le sujet de l’acquisition de 36 avions de combat F-35 américains est « brûlant », selon la Radio Télévision Suisse (RTS). En cause, un surcoût d’1,3 milliard de dollars, quatre ans après la validation des contrats, que le fabriquant américain Lockheed Martin attribue à l’inflation.
À plusieurs reprises ces derniers jours, Berne a indiqué avoir négocié un contrat à « prix fixe » lors de la commande en 2021, soit 6 milliards de francs suisses (6,4 milliards d’euros). Et refuse en filigrane de payer davantage. Le prix avait « été confirmé officiellement, à la fois par les rapports d’expertise de plusieurs études d’avocats et par l’ambassade américaine à Berne », a indiqué la semaine dernière le ministère suisse de la Défense. Les Américains, eux, ne sont pas du même avis.
« Un malentendu »
Des révélations de la presse suisse, notamment dans les pages des journaux Sonntags Blick et SonntagsZeitung ont par ailleurs indiqué que le prix des F-35 ne pouvait pas être « fixe » car établi sur des « estimations fondées sur les meilleures données disponibles ». Dans un rapport, le Contrôle fédéral des finances suisse (CDF) avait déjà fait observer que la « notion de prix fixe mentionnée dans la ‘Lettre d’offre et d’acceptation’ n’était pas clairement définie ».
L’affaire traîne depuis des mois. Déjà fin février 2025, l’Agence américaine de coopération pour la défense et la sécurité (DSCA) avait « informé la Suisse par écrit que le prix ferme convenu reposait sur un malentendu ». Selon le journal NZZ am Sonntag, des documents internes montrent que les Etats-Unis ont bien garanti à la Suisse un prix fixe, mais n’ont pas indiqué de montant, ni s’il s’agissait de dollars ou de francs suisses. Et le journal de poursuivre : « Il a seulement été promis de céder l’avion au même prix que les Etats-Unis doivent payer au constructeur Lockheed Martin. Or, selon les Etats-Unis, si ce prix change, la Suisse devra également payer plus. »
Enquête parlementaire
Face à l’ampleur de la polémique, des parlementaires suisses dénoncent le flou du contrat, voire une potentielle escroquerie. « C’est comme cela que ça se passe toujours avec les ventes d’armes des Etats-Unis. C’est la norme qui s’applique à tous les pays », a déclaré la conseillère nationale et présidente de la Commission de la politique de sécurité Priska Seiler Graf auprès du journal NZZ am Sonntag. « J’ai toujours été convaincue que le mensonge serait un jour découvert », a-t-elle ajouté. D’autant que, au-delà du prix des appareils, il apparaît que les F-35 ont été commandés avec un équipement insuffisant, relate le SonntagsBlick. En effet, il semblerait que pour un tiers des appareils, les bombes ne soient pas incluses dans la commande, selon les informations du journal. Il manquerait également des missiles air-air de moyenne portée Amraam, qui doivent être acquis séparément.
Pour faire la lumière sur les conditions du contrat, « la Commission de gestion du Conseil national a décidé d’enquêter sur la gestion par les autorités de la question du prix fixe du F-35 lors de l’acquisition de cet appareil », a-t-elle indiqué dans un communiqué rendu public ce mardi 1er juillet. Elle a décidé « de chercher à déterminer si, rétrospectivement, des manquements pouvaient être constatés dans la façon dont le gouvernement a géré la négociation des contrats ». Elle tient également à examiner si le gouvernement et le ministère suisse de la Défense « ont communiqué de manière appropriée à l’égard de la haute surveillance parlementaire et du public ».
Mieux vaut des Rafale français ?
Alors que la présidente de la confédération suisse, Karin Keller-Sutter, était en visite à l’Élysée pour une rencontre avec Emmanuel Macron, ce mardi, la presse helvétique n’a pas hésité à mettre en avant la « joie mauvaise », selon les mots de Blick, des responsables politiques et militaires français au regard de la controverse suscitée par les F-35. « Alors que la France proposait ses Rafale… », raille le titre. Et le journal de citer un tweet sur X de Bruno Tertrais, directeur adjoint du think tank français de la Fondation pour la recherche stratégique : « Je ne suis pas connu pour être un anti-américain enragé, mais cette affaire pathétique devrait servir de leçon aux Européens, écrit-il. Mépris, escroquerie, ou les deux : le résultat est le même. Bon courage à ceux – ils restent nombreux – qui croient encore qu’acheter américain est un gage de sécurité. Quant à ceux font les yeux doux à Trump, ils seront mangés en dernier. »
Si le gouvernement suisse affirme que l’avion était de loin le meilleur, au prix le plus bas de tous les jets en lice pour le contrat (Rafale, F/A-18 et Eurofighter), les innombrables difficultés techniques et dépassements budgétaires du programme F-35 aux Etats-Unis avaient déjà incité la Commission de gestion du Conseil national à enquêter en 2022 sur le choix de l’appareil. De quoi faire capoter la livraison finale des avions, censée intervenir entre 2027 et 2030 ? Rien ne le présage pour l’instant. Néanmoins, plus tôt cette année, un autre été européen, le Portugal, a remis en question son futur achat de F-35. « Face à la dépendance technologique aux Américains et aux restrictions potentielles sur l’usage des appareils militaires », le ministre portugais de la Défense, Nuno Melo, avait ainsi annoncé que son pays ne ferait finalement pas l’acquisition des avions de Lockheed Martin.
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Publish date : 2025-07-01 17:11:00
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