Les vies de Cécile Kohler, professeure de lettres de 40 ans et de son compagnon Jacques Paris, 72 ans, ont basculé le 7 mai 2022 lors d’un voyage touristique en Iran. Plus de trois ans après leur arrestation, leur cauchemar connaît une nouvelle escalade inquiétante. Ils viennent d’être inculpés, mardi 2 juillet, pour « espionnage pour le Mossad », le service de renseignement israélien, « complot pour renverser le régime » et « corruption sur terre », pour reprendre le vocabulaire apocalyptique d’une République islamique humiliée militairement depuis la « guerre des douze jours ». Chacun de ces trois chefs d’inculpation est passible de la peine de mort.
Bien avant le cessez-le-feu et les frappes américaines, le scénario noir d’un durcissement du régime était à craindre. Il a été extrêmement brutal. Une répression féroce menée par les Gardiens de la Révolution, le bras armé du guide suprême, qui ont déjà jeté en prison près de 700 personnes pendant le conflit sous l’accusation récurrente de « collaboration » avec Israël. Cécile Kohler et Jacques Paris, comme bon nombre d’Iraniens aujourd’hui, font les frais de l’engrenage infernal d’un pouvoir dictatorial qui veut éliminer toute forme de dissidence. Militants des droits humains, intellectuels et toute la jeune génération iranienne qui a courageusement garni les cortèges descendus dans la rue après la mort de Mahsa Amini en 2023 sont régulièrement pris pour cible.
Déjà six Iraniens ont été exécutés pour espionnage depuis le 13 juin alors que leur condamnation, dans des simulacres de procès, a été prononcée bien avant la guerre. Jusqu’où s’arrêtera cette fuite en avant alors que la République islamique a annoncé la création de tribunaux spéciaux pour juger ces citoyens qu’elle qualifie de « traîtres » et de « mercenaires » ?
La prison ou « l’Université d’Evine »
Malgré une visite consulaire du chargé d’affaires de l’ambassade de France à Téhéran qui a eu lieu récemment dans un pénitencier du sud du pays, personne ne sait aujourd’hui dans l’entourage des deux Français où sont détenus ces otages.
Ce que l’on sait avec certitude c’est qu’ils étaient dans la tristement célèbre prison d’Evine lorsque Israël l’a bombardée le 23 juin dernier. « Ils ont entendu trois frappes qui ont fait trembler les murs de leur cellule », nous apprend la sœur de Cécile, Noémie Kohler qui a révélé leur inculpation.
Ce haut lieu de la répression, tristement surnommé « l’université d’Evine », est célèbre pour avoir vu passer, depuis la Révolution, de très nombreux universitaires, intellectuels et grands réalisateurs de cinéma dont Jafar Panahi, récompensé de la Palme d’or au dernier festival de Cannes…
Alors que le conflit faisait rage, une source diplomatique israélienne racontait que « l’attaque sur la prison d’Evine était un message aux mollahs : ‘si vous continuez à attaquer les civils, vous en paierez le prix' ». Il semble que Téhéran, qui veut garder des atouts dans sa manche, n’en a cure. Alors que le dossier du nucléaire s’enlise – le régime vient de suspendre sa coopération avec l’AIEA -, l’Iran s’appuie, plus encore qu’auparavant, sur la « diplomatie des otages » comme arme de rétorsion, profitant de l’impuissance européenne.
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Author : Charles Carrasco
Publish date : 2025-07-03 11:05:00
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