Une tribune publiée, et tout est décharné. Il a suffi d’un texte écrit par Bruno Retailleau contre le financement public des énergies renouvelables pour qu’une guerre ouverte éclate dans le socle commun. Le ministre de l’Intérieur est taxé de « populisme » par sa collègue chargée de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, quand Gabriel Attal étrille un « contre-sens historique et scientifique ». Les balles fusent sous le regard impuissant de François Bayrou, Premier ministre fragilisé par l’impopularité.
Lui doit se morfondre à la vue d’un tel spectacle. C’était sa grande œuvre. Il l’a même baptisé. Michel Barnier aurait tant aimé que le « socle commun » ne soit pas qu’une alliance de circonstances, née sur les décombres de la dissolution. A des députés, l’ancien Premier ministre confiait dès novembre 2024 son souhait qu’il débouche sur une candidature commune à l’élection présidentielle. « La droite et le centre ne pourront pas se payer le luxe d’aligner plusieurs candidats au premier tour », assurait-il au Figaro au mars, rejoint dans son analyse par Gérald Darmanin ou la porte-parole du gouvernement Sophie Primas.
Une « polyphonie » inaudible
Quoi de plus naturel ? Ce petit monde gouverne ensemble et partage le même électorat. Les municipales de 2026 devraient cimenter cet attelage, à la faveur d’accords locaux. « Elles seront une première reconfiguration par le bas, notait en janvier Bruno Retailleau. Je ne sais pourtant pas si on peut maintenir une alliance entre la macronie et la droite en 2027. » Cette simple interrogation signait une révolution culturelle, tant le Vendéen a en horreur le macronisme. « On aura un bilan commun au bout de deux ans, glissait à la même époque la députée (Ensemble pour la République) des Hauts-de-Seine Maud Bregeon. Bon courage pour expliquer aux électeurs qu’on n’a pas assez de convergences pour être ensemble. » Et puis, l’arithmétique ne commande-t-elle pas l’union ? Sauf à observer un duel Mélenchon-RN au second tour…
Las, ce rêve s’effrite chaque jour un peu plus. La « polyphonie gouvernementale », conséquence de la liberté de parole accordée à chaque ministre et gage supposé de modernité, devient inaudible. Bruno Retailleau est entré dans la cour des grands depuis son élection à la tête de LR. Ses incursions dans d’autres périmètres que le sien suscitent des réactions d’autant plus vives de ses contempteurs. Surtout quand il s’attaque à l’écologie, totem macroniste malgré un bilan en demi-teinte. Et que dire de la sortie de Sophie Primas sur la « fin » programmée du macronisme ? On ne touche pas ainsi la statue du commandeur, même si son héritage n’est guère disputé.
Le socle commun, objet politique flou
Le socle commun. Parfois défendu, souvent attaqué. Mais si rarement défini. Cette alliance de circonstances ne repose sur aucun projet négocié, malgré d’évidentes convergences politiques entre plusieurs de ses membres. Bruno Retailleau l’érige en bouclier face à une « gauche mélenchonisée », se gardant bien de lui donner la moindre cohérence intellectuelle. « Le socle commun n’a de solide que son absence de volonté de renverser le gouvernement », abondait Gabriel Attal avant la chute de Michel Barnier.
Là réside le paradoxe du socle commun. Ses formations accueillent le même électorat. Mais des divergences idéologiques persistent entre ses représentants. Il en va de l’écologie comme des sujets régaliens et identitaires. « Ces divergences idéologiques sont d’autant plus fortes que la droite républicaine se replie sur une droite très conservatrice », notait le député Renaissance de Gironde Florent Boudié après l’élection de Bruno Retailleau à la présidence des Républicains. Entre la droite dure et le social-libéralisme, le spectre est large.
Ces fractures sont amplifiées par la perspective de la présidentielle. Chaque prétendant souhaite se singulariser pour défendre la légitimité de ses ambitions. Edouard Philippe se détache du bilan d’Emmanuel Macron, quand Bruno Retailleau perçoit le retour du « clivage gauche droite ». « Je ne vois pas de projet de société commun aujourd’hui entre LR et nous, a fortiori pour une élection présidentielle », assure enfin Gabriel Attal au Monde, citant l’environnement et les questions sociétales. La manœuvre est aussi stratégique : cibler LR, c’est effacer Edouard Philippe pour installer un duel avec Bruno Retailleau. Le socle commun n’en ressort que plus fragilisé. Le Vendéen et l’ancien chef du gouvernement ont-ils vraiment intéret à ce que l’attelage perdure ? Ils n’en sont pas au barycentre idéologique. L’un est trop macroniste, l’autre trop droitier. « Attal ne pourra jamais être le candidat commun de cet ensemble, et je pense que Retailleau non plus », juge un ancien ministre.
« Cela sera difficile »
En 2027, tous séparés ? Le doute étreint les partisans d’une candidature unique. « Cela sera difficile, admet en privé Sophie Primas. Mais il faut s’organiser pour que le RN ne gagne pas. » A un parlementaire, Gabriel Attal a livré son pronostic : deux candidats issus du socle commun au premier tour de la présidentielle, l’un asphyxié par son rival. Le vote utile, comme remède à l’éclatement des candidatures.
Cela s’est produit en 2022 avec le siphonnage de Valérie Pécresse par Emmanuel Macron. Edouard Philippe a tiré de ce scrutin une « théorie du canyon ». Face à la menace du RN et de LFI, les électeurs du bloc central se sont rassemblés pour dépasser un des bords du canyon. Mais si l’un des deux bords s’effondre ? Là, place à la course de voile « America’s Cup ». Les prétendants du socle commun peuvent s’affronter pour gagner la dernière place de finaliste. Cette théorie dessine en creux un enjeu décisif pour le socle commun : une gauche radicale sera-t-elle en position de force dans deux ans ? Nul ne le sait. Mais son état devrait influencer bien des choix stratégiques en 2027.
Il reste une interrogation, aussi vieille que le scrutin présidentiel : un parti politique absent de cette élection a-t-il une raison d’être ? Etre sur la ligne de départ n’est-il pas une obligation ? Horizons a été créé pour porter la candidature d’Edouard Philippe et Renaissance exerce le pouvoir depuis 2017. Les Républicains, lointains héritiers du RPR, ne veulent pas tourner la page de leur glorieux passé. « Si LR ne va pas à la présidentielle, il devient le parti radical valoisien. Donc, il y aura un candidat de cette famille », note un confident d’Emmanuel Macron. L’unité sera peut-être demain dans l’intérêt de tous. Elle n’est aujourd’hui dans celui de personne.
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Author : Paul Chaulet
Publish date : 2025-07-04 15:00:00
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