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Retailleau-Pannier Runacher : comment le gouvernement se déchire sur les énergies renouvelables

Retailleau-Pannier Runacher : comment le gouvernement se déchire sur les énergies renouvelables

Mercredi, c’est une tribune co-signée par Bruno Retailleau dans les colonnes du Figaro, qui a mis le feu aux poudres. Il faut dire que le ministre de l’Intérieur n’a pas mâché ses mots sur les énergies renouvelables. Dénonçant tout à tour la « dégradation du paysage » ou leur « intermittence coûteuse », faisant courir « un risque de black out » et critiquant lesdits « tartuffes de l’écologique politique », Bruno Retailleau a plaidé pour un arrêt des subventions publiques pour l’éolien et le solaire. Des positions qui lui ont valu les foudres de plusieurs ministres, à commencer par celle de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, qui a même confié au Monde avoir songé à démissionner. S’en est suivie une véritable passe d’armes entre les ministres, animée tantôt sur X tantôt sur les plateaux télé.

Double recadrage de Bruno Retailleau

Visiblement mal à l’aise, Emmanuel Macron n’a pas tardé à rappeler à l’ordre ses troupes, suivi dans la foulée par François Bayrou. Dans un clin d’oeil à peine voilé à Bruno Retailleau, le président de la République a ainsi enjoint « chaque ministre » à « s’occuper des affaires pour lesquelles il est nommé ». De son côté, le Premier ministre a demandé à ses troupes de cultiver « l’esprit de responsabilité » et de s’exprimer « avec un tout petit peu plus de nuances ». « Il n’y a qu’une politique du gouvernement, […] c’est celle que je définis », a-t-il assuré. Emmanuel Macron et François Bayrou ont également parlé d’une seule voix, martelant que la France « a besoin de renouvelables », en complément du nucléaire, pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Loin d’être anodine, cette querelle est révélatrice d’un désaccord plus profond au sein de la Macronie. Si le gouvernement confirme faire des enjeux environnementaux une priorité, les reculs se sont multipliés ces derniers mois, à commencer par la suppression des aides pour les voitures électriques, la suspension du dispositif « Ma Prime Rénov », ou encore des mesures chères à Bruno Retailleau, comme l’abandon des zones à faibles émissions (ZFE) – dont il se félicite dans sa tribune – ou encore l’adoption de la loi Duplomb, qui réintroduit un néonicotinoïde néfaste pour les abeilles, interdit en France depuis 2018.

Ratisser des voix à l’extrême droite

Pour Agnès Pannier-Runacher, son collègue de l’Intérieur, qui ne cache pas ses ambitions présidentielles, cherche par cette stratégie à ratisser des voix à l’extrême droite, particulièrement hostile aux renouvelables. « Un calcul électoral perdant » selon la ministre de la Transition énergétique, qui met en garde : « à courir derrière le Rassemblement national, les Français préféreront toujours l’original à la copie, surtout quand on pèse 7 % des votes aux législatives ». Pour sa part, Bruno Retailleau s’est fendu d’une mise au point sur X, défendant une position fidèle à celle tenue depuis toujours par son parti et renvoyant à un livre paru en 2021. Et de préciser : « Ce que nous disons relève du bon sens : le nucléaire doit rester la colonne vertébrale d’une énergie décarbonée. Les énergies renouvelables sont arrivées à maturité et il n’y a plus besoin de les subventionner. »

De quoi fortement agacer le syndicat des énergies renouvelables, qui n’a pas tardé à réagir : « s’appuyer sur le seul nucléaire et stopper les subventions à l’éolien et au solaire, comme le préconise Bruno Retailleau, revient à renoncer à lutter contre le changement climatique et, in fine, à maintenir notre dépendance vis-à-vis de l’étranger en matière énergétique », confie son président Jules Nyssen à l’AFP. Une position aussitôt corroborée par Agnès Pannier-Runacher : « De la petite politique », « populiste », « absurde » et « dangereuse », a-t-elle réagi.

Soutien de Gabriel Attal et Marc Ferracci

La ministre a aussitôt reçu le soutien de plusieurs membres du gouvernement, interloqués. Le chef du parti présidentiel Renaissance Gabriel Attal a ainsi regretté « un contresens historique et scientifique incompréhensible ». « Croire que sortir de la dépendance aux énergies fossiles et aux pays qui les produisent peut se faire en abandonnant les énergies renouvelables et en mettant au chômage les salariés de leurs filières, est une vue de l’esprit », a quant à lui déclaré le ministre de l’Industrie Marc Ferracci, qui a déploré « une position frontalement opposée à la ligne du gouvernement ».

De son côté, la ministre de la Transition énergétique confie souhaiter continuer à avancer sur ses dossiers : elle a relancé vendredi sa proposition d’alléger la fiscalité sur l’électricité – largement décarbonée en France- et d’alourdir celle sur le gaz. « Tant que je peux avancer sans avoir le sentiment d’être la caution écologique du gouvernement, je le fais. Si un jour cela change, j’arrêterai et je me préparerai pour la suite », a-t-elle confié. Elle a également taclé Marine Le Pen, alors que cette dernière appelle à créer un plan climatisation mais continue en parallèle de s’opposer à la programmation pluriannuelle de l’énergie – qui prévoit entre autres de tripler les réseaux de froid.



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Publish date : 2025-07-04 14:30:00

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