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Steven Levitsky : « La Constitution ne sauvera pas la démocratie américaine »

Steven Levitsky : « La Constitution ne sauvera pas la démocratie américaine »

Dans ses pires cauchemars, il n’avait pas imaginé un tel recul démocratique aux Etats-Unis. Même sous le règne de Donald Trump. Steven Levitsky, politologue star à l’université Harvard, auteur de livres à succès, dont le best-seller How Democracies Die, coécrit en 2018 avec son confrère Daniel Ziblatt, estime qu’en six mois, son pays a d’ores et déjà cessé d’être une pleine démocratie. La décision historique de la Cour suprême, le 27 juin, qui limite le pouvoir des juges fédéraux de bloquer des lois et décrets, est une étape de plus de ce spectaculaire déclin. Entretien.

L’Express : Votre livre, publié en 2018, commence par cette interrogation : « Notre démocratie est-elle en danger ? » Sept ans plus tard, quelle est votre réponse ?

Steven Levitsky : Clairement, oui. Elle est plus en danger aujourd’hui que ce que nous avions anticipé lorsque nous avons écrit le livre en 2017. En fait, je dirais que les États-Unis, à cet instant, ont déjà cessé d’être une démocratie.

En seulement six mois de présidence Trump ?

C’est arrivé rapidement pour plusieurs raisons. D’abord, car la seconde présidence Trump est très différente de la première. En 2016, Donald Trump ne s’attendait pas à gagner et n’avait pas de plan ni d’équipe. Pour former son cabinet, il s’est donc appuyé sur une combinaison de politiciens républicains plus ou moins classiques et de technocrates de droite, mais il s’agissait tous de figures de l’establishment, qui lui imposaient des contraintes. Au cours des quatre années pendant lesquelles Trump n’était pas au pouvoir, il a consolidé son contrôle total sur le Parti républicain. Plus aucune faction du parti ne s’oppose à lui. Par ailleurs, il a tiré les leçons de la frustration de son premier mandat : il lui fallait un cabinet de loyalistes.

Trump a toujours été une figure autoritaire. La question était de savoir s’il aurait le pouvoir d’armer le gouvernement pour commencer à attaquer ses rivaux. Cette fois-ci, c’est le cas : il contrôle le Parti républicain, il contrôle son cabinet, et le Parti républicain a la main sur le Congrès.

Si les Etats-Unis ne sont plus pleinement une démocratie, comment qualifier le régime actuel ?

Il ne s’agit pas d’une dictature au sens traditionnel du XXe siècle. Nous ne sommes pas dans l’Europe des années 1930 ou l’Amérique du Sud des années 1970. J’appelle cela « l’autoritarisme compétitif », un type de régime hybride qui accepte, dans la forme, les règles de la compétition politique : il y a des élections, l’opposition est légale et participe ouvertement. Mais l’instrumentalisation de l’État par les dirigeants en place est telle que cela fausse les règles du jeu. C’est le cas de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, de la Hongrie de Viktor Orbán, du Venezuela sous Hugo Chávez, de l’Équateur sous Rafael Correa, de la Serbie aujourd’hui ou de la Pologne sous le parti Droit et Justice. Voilà ce vers quoi tendent les États-Unis.

A quoi peut-on comparer les Etats-Unis d’aujourd’hui ?

Trump a été beaucoup plus agressif que les populistes cités plus hauts. Tous ceux-là ont dérivé par petits pas, il n’y a pas eu ce flot d’attaques et d’efforts pour punir les rivaux. En six mois, l’administration Trump a noyauté l’appareil judiciaire et de renseignement, réduit au silence les voix critiques (médias, chercheurs…) par un harcèlement et des menaces continues. De fait, Trump est beaucoup plus radical que tous les exemples comparables.

Dans votre livre, vous examinez plusieurs cas d’érosion démocratique. La plupart du temps, cela n’arrive pas sous la main d’un général putschiste. Vous parlez d’ »autocrates élus ». Ont-ils un manuel commun ?

Chaque cas est différent, mais on retrouve un scénario similaire pour ces autocrates élus : un effort systématique, au cours de la première année de mandat, pour purger l’État des fonctionnaires professionnels et remplir les agences clés de l’État avec des loyalistes, puis instrumentaliser l’État pour utiliser les agences d’investigation, les agences fiscales et de régulation comme des armes partisanes destinées à intimider, de coopter la société civile, les médias, et de punir les critiques.

Viktor Orbán est le parfait « autoritaire compétitif » : pas de sang, pas de détenu d’opinion, des élections propres.

C’est un schéma que l’on retrouve dans tous ces cas. Certains se concentrent davantage sur les médias ou sur les entreprises, cela peut aller à des rythmes différents, plus ou moins violents. Par exemple, il y a des prisonniers politiques en Turquie, pas en Hongrie. Viktor Orbán est le parfait autoritaire compétitif : pas de sang, pas de détenu d’opinion, des élections propres. Il n’a volé aucune élection, n’a jamais refusé d’accepter le résultat d’une élection, comme l’ont fait Trump ou Bolsonaro.

A-t-il inspiré Donald Trump ?

Oui, je pense que le Parti républicain a beaucoup appris de la Hongrie. C’est très intéressant dans un pays qui est censé être si fier de lui-même, si ethnocentrique et si attaché à « l’Amérique d’abord », à l’exceptionnalisme américain. Notre modèle est… la petite Hongrie !

Comment expliquer l’érosion générale de l’Etat de droit et du concept même d’Etat de droit ? On le voit en Europe et même en France, quand, par exemple, le ministre de l’Intérieur français Bruno Retailleau déclare en octobre 2024 : « l’Etat de droit n’est ni intangible ni sacré »…

C’est dangereux. Il ne peut y avoir de démocratie stable sans un engagement total de l’ensemble de l’élite politique en faveur de l’État de droit. Quand on voit des politiciens prendre leurs distances avec l’Etat de droit, c’est un pas vers l’effondrement de la démocratie. Cela dit, il ne me semble pas que ce phénomène soit très répandu en Europe. Même l’extrême droite, à l’exception de partis vraiment fous comme Aube dorée en Grèce, respecte les règles, bien plus que le Parti républicain aux États-Unis.

A quand datez-vous le début du recul démocratique aux États-Unis ?

D’après l’organisation Freedom House, qui mesure le niveau de démocratie dans le monde, la détérioration commence sous le premier mandat de Trump. A la fin de la présidence Obama, le niveau de démocratie des États-Unis était plus ou moins similaire à celui de la France, de l’Italie, du Japon, du Royaume-Uni. Puis, il a chuté, au point qu’au moment de l’élection de Joe Biden, le niveau de démocratie était inférieur à celui de toute l’Europe et à celui de pays comme la Roumanie ou le Panama.

La plupart des observateurs pensent que le recul a commencé dès la première présidence Trump. Et il est certain que les efforts déployés pour renverser l’élection en 2020, l’attaque du Capitole, sont des signes d’érosion. Le fait que Trump n’ait pas été tenu pour responsable par le corps législatif ou les tribunaux d’une attaque ouverte contre la démocratie en est un autre. Mais c’est dans la deuxième présidence Trump que les États-Unis ont franchi le Rubicon.

N’y avait-il pas des alertes bien avant Trump ?

Si l’on remonte aux années 1790, les États-Unis n’ont jamais été aussi démocratiques qu’ils le prétendent. L’esclavage, les lois Jim Crow imposant la ségrégation raciale de 1877 à 1964, le refus d’accorder le droit de vote aux Afro-Américains jusque dans les années 1960… Nous avons une longue histoire d’éléments d’autoritarisme. Le « Gerrymandering » – le redécoupage partisan des circonscriptions, destiné à favoriser un camp – est vraiment antidémocratique. Il est pratiqué par les deux partis depuis le XVIIIe siècle. Ce n’est pas une nouveauté. Il a pris de l’ampleur dans les années 2010.

Par ailleurs, le rôle de l’argent dans la politique, qui a toujours été un problème aux Etats-Unis, s’est aggravé dans les années 2010, avec un arrêt de la Cour suprême qui a éliminé toute réglementation sérieuse du financement des campagnes électorales. Donc oui, la qualité de la démocratie américaine s’érodait déjà. Il y a également eu des comportements assez manipulateurs : la décision des républicains de ne pas autoriser Barack Obama à remplacer le siège de la Cour suprême laissé vacant par la mort d’Anthony Scalia était ce que j’appelle un « coup de force constitutionnel », c’est-à-dire qu’il était légal mais ne respectait pas vraiment les règles du jeu démocratique.

Historiquement, aux États-Unis, le contrôle des partis a permis de confiner les autocrates potentiels aux marges de la politique, écrivez-vous. Ce n’est plus le cas aujourd’hui ?

Deux changements massifs se sont produits. D’abord, la démocratisation interne des partis avec l’adoption des primaires dans les années 1970. Ce sont les membres plutôt que les chefs de parti qui choisissent les candidats.

Ensuite, le rôle d’Internet et des médias sociaux a considérablement réduit le pouvoir de l’establishment politique. Le type d’influence qu’exerçaient jusqu’aux années 1990 les donateurs, médias et politiciens traditionnels, a été réduit à néant.

Aujourd’hui, les candidats n’ont plus besoin de leur bénédiction. N’importe qui peut se présenter à une primaire, collecter des fonds en ligne et toucher les électeurs par toutes sortes de moyens alternatifs, et il peut effectivement s’emparer d’un parti et détourner de l’extérieur. C’est ce qu’a fait Trump. À n’importe quelle autre période de l’histoire des États-Unis, mais aussi partout ailleurs dans le monde avant le XXe siècle, il n’était pas possible d’entrer par effraction dans un parti établi et de s’en emparer. Les dirigeants du parti avaient les moyens de s’y opposer.

Avez-vous des exemples ?

Il y a 100 ans, un type très semblable à Donald Trump, un homme d’affaires très riche, Henry Ford, qui était un fasciste [NDLR : il soutiendra plus tard le régime nazi], a voulu se présenter à l’élection présidentielle de 1924 sous l’étiquette démocrate. Il était très populaire, les sondages le donnaient en tête, mais les dirigeants du parti démocrate ne s’intéressaient absolument pas à Henry Ford et ne voulaient même pas envisager sa candidature. Henry Ford ne s’est donc jamais présenté aux élections présidentielles car les « gardiens » l’en ont empêché.

Cela s’est-il produit dans d’autres pays ?

C’est de plus en plus difficile aujourd’hui. Par exemple, au Salvador, le FMLN, le parti politique de centre gauche, a essayé d’empêcher Nayib Bukele de se présenter à l’élection présidentielle, ils ne voulaient pas qu’il se présente, alors il a quitté le parti et s’est présenté seul. Et maintenant, il est président.

Est-ce à dire que les gens aspirent à des autocrates en puissance ?

Dans la plupart des cas, ce n’est pas si simple. Parfois, comme dans le cas de Duterte aux Philippines, les électeurs votent pour un candidat autoritaire, en l’occurrence un comportement très répressif. Mais généralement ils expriment leur mécontentement, ils votent pour un populiste qui promet de balayer une élite méprisée par beaucoup d’électeurs.

Les Américains ne savent pas ce que perdre une démocratie veut dire.

Dans le cas de Trump, c’est plus compliqué. Environ un tiers de l’électorat américain (30 à 35 % des voix) a plutôt un penchant autoritaire. Ce sont de vrais électeurs « Maga », ils adorent tout ce que fait Trump, adhèrent au mouvement « Stop the steal » (affirmant que Joe Biden a volé sa victoire en 2020 par des fraudes massives), et voulaient renverser les résultats de l’élection. Ils seraient heureux de changer la Constitution pour que Trump soit président à vie. Le vote Trump en 2024 comporte deux autres éléments : d’une part, un groupe de plus en plus restreint de républicains traditionnels de droite, qui n’aiment pas vraiment Trump mais détestent la gauche et les démocrates, et qui votent Trump en se bouchant le nez.

Enfin, le groupe qui a donné la victoire à Trump (peut-être 10 % de l’électorat) est composé de gens politiquement indépendants, n’appartenant pas à un parti, sans idéologie claire. Ils ne prêtent pas beaucoup d’attention à la politique mais ils étaient mécontents du statu quo : la hausse des prix, les conséquences de la pandémie de Covid… Bref, des électeurs apolitiques qui ont juste voté contre le président sortant.

Les Américains ne savent pas ce que perdre une démocratie veut dire. Cela ne leur est jamais arrivé. Nous tenons la démocratie pour acquise, nous pensons qu’elle fait partie de l’atmosphère, de l’eau ou de l’oxygène que nous respirons.

Pourtant, un tiers de l’électorat qui adhère à un leader autoritaire, c’est une partie significative… Comment l’expliquez-vous ?

Cet électorat a toujours existé aux Etats-Unis. La plupart d’entre eux se trouvent dans le Sud, dans les zones rurales. Ils ont soutenu le Maccarthysme dans les années 1950, ou Huey Long dans les années 1930 [NDLR : le gouverneur de Louisiane surnommé le « Messie des Rednecks »]

Les États-Unis ont connu des changements spectaculaires au cours du dernier demi-siècle. Nous sommes devenus une démocratie multiraciale, peut-être la première au monde. Pendant 200 ans, il existait des hiérarchies sociales très claires : hiérarchies des sexes, hiérarchies raciales… L’homme blanc protestant était au sommet. Cela était vrai depuis le jour où ce pays a été fondé jusqu’à ma jeunesse, et soudain, au cours de ma vie (j’ai 57 ans), au XXIe siècle, tout cela a changé.

Il a été démontré que le simple fait d’avoir élu un président afro-américain et d’avoir une famille afro-américaine à la Maison-Blanche pendant huit ans a radicalisé de nombreuses personnes. Il existe donc un groupe – pas une majorité, mais 30 à 35 % – de chrétiens essentiellement blancs qui pensent que le pays dans lequel ils ont grandi est en train de leur être volé. Il y a quelques années, un sondage a révélé que plus de 50 % des républicains étaient d’accord avec l’affirmation suivante : le mode de vie américain disparaît si rapidement que nous devrons peut-être recourir à la force pour le sauver. Ce n’est pas une opposition aux impôts ou à la réforme des soins de santé. Ce sont des gens qui ont le sentiment d’une menace existentielle.

La réaction de la société civile et de l’opposition politique aux mesures de Trump vous a-t-elle surpris ?

Elle n’est pas suffisante, elle est décevante. Notre société civile dispose pourtant d’une grande force financière et organisationnelle. Elle a la capacité d’arrêter Trump, c’est une question de volonté.

Quid du Parti démocrate ?

Il a subi une défaite humiliante et a d’abord été dans un état de paralysie et d’introspection. Il faut du temps à un parti pour se remettre d’une telle débâcle. De plus, il n’est pas véritablement armé face à la situation actuelle : le Parti démocrate est peuplé de gens qui ont été formés pour faire de la politique dans une démocratie stable. Ils savent comment gagner des élections et légiférer mais n’ont aucune idée de la manière de résister à un régime autoritaire. On ne parle pas de Solidarność en Pologne, de l’ANC en Afrique du Sud ou d’un mouvement social.

Ce n’est donc pas le parti démocrate qui va mener la résistance, mais la société civile. Cette dernière a également été lente à la détente. D’abord, pour une raison qui m’échappe, l’establishment américain a été trompé par Trump. Si l’on rembobine le film à novembre 2024, l’opinion dominante dans les médias, en particulier chez les hommes d’affaires et les politiciens des deux partis était : « Ça ne va pas être si terrible, nous avons survécu à Trump 1, nous survivrons à Trump 2 ». Cela paraît incroyable, mais ils n’ont rien vu venir ! Et Trump a frappé fort, comme un boxeur assénant une pluie de coups au premier round. On ne sait pas s’il va tenir jusqu’au 12e, mais au 1er, l’adversaire est choqué et étourdi, dans le coin.

L’autre point, c’est que nos principaux dirigeants civils, en particulier les chefs d’entreprise, ont été lâches. Ils se sont vendus. Les grands patrons se sont pliés à Trump, les principaux médias ont suivi, l’université Columbia, les grands évêques catholiques.

Les choses ont commencé à évoluer lentement depuis avril-mai avec la mobilisation de Harvard, de certains cabinets d’avocats, d’entreprises comme Microsoft…. Mais nous sommes très, très lents.

Vous attendiez-vous à une telle capitulation ?

Non. J’ai été choqué. Et franchement très déprimé.

La Constitution américaine est-elle un rempart contre une dérive autoritaire ?

La Constitution ne sauvera pas la démocratie américaine. C’est un garde-fou utile, qui devrait empêcher Trump de briguer un troisième mandat. Mais la Constitution est un document court et vague, et il existe de nombreuses façons de l’interpréter.

Quels sont les autres garde-fous ?

Il y en a, mais aucun ne suffit, à l’évidence, pour contraindre Trump. Les tribunaux ont un rôle à jouer. Le fédéralisme a aussi sa part, car les gouvernements d’États très influents comme New York, la Californie, l’Illinois, le Massachusetts, la Pennsylvanie, jouissent d’une grande autonomie par rapport à l’Etat fédéral. La permanence des élections restera importante. Mais le garde-fou le plus important, qui ne fonctionne pas, est entre les mains des parlementaires républicains, qui contrôlent le Congrès. Ce dernier a un pouvoir très important, mais parce que les Républicains sont entièrement inféodés à Trump, ils abdiquent leur autorité. Si les républicains au Congrès, ne serait-ce qu’une petite faction disait : « c’est un comportement illégal, vous ne pouvez pas le faire », ils pourraient arrêter Trump. Ils n’en font rien.

Pourquoi ?

D’une part, le Parti républicain a radicalement changé au cours des 20 dernières années. Les républicains des années Reagan, et même de l’ère George Bush fils (début des années 2000), ont disparu. La plupart des républicains du Congrès ont été élus au cours des 10 à 15 dernières années. Et ils sont très à droite et plutôt Trumpistes.

« Les élus républicains reçoivent constamment des menaces de mort. »

D’autre part, ces élus subissent une pression énorme. On aime à penser que les politiciens ont un peu de principes, qu’ils se soucient de la corruption ou de la démocratie, mais mettez-nous un instant à la place des élus républicains. Donald Trump est de loin le républicain le plus populaire. Depuis 2016, chaque républicain qui s’est opposé publiquement à Donald Trump a vu sa carrière politique prendre fin. Personne n’a survécu. Pire, être exclu du parti républicain signe votre mort sociale. Vous n’êtes plus invité aux fêtes, vous perdez des amis, des opportunités d’emploi et de lobbying…

Mais ce n’est pas tout. Il y a une chose dont on parle assez peu aux États-Unis : les élus républicains reçoivent constamment des menaces de mort. L’une des raisons pour lesquelles ils ne s’opposent pas à Trump est qu’ils craignent littéralement pour leur vie et celles de leur famille. Soit ils sont victimes d’un harcèlement en ligne très intense, soit ils sont menacés de mort et craignent pour leur sécurité physique s’ils s’opposent à Trump.

Le titre de votre livre est « Comment les démocraties meurent ». Mourir signifie qu’il n’y a pas de retour possible…

C’est un excellent titre, qui a fait vendre beaucoup de ventes, mais c’est une métaphore terrible ! On peut toujours restaurer les démocraties.

Avez-vous des exemples récents ?

L’Ukraine a cessé d’être une démocratie sous Ianoukovitch et a été restaurée après la révolution de Maidan ; l’Equateur a basculé sous Rafael Correa et a restauré la situation en 2020…

Y a-t-il une recette pour y parvenir ?

D’abord, il est utile d’avoir une opposition unifiée pour reconstruire une démocratie. Les pays les plus riches et les plus industrialisés, disposant d’une société civile plus forte, un secteur privé puissant et diversifié, une classe moyenne urbaine, ont plus d’atouts pour se défendre. L’exemple le plus frappant est celui de la Corée du Sud : lorsque le président Yoon Suk-yeol a déclaré la loi martiale en 2024, les Sud-Coréens n’ont rien voulu savoir, ils ont riposté. Ou en Israël, avant l’attaque terroriste de 2023, la mobilisation contre le coup d’État judiciaire de Netanyahou a été massive et très réussie. L’histoire a pris une autre tournure après le 7 octobre.

Qu’en est-il aujourd’hui pour Israël ?

Je ne pense pas que la démocratie israélienne ait un avenir. Il faut être honnête, cela n’a jamais été un régime pleinement démocratique, c’était une ethnocratie, une démocratie pour les juifs, où les Palestiniens n’ont jamais eu les mêmes droits que les autres. Mais aujourd’hui, au cours des dix dernières années, il y a un consensus en Israël sur le fait que la solution des deux États est enterrée. Une question reste en suspens : Benyamin Netanyahou et ses alliés d’extrême droite vont-ils condamner la démocratie aussi à l’échelle de l’Etat hébreu stricto sensu ? Je l’ignore. Mais une chose est sûre : le rêve que certains d’entre nous nourrissaient il y a quelques décennies, qu’Israël puisse réellement être une véritable démocratie aux côtés d’un État palestinien, ce rêve est mort.



Source link : https://www.lexpress.fr/monde/amerique/steven-levitsky-la-constitution-ne-sauvera-pas-la-democratie-americaine-BY7FXGDIX5C7ZBDSQKSKPCS4HQ/

Author : Charlotte Lalanne

Publish date : 2025-07-06 16:00:00

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