Des vents contraires soufflent chez les agents fédéraux. Dans les couloirs du bureau du FBI, les conversations se font prudentes, les silences pesants, et les départs, de plus en plus nombreux. La loyauté, désormais, ne se mesure plus seulement à la rigueur du travail mais à l’aide d’outils technologiques. Parmi eux, le polygraphe s’est imposé comme un instrument de sélection. À l’origine réservé aux vérifications de sécurité ou aux enquêtes sensibles, il est désormais utilisé pour sonder les pensées, traquer les doutes, et identifier les esprits jugés insuffisamment fidèles. Le message est clair : toute forme de dissidence, même implicite, peut mener à la porte.
« Avez-vous critiqué Kash Patel ? »
Le polygraphe est devenu depuis 2024 un outil d’enquête interne au FBI utilisé à des fins inhabituelles. Depuis la nomination de Kash Patel à la tête de l’agence, plusieurs hauts responsables ont été soumis à des tests dont l’objet était de vérifier leur loyauté personnelle envers le directeur. Outre les interrogations classiques sur la divulgation d’informations classifiées ou les conflits d’intérêts, les agents sont désormais questionnés sur leur comportement et leurs opinions politiques.
« Avez-vous tenu des propos négatifs à l’encontre du directeur Kash Patel ? » et « avez-vous critiqué Dan Bongino (numéro deux du FBI, NDLR) ? » sont par exemple des questions posées selon des sources internes citées par The New York Times. Des agents sont également interrogés sur leurs fréquentations, leurs relations avec d’anciens membres du FBI, ou encore sur leurs discussions en interne au sujet de la direction. La simple participation à une conversation critique dans un cadre privé, ou l’expression d’un désaccord sur une orientation stratégique du Bureau, peut désormais suffire à être convoqué pour un test de détection de mensonges. Des anciens responsables affirment que le simple fait de critiquer Kash Patel ou son adjoint Dan Bongino pourrait suffire à perdre son emploi.
L’usage du polygraphe s’inscrit dans le cadre d’une répression plus large des fuites médiatiques. Dans au moins un cas, un test a été imposé à la suite d’une fuite dans la presse révélant que le directeur avait demandé à se faire attribuer une arme de service, bien qu’il ne soit pas agent opérationnel. Cette évolution inquiète plusieurs anciens cadres de l’agence, qui dénoncent une dérive autoritaire et une instrumentalisation politique des outils de sécurité.
Le climat est tel que même des propos relayés par un tiers peuvent être considérés comme suspects. Plusieurs agents affirment avoir modifié leur comportement, évitant toute discussion politique, même informelle, dans les bureaux. La simple amitié avec un ancien agent critique de la direction peut également suffire à motiver un test. C’est le cas de Michael Feinberg, ancien responsable du FBI à Norfolk, sommé de passer un polygraphe pour avoir maintenu des liens personnels avec Peter Strzok, ancien cadre du contre-espionnage, désormais persona non grata dans la hiérarchie. Michael Feinberg affirme que sa fidélité à la Constitution a été jugée insuffisante, et qu’on l’a poussé à rencontrer Kash Patel et Dan Bongino pour prouver sa loyauté. Celui-ci a préféré démissionner, rapport le média new-yorkais.
Des départs massifs, sans justification
Parallèlement, une vague de licenciements sans justification officielle frappe depuis plusieurs mois le ministère de la Justice et le FBI. Selon une enquête du Washington Post, des dizaines d’employés ont été remerciés brutalement, par simple notification, sans explication de fond. Ces courriers de licenciement, signés par la procureure générale Pam Bondi, invoquent uniquement les pouvoirs présidentiels prévus par l’article II de la Constitution.
Certains renvois semblent liés à des motifs idéologiques ou à des prises de position personnelles. Un avocat aurait été évincé pour avoir indiqué ses pronoms dans sa signature de courriel, un autre pour une publication sur les réseaux sociaux. D’autres seraient soupçonnés d’avoir parlé aux médias sans autorisation, ou d’être en désaccord avec la ligne politique imposée par les responsables nommés par Donald Trump.
Résultat : des départs massifs, parfois volontaires mais contraints, notamment chez les juristes expérimentés. Des départs qui affectent lourdement les services, notamment dans les bureaux des procureurs fédéraux de Washington et Los Angeles. Plusieurs procureurs impliqués dans les poursuites liées à l’assaut du Capitole, en janvier 2021, ont également été licenciés. Dans plusieurs cas, les responsables hiérarchiques des personnes concernées n’ont reçu aucune information préalable.
Les recours juridiques s’annoncent complexes. L’organisme censé encadrer les procédures de contestation, le Merit Systems Protection Board, est actuellement paralysé depuis que Donald Trump a démis son président sans nomination de remplaçant.
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Author : Aurore Maubian
Publish date : 2025-07-11 15:09:00
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