L’Express

SiPearl, le français qui veut relancer l’industrie des puces en Europe

SiPearl, le français qui veut relancer l’industrie des puces en Europe

Le marché mondial des semi-conducteurs a atteint les 681 milliards de dollars en 2024 – un chiffre dantesque, qui souligne l’importance du secteur. Ce nombre agit également comme un rappel amer : l’Europe ne représente que 10 % de l’industrie, les Etats-Unis, Taïwan et la Chine se taillant la part du lion. L’entreprise française SiPearl, spécialisée dans la conception de puces pour supercalculateurs et pour data centers, veut changer la donne.

La production et le design des puces n’ont jamais été aussi stratégiques, car le moindre objet connecté se repose sur elles pour fonctionner. Les semi-conducteurs se retrouvent ainsi partout dans notre environnement : une machine à café contient 3 puces, les smartphones en moyenne 160, les voitures électriques plusieurs centaines. Pour les data centers et les supercalculateurs les plus puissants, plusieurs dizaines de milliers de puces sont nécessaires.

Ces data centers sont eux-mêmes devenus des pièces maîtresses du développement de l’intelligence artificielle, qui requiert beaucoup de puissance de calcul pour être entraînée. Le problème est que lorsque les data centers sont construits en France, une partie importante de leur valeur échappe malgré tout aux entreprises tricolores, car ils reposent sur des puces américaines. « Aujourd’hui, 0 % des processeurs utilisés dans nos supercalculateurs sont européens », se désole Philippe Notton, PDG et fondateur de SiPearl.

Ramener l’industrie des puces en Europe

Les data centers et les supercalculateurs utilisent des puces très particulières, dotées de capacités de calcul impressionnantes. Si les GPU de Nvidia sont particulièrement prisés, c’est dans la branche des CPU que SiPearl compte faire la différence avec Rhea1, sa première puce.

Gravée en 6 nanomètres, basée sur une architecture ARM, et comptabilisant plus de 61 milliards de transistors, Rhea1 équipera le supercalculateur européen Jupiter, une opportunité « énorme » pour SiPearl, indique Philippe Notton. L’entreprise lorgne également sur le marché en croissance des data centers en Europe et en France.

Les investissements en France ont ainsi bondi de 35 % en 2024, s’établissant à 1,8 milliard d’euros, selon les données du cabinet CBRE. Une manne financière. Sans compter les 109 milliards d’euros d’investissements dévoilés par Emmanuel Macron pour la construction de centres de données. À l’échelle européenne, ce sont 200 milliards d’euros qui ont été annoncés par l’UE.

Questions de souveraineté

Il y a un enjeu de taille à créer des puces européennes, car la valeur des centres de données vient en grande partie « des équipements », explique Carole Steimle, avocate chez Reed Smith et auteure d’une note sur le développement des data centers en France. Le montant des dépenses dans les puces et les équipements informatiques dépasse ainsi « largement celui des murs et du terrain ». Avoir de l’autonomie dans le domaine des puces est aussi un enjeu de sécurité pour l’UE.

SiPearl vise d’ailleurs des secteurs sensibles pour les Etats européens tels que la santé, la cybersécurité ou la défense. Les simulations d’essais nucléaires se font sur des supercalculateurs Atos français, mais utilisant des puces américaines, selon Philippe Notton. « C’est impensable que la dissuasion nucléaire se base sur des composants qui peuvent être soumis aux limitations des exportations américaines. Nous voulons offrir une alternative souveraine. »

De grandes ambitions, alors que l’entreprise n’est pas passée loin de la faillite. La jeune pousse, créée en 2019 et comptant aujourd’hui près de 200 employés, a dû faire une procédure de conciliation avec ses créanciers pendant l’hiver 2024. Une période révolue, veut croire le dirigeant : SiPearl vient de boucler une levée de fonds de série A à hauteur de 130 millions d’euros, menée notamment par l’EIC, le fonds d’investissement de l’Union européenne, le fonds French Tech Souveraineté, et Cathay Venture, géant taïwanais du capital-investissement. SiPearl veut déjà lancer une nouvelle levée de fonds début 2026, avec pour objectif de rassembler 200 millions d’euros. Avec une situation économique stabilisée et la production de Rhea1 assurée par TSMC, l’entreprise se concentre désormais sur Rhea2 et Rhea3, les prochaines générations de puces, gravées en 3 nm. Objectif de livraison : en 2027 et 2028.



Source link : https://www.lexpress.fr/economie/high-tech/sipearl-le-francais-qui-veut-relancer-lindustrie-des-puces-en-europe-7PDKMNPELRALDCBYL774GPPROM/

Author : Aurore Gayte

Publish date : 2025-07-11 14:00:00

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags : L’Express