La base électorale de Donald Trump s’effrite-t-elle au fur et à mesure des décisions controversées et fluctuantes prises par le président américain ? Depuis quelques semaines, les choix du milliardaire républicain concernant la guerre en Ukraine, le dossier iranien, l’immigration ou encore l’affaire Jeffrey Epstein agitent la sphère « MAGA », pour « Make America Great Again » – « Rendre sa grandeur à l’Amérique » en français – le mouvement de soutien à Donald Trump. « Je vous le dis tout de suite, MAGA n’a jamais été dans une telle tourmente qu’au cours des 72 dernières heures », a déclaré cette semaine auprès du Washington Post une personne proche de Donald Trump s’exprimant sous couvert d’anonymat.
Plusieurs personnalités issues des rangs MAGA ont exprimé publiquement leur déception, notamment sur le dossier de la délivrance des visas à des travailleurs migrants. Sous la pression des agriculteurs et des hôteliers inquiets, l’administration Trump a lancé un programme visant à simplifier la délivrance de ces visas aux travailleurs migrants temporaires afin de garantir la cueillette des fruits, le conditionnement de la viande et le nettoyage des logements.
Des soutiens de Trump dénoncent une « amnistie »
Les agriculteurs, qui dépendent de travailleurs étrangers – représentant jusqu’à 40 % du marché du travail agricole – dénoncent le programme d’expulsions massives de Donald Trump. Celui-ci nuit, selon eux, au marché du travail et pourrait donc menacer l’approvisionnement alimentaire. De son côté, la base MAGA souhaite intensifier les expulsions et estime que l’administration Trump ne devrait pas permettre aux employeurs d’encourager l’immigration illégale. L’influenceur conservateur Charlie Kirk, directeur de l’association conservatrice Turning Point USA aux millions d’abonnés sur YouTube, a mis en garde contre la possibilité d’offrir une « amnistie » à certains travailleurs étrangers.
« Il n’y a pas d’amnistie », a balayé Donald Trump en réponse à la question d’un journaliste, comme le relève le Washington Post. « Nous nous débarrassons des criminels. Mais nous menons un programme de travail. » Le président américain a cependant reconnu qu’une nouvelle initiative est en cours d’élaboration pour protéger certains travailleurs migrants contre le fait d’être « expulsés assez brutalement » lors des raids d’immigration sur les lieux de travail. Selon le quotidien américain, qui a interrogé trois personnes dans l’entourage de Donald Trump, le locataire de la Maison-Blanche a subi ces derniers jours une pression soutenue de la part des donateurs de sa campagne sur ce dossier relatif à la situation des travailleurs migrants. Il aurait ainsi reçu des appels téléphoniques de riches dirigeants d’entreprises et de connaissances inquiets de ne pas pouvoir conserver leurs employés.
« C’est un bras de fer entre la classe des donateurs et sa base », analyse auprès du Washington Post un opposant MAGA à cette décision de Donald Trump, s’exprimant sous couvert d’anonymat. « C’est une menace existentielle pour la coalition. Si vous proposez même sérieusement une amnistie, sous ce nom ou sous un autre, la base se révoltera », a-t-il ajouté.
« Cela risque de tout faire exploser »
De nouvelles révélations sur l’affaire Jeffrey Epstein ont également contrarié certaines personnalités MAGA. Dans un mémorandum conjoint publié lundi 7 juillet, le ministère de la Justice et le FBI (la police fédérale) ont écarté la thèse de l’assassinat en prison de Jeffrey Epstein et confirmé son suicide. Ils affirment également n’avoir découvert lors d’un examen approfondi de la totalité du dossier aucune « liste » de ses « clients ». En d’autres termes, l’enquête n’a rien apporté de nouveau sur cette affaire.
De quoi saper ainsi des années de théories du complot que certains responsables de l’administration avaient auparavant avancées sur ce dossier. Des personnalités d’extrême droite ont en effet accusé le gouvernement fédéral d’avoir dissimulé massivement l’affaire afin de protéger de puissants associés de Jeffrey Epstein, susceptibles d’avoir abusé d’adolescentes. Elles ont également remis en question la version officielle de la mort du financier en détention – retrouvé pendu dans sa cellule à New York le 10 août 2019 avant d’être jugé – qui a été qualifiée de suicide. Selon ces personnalités adeptes de la théorie du complot, Jeffrey Epstein aurait été assassiné pour empêcher des révélations sur une série de personnalités de premier plan soupçonnées de pédocriminalité.
L’annonce de lundi a entraîné un déferlement de messages furieux sur les réseaux sociaux. Certaines voix MAGA, dont la commentatrice pro-Trump Laura Loomer, ont appelé au limogeage de la procureure générale Pam Bondi. « En tant que personne qui a voté pour le président, qui a beaucoup fait campagne pour lui, je n’attaque pas le président, mais je pense que même les gens qui adhèrent pleinement à l’essentiel du programme MAGA se disent : ‘C’est trop, en fait' », a quant à lui déclaré Tucker Carlson dans une conversation enregistrée qu’il a publiée mardi. « Je dis ça avec amour, et j’espère qu’ils m’écoutent. Parce que je pense que cela risque de tout faire exploser. » Cet ancien présentateur de Fox News a accusé le ministère de la Justice de vouloir « étouffer » la vérité et ainsi d' »insulter la population ».
L’isolationnisme des MAGA mis à mal
Alors que de nombreux partisans de Donald Trump prônent l’isolationnisme, l’annonce du président, le 7 juillet, sur la reprise des livraisons d’armes à l’Ukraine par les Etats-Unis, a également déçu. « Nous allons devoir envoyer plus d’armes, principalement des armes défensives », a déclaré Donald Trump. Ce revirement a été annoncé lors d’un dîner à la Maison-Blanche offert par le président en l’honneur de Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien en visite aux Etats-Unis.
Une décision qui embarrasse le Pentagone, comme le constate le magazine britannique The Economist, qui évoque « l’humiliation ressentie par les dirigeants civils du Pentagone ». Au moment de l’annonce de Donald Trump, Pete Hegseth, le secrétaire américain à la Défense assis aux côtés du président, a acquiescé d’un signe de tête, bien qu’il soit à l’origine de l’arrêt de l’aide militaire. Illustration, s’il en faut encore, de la difficulté pour les propres acolytes de Donald Trump, de prévoir ses zigzags. Il serait toutefois imprudent de supposer que le milliardaire adhère désormais à la cause ukrainienne, rappelle The Economist, la reprise des livraisons militaires constituant au mieux un retour au statu quo antérieur, où le soutien militaire américain s’arrêtait lentement plutôt que brutalement.
Quelques semaines plus tôt, un autre dossier international a exposé au grand jour les fractures existantes au sein des partisans de Donald Trump : les frappes américaines sur l’Iran, ordonnées par le président américain, durant la nuit du 21 au 22 juin dernier. Lors de la campagne de 2024, le candidat du Parti républicain s’était pourtant présenté comme le candidat de « l’Amérique d’abord », incarnant un modèle d’isolationnisme à l’opposé de la politique interventionniste des précédents présidents, avec des guerres engagées par Washington notamment en Irak ou en Afghanistan.
La faction la plus bruyante du mouvement MAGA cherche à faire basculer les partisans de Donald Trump en faveur d’une position isolationniste. Dans un long message publié sur X, l’élue de la droite dure américaine Marjorie Taylor Greene a déploré avoir parcouru le pays pour faire campagne en faveur du républicain, pour ensuite le voir rompre son engagement de non-interventionnisme. « Cela fait seulement six mois, et nous sommes de nouveau engagés dans des conflits internationaux, un changement de régime et la troisième guerre mondiale », a-t-elle tonné. Thomas Massie, élu conservateur du Congrès dont les prises de position antiguerre ont suscité la colère de Donald Trump, a de son côté déclaré sur la chaîne CBS que les membres de MAGA étaient « fatigués par toutes ces guerres ». Au point de déclencher une rupture nette et totale avec Donald Trump ? Certains anciens soutiens du président américain ont en tout cas déjà décidé de partir et de voler de leurs propres ailes, comme le milliardaire Elon Musk, qui vient de fonder son « parti de l’Amérique ».
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Author : Julien Chabrout
Publish date : 2025-07-12 11:14:00
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