Peu rancunier, taquin, ou protocolaire ? François Bayrou a convié les deux patrons de groupes socialistes du Parlement à assister à sa conférence de presse. Mardi 15 juillet, alors que le Premier ministre et les locataires de Bercy annonçaient leurs grandes orientations budgétaires pour l’année 2026, deux chaises vides demeuraient : celles de Boris Vallaud et de Patrick Kanner. Une invitation « sympathique » et « assez baroque » moque le second qui, à toutes fins utiles, tient à préciser que le PS « n’appartient pas au socle commun puisqu’il siège dans l’opposition ».
Entre les roses et François Bayrou flotte un parfum d’embrouille. Plus que jamais aujourd’hui, tant les socialistes s’estiment floués par le feu accord de non-censure signé en janvier avec le gouvernement, non respecté au printemps par le locataire de Matignon. Chat échaudé craint l’eau froide. « Je ne marcherai plus », confiait en petit comité Olivier Faure. Mais rien n’y fait. Et ainsi vit et survit l’arlésienne socialiste, dilemme existentiel de cette dix-septième législature : un pivot n’est pas une béquille, pas plus qu’il n’est le dindon de la farce… Comment le faire entendre ?
Cultiver sa singularité. Quand les insoumis garantissent la censure du gouvernement ou que Fabien Roussel appelle à prendre « de nouvelles Bastilles », les socialistes reprennent à leur compte les critiques et les menaces de leurs alliés. Mais promettent une autre méthode : la discussion. À défaut de « lignes rouges glissantes », comme la dernière fois, « les socialistes feront leurs propres propositions à la rentrée prochaine », précise-t-on mardi soir au siège du PS. Une stratégie accouchée le 9 juillet dernier, lors d’un « séminaire » dédié à la marche à suivre après les annonces de François Bayrou. Trois jours plus tôt, un quarteron d’émissaires socialistes se rendait à Bercy pour rencontrer Eric Lombard. L’occasion de rappeler au ministre de l’Economie et des Finances que les 40 milliards d’euros recherchés « ne peuvent être qu’un solde, pas uniquement une baisse des dépenses publiques mais la recherche de justice fiscale ». Force de proposition « sans être dans la co-construction », les lignes de crête du Parti socialiste sont presque aussi minces que les possibilités pour le gouvernement de survivre au prochain budget.
« Incapable de gérer quelque chose de grave »
Mais ainsi sont guidées les roses, parlementarisme et esprit de responsabilité chevillés au corps. À un détail près : l’écrasante majorité des députés, certains que l’exécutif ne cédera sur rien, rêve de faire la peau à François Bayrou en octobre prochain. Combien de fois ont-ils fustigé son arrogance à l’encontre du PS ? Ou pointé, à mots plus ou moins couverts, son incompétence ? « J’espère qu’il ne va rien se passer de trop grave en France car je crois qu’il est strictement incapable de gérer quelque chose de grave », moquait-on en très haut lieux socialiste, quelques semaines après la nomination du Béarnais… L’occasion de donner quelques gages au reste de la gauche, écologistes et communistes en premier, partenaires aux prochaines municipales et partisans d’une candidature non mélenchoniste en 2027.
Au risque de confier les clés de la stabilité gouvernementale au Rassemblement national, pas plus allant à l’idée d’offrir un sursis à François Bayrou, plaidant, Marine Le Pen la première, pour une nouvelle dissolution. Et de raviver le spectre des élections anticipées, quand les roses se déchirent encore au sujet d’éventuelles alliances avec LFI, et que beaucoup s’interrogent sur l’efficacité même du front républicain. Devenir une opposition à forte valeur ajoutée dans une Assemblée morcelée : quand tenter de résoudre la quadrature du cercle équivaut à tourner en rond. Impossible n’est pas socialiste.
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Author : Mattias Corrasco
Publish date : 2025-07-16 09:04:00
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