Les annonces de François Bayrou ont été présentées comme l’esquisse d’un budget d’austérité. Le Premier ministre l’a dit lui-même : son objectif n’est pas de rétablir l’équilibre des comptes, mais de ramener le déficit à 4,6 % du PIB d’ici 2026. Ça n’est pas de réduire la dette, mais de la stabiliser autour de 117 % du PIB. Il projette de faire 44 milliards d’euros d’économies sur les 1 670 milliards de dépenses publiques annuelles, soit l’équivalent de 2,6 %.
Rapporté à l’échelle d’un ménage, c’est comme si une famille criblée de dettes annonçait se serrer la ceinture en réduisant ses dépenses courantes de 1 000 euros… à 974 euros. Pire encore, les dépenses publiques augmenteront de 29 milliards entre 2025 et 2026. Pour l’austérité, on repassera…
Une simple comparaison avec les pays ayant fait face aux mêmes menaces de faillite budgétaire suffit à se rendre compte que nous sommes très loin de ce qui est nécessaire pour réduire la dette publique. Le Premier ministre a évoqué ces pays « dignes et respectables » qui avaient été confrontés à une situation similaire dans les années 1990 (la Suède, le Canada) et 2000 (Portugal, Espagne, Italie)… sans pour autant en tirer toutes les leçons. C’est regrettable, tant leurs résultats sont spectaculaires. La Suède a divisé sa dette publique par deux en dix ans (de 80 % à 40 % du PIB), et le Canada l’a fait passer de 65 à 30 %. Pendant ce temps, les gouvernements français n’ont pas été capables de voter un seul budget à l’équilibre depuis… près d’un demi-siècle.
Si François Bayrou s’était inspiré de la Suède, il aurait pu annoncer des mesures structurelles pour améliorer l’efficience des services publics tout en réduisant leurs coûts. Par exemple en ouvrant à la concurrence certains services collectifs comme les maisons de retraite, les écoles maternelles ou France Travail. Il aurait également procédé à une profonde redéfinition des périmètres d’action de l’Etat en déléguant aux collectivités la gestion des hôpitaux publics, et aurait introduit un chèque éducation pour laisser le libre choix aux parents entre le privé et le public. Il aurait aussi fixé un objectif clair : une réduction de 4 % de la masse salariale dans la fonction publique, soit 150 000 postes, bien plus ambitieuse que les 3 000 suppressions de postes annoncées par le gouvernement. Il aurait enfin eu le courage de s’attaquer au poste principal des dépenses, celui des retraites, en proposant une refonte complète du régime de base en un régime à cotisations définies, mêlant points (86 %) et capitalisation (14 %).
S’il avait suivi l’exemple du Canada, le Premier ministre aurait déclaré vouloir combiner une réduction verticale et horizontale du périmètre d’action de l’État, en imposant une réflexion dans chaque domaine d’action sur l’efficacité de la dépense publique. Chaque ministre aurait reçu la même feuille de route, incitant à passer en revue chaque ligne de dépenses et à se poser toujours les mêmes questions : cette dépense sert-elle l’intérêt public ? Est-ce nécessairement à l’État d’en avoir la charge ? Comment peut-on en améliorer l’efficacité ? Plutôt que d’annoncer une nouvelle taxe sur les colis, il aurait rendu hommage au Premier ministre canadien, Jean Chrétien, réélu trois fois en déclarant : « Les réductions de dépenses publiques d’aujourd’hui financent les réductions d’impôts de demain qui nous permettront de renouer avec la prospérité ». Il aurait enfin annoncé dans la foulée une réduction d’impôts pesant sur les entreprises, en projetant un graphique (dont il est si friand) pour illustrer ce que les économistes appellent « l’effet Laffer » : la baisse de fiscalité se traduit par une augmentation des recettes fiscales grâce à la croissance réalisée et à la réduction de l’évitement fiscal.
L’exemple portugais
Pour finir, si François Bayrou s’était inspiré de l’exemple portugais, il n’aurait pas demandé des efforts aux « Nicolas qui paient » (expression qui désigne, sur les réseaux sociaux, la figure du jeune contribuable actif moyen), mais bel et bien à l’administration publique. Il aurait ainsi annoncé une baisse de 5 % des salaires des fonctionnaires, de 10 % des effectifs de la fonction publique, et le passage des 35 à 40 heures de travail hebdomadaire, sans augmentation de salaire.
Les leçons que nous offrent ces pays, qui sont passés au bord de la faillite budgétaire, sont nombreuses. D’abord, qu’il n’y a pas de fatalité et que le volontarisme politique peut payer à condition que les solutions soient les bonnes. Ensuite, que l’État se doit d’être exemplaire en étant le premier à faire des efforts avant de faire les poches aux contribuables. Face à la faillite qui s’annonce, ce n’est pas en repeignant la coque qu’on empêche un navire de sombrer. C’est en colmatant les fuites.
*Kevin Brookes est directeur du think tank GenerationLibre et enseignant à Sciences-Po Paris.
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Publish date : 2025-07-16 17:15:00
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