Depuis plusieurs jours, le sud de la Syrie est le théâtre d’une flambée de violences meurtrières qui cible principalement la minorité druze. Les affrontements, concentrés dans la province à majorité druze de Soueïda, ont fait au moins 248 morts depuis dimanche 13 juillet, selon les derniers bilans disponibles. Si les combats se poursuivent encore, les forces gouvernementales syriennes et leurs alliés se sont déployés mardi dans la ville, dans une tentative de reprendre le contrôle de la situation. Alors que l’émissaire américain pour la Syrie, Tom Barrack, a jugé mardi « inquiétantes » les violences dans la région, affirmant œuvrer « avec toutes les parties » pour un retour au calme, Israël a menacé ce mercredi d’intensifier ses frappes contre les forces gouvernementales.
Que se passe-t-il à Soueïda ?
Depuis le 13 juillet, la province de Soueïda est secouée par de violents affrontements. Au moins 248 personnes ont été tuées en quelques jours, selon des ONG et médias locaux, dans des combats impliquant divers groupes armés. Les violences ont gagné la ville de Soueïda, provoquant la panique parmi la population.
Dimanche donc, des affrontements ont éclaté entre groupes druzes et tribus bédouines sunnites, rivaux de longue date, après l’enlèvement d’un commerçant druze par des Bédouins qui ont installé des barrages sur la route reliant Soueïda à Damas, selon l’OSDH. De fortes tensions couvaient depuis les heurts interconfessionnels en avril entre combattants druzes et forces de sécurité dans les zones druzes proches de Damas et à Soueïda, qui avaient fait plus de 100 morts.
L’armée syrienne a dépêché lundi des renforts, affirmant vouloir rétablir l’ordre. Mais selon des témoins et l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), les forces gouvernementales, épaulées par des combattants bédouins, ont pris plusieurs localités tenues jusque-là par des factions druzes autour de Soueïda. Mardi, après des discussions avec des notables druzes, le ministère de la Défense a annoncé un cessez-le-feu et l’entrée des troupes dans la ville. Jusqu’alors, Soueïda, 150 000 habitants, était contrôlée par différents groupes druzes.
Les principaux chefs religieux druzes, au nombre de trois et dont les positions sont parfois divergentes, avaient appelé en matinée les combattants à ne pas opposer de résistance et à remettre leurs armes. Mais l’un d’eux, l’influent cheikh Hikmat al-Hejri, a par la suite fait volte-face, accusant le gouvernement de ne pas avoir respecté sa promesse d’entrer pacifiquement à Soueïda. Il a appelé les combattants à « faire face à la campagne barbare » des forces de sécurité.
Mercredi, l’OSDH faisait état d’au moins 64 combattants et 28 civils druzes tués, dont 21 exécutés sommairement par les forces gouvernementales. L’ONG accuse ces dernières d’avoir commis des exécutions après leur déploiement à Soueïda, où les habitants témoignent de multiples exactions. Dans un communiqué, la présidence syrienne « condamne fermement ces actes honteux » et affirme son « engagement total à enquêter sur tous les incidents concernés et à punir tous ceux qui y sont impliqués ».
Qui sont les Druzes ?
Les Druzes forment une minorité religieuse du Moyen-Orient, forte d’environ un million de personnes. Issus au XIᵉ siècle d’une branche dissidente de l’islam chiite ismaélien, ils ont développé une foi ésotérique et discrète, dont la doctrine est strictement réservée aux initiés. Leur religion, fermée aux conversions, a contribué à cimenter une identité communautaire très forte, marquée par la solidarité et la prudence face aux bouleversements politiques.
Aujourd’hui, les Druzes vivent principalement en Syrie, au Liban, en Israël et en Jordanie. En Syrie, leur cœur historique se situe dans la province de Soueïda, au sud du pays, non loin de la frontière jordanienne et du plateau du Golan. Ce territoire a longtemps été relativement épargné par les combats les plus violents de la guerre civile syrienne, mais reste un espace hautement stratégique, tant sur le plan militaire que politique. Avant le début de la guerre civile en 2011, la Syrie comptait, selon des estimations, environ 700 000 Druzes, parlant l’arabe, la langue commune à tout le pays qui abrite une mosaïque de communautés. Ils représentent 3 % de la population.
En janvier, les deux groupes armés druzes les plus importants, le Mouvement des hommes de la dignité et la Brigade de la Montagne, avaient annoncé être prêts à se plier à la décision des nouvelles autorités de s’intégrer au sein des forces armées. Ils avaient cependant demandé à « constituer une entité militaire et sécuritaire formée des fils de Soueïda » qui contrôlerait la ville sous l’égide des autorités.
Pourquoi Israël s’intéresse-t-il particulièrement au sort des Druzes en Syrie ?
Depuis lundi, l’aviation israélienne bombarde des positions des forces syriennes dans la région de Soueïda. « Nous ne permettrons pas que du mal soit fait aux Druzes en Syrie. Israël ne restera pas les bras croisés », a averti le ministre israélien de la Défense, Israël Katz. Le pays a bombardé ce mercredi le quartier général de l’armée syrienne à Damas, après avoir prévenu qu’il augmenterait ses frappes contre les forces gouvernementales syriennes si ces dernières ne se retiraient pas du sud de la Syrie, à proximité de sa frontière. L’armée israélienne a également annoncé renforcer ses troupes à la frontière syrienne, et dit avoir identifié des « dizaines de suspects » qui tentaient de franchir la frontière depuis la Syrie.
Tel Aviv suit avec attention tout ce qui touche à la minorité druze en Syrie, pour plusieurs raisons à la fois sécuritaires, communautaires et stratégiques. D’abord, la communauté druze est elle-même présente en Israël, où elle compte environ 153 000 personnes. Intégrés dans la société israélienne, beaucoup servent dans l’armée et conservent des liens familiaux ou communautaires avec les Druzes de Syrie. Depuis la chute de Bachar el-Assad, Israël, par l’entremise des figures de cette communauté qui y vivent, a multiplié les gestes d’ouverture entre les Druzes syriens. Il leur a envoyé des colis humanitaires et autorise des délégations de dignitaires religieux à se rendre en Israël en pèlerinage, malgré l’état de guerre entre les deux pays.
En mars, Israël avait affirmé vouloir défendre les Druzes à la suite d’escarmouches dans la banlieue de Damas mais ces propos avaient été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l’unité de la Syrie.
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Publish date : 2025-07-16 11:35:00
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