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Sommet UE-Chine : chronique d’un échec annoncé, par Cécile Maisonneuve

Sommet UE-Chine : chronique d’un échec annoncé, par Cécile Maisonneuve

Le sommet UE-Chine du 24 juillet s’annonce déjà comme un rendez-vous manqué. Tandis que l’attention européenne se cristallise obsessionnellement sur les fluctuations trumpiennes et leurs répercussions transatlantiques, une réalité stratégique tout aussi déterminante s’impose : la relation sino-européenne est en crise. L’enjeu est majeur car, si l’imprévisibilité américaine concerne la croissance à court et moyen terme du Vieux Continent, la question chinoise touche aux fondements mêmes de la souveraineté industrielle européenne. Comment concevoir une autonomie énergétique durable quand Pékin contrôle 70 % de la production mondiale des matériaux critiques ? Comment prétendre à une décarbonation souveraine tout en demeurant tributaire des chaînes d’approvisionnement chinoises pour les technologies propres ?

L’Institut Montaigne, dans son récent rapport sur les dépendances stratégiques européennes aux cleantech chinois, dresse un constat sans appel sur la subordination technologique de l’Europe à la Chine. Quelques chiffres : 97 % des panneaux solaires importés par l’UE proviennent de Chine, 43,8 % des batteries de véhicules électriques suivent la même route.

Fuite en avant économique

Le sommet de juillet concentre ces contradictions. D’un côté, une Union européenne acculée à la fois par ses ambitions climatiques et ses impératifs de souveraineté industrielle. De l’autre, une Chine engagée dans une fuite en avant économique où les surcapacités industrielles massives – 1,065 milliard de tonnes d’acier, 861 GW de capacité solaire – menacent de submerger les marchés mondiaux tout en servant de levier géopolitique. La défense européenne de tarifs douaniers sur les véhicules électriques chinois (37,6 %) illustre parfaitement cette impasse stratégique. Ces mesures, nécessaires pour protéger l’industrie européenne naissante, arrivent avec un retard considérable face à un adversaire qui a méthodiquement construit sa domination depuis deux décennies. Mais elles risquent de provoquer des représailles chinoises sur l’accès aux terres rares, plongeant l’Europe dans un dilemme cornélien entre protection industrielle et sécurité d’approvisionnement.

L’effondrement du modèle économique chinois ajoute une dimension d’incertitude géopolitique majeure. La déflation persistante, l’endettement colossal du secteur immobilier et la spirale des surcapacités révèlent un régime aux abois, contraint de maintenir sa légitimité par l’exportation de ses déséquilibres internes. Cette fuite en avant économique transforme chaque négociation commerciale en enjeu existentiel pour le Parti communiste chinois.

La lecture lucide de l’Allemagne

Dans cette configuration explosive où se joue, de chaque côté, une question de survie, industrielle et politique, l’Allemagne détient les clés de l’équation européenne. Berlin se trouve confronté à un arbitrage historique entre ses intérêts économiques immédiats avec la Chine – 246 milliards d’euros d’échanges, 40 % des revenus de Volkswagen – et sa sécurité stratégique à long terme. Les récentes déclarations du chancelier Friedrich Merz sur le « dérisquage » et la « réciprocité commerciale » traduisent cette tension fondamentale. Paradoxalement, l’imprévisibilité assumée de Trump offre une lisibilité stratégique supérieure à l’opacité chinoise. Les tarifs américains, bien qu’élevés, demeurent négociables et temporaires. A l’inverse, la trajectoire chinoise soulève une interrogation existentielle : où mène un régime dont la survie politique dépend d’un modèle économique en décomposition ?

L’Allemagne a d’ores et déjà tranché : maintenir l’arrimage transatlantique dont elle a besoin aussi longtemps que le système industriel n’est pas parvenu à monter en puissance pour subvenir aux besoins militaires de l’Ukraine et ne plus subir le chantage américain sur ce point. Forte de ses capacités d’investissement, l’Allemagne a besoin de quatre à cinq ans pour atteindre cet objectif. Cette stratégie reflète une lecture lucide des rapports de force.

L’heure est donc à la construction d’un rapport de force intelligent. Un rapport de force où l’Europe doit copier ce que la Chine a pratiqué pendant des décennies : faire son marché. Elle a beaucoup à apprendre du système industriel chinois, par exemple dans les batteries. Conditionnons, pour commencer, l’accès au marché européen au contenu local, à des transferts de technologiques et à des partenariats dans le domaine de formation et de la propriété intellectuelle. Un mot allemand définit parfaitement cette stratégie : « Realpolitik« .



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Author : Cécile Maisonneuve

Publish date : 2025-07-17 06:00:00

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