L’Express

« Depuis 1945, jamais les enfants n’ont autant souffert de la guerre » : l’alerte de la présidente d’Unicef France

« Depuis 1945, jamais les enfants n’ont autant souffert de la guerre » : l’alerte de la présidente d’Unicef France

La présidente de l’Unicef France, Adeline Hazan, était l’invitée d’un récent déjeuner de l’Institut Aspen France pour évoquer les actions de l’association de défense des droits de l’enfant. Lors de cette conférence, la présidente de la branche française de ce lieu d’échange international créé en 1949 aux Etats-Unis et réunissant des dirigeants de tous horizons, Anne-Gabrielle Heilbronner, a souhaité évoquer la question des jeunes ukrainiens déportés en Russie après la parution du dossier réalisé par L’Express.

« Leur sort devrait tous nous préoccuper, explique-t-elle. Il est emblématique de ce qu’il se passe dans les conflits aujourd’hui, où 90 % des victimes sont des civiles, en particulier des femmes et des enfants. L’Institut Aspen, qui promeut les valeurs humanistes, est naturellement sensible à cette cause. Nous pensons aussi qu’il ne suffit pas de s’indigner de cette tragédie : tous les leaders doivent prendre conscience qu’ils peuvent faire quelque chose pour mettre un terme à cette barbarie et mieux protéger les femmes et les enfants des violences inhérentes aux guerres ». Adeline Hazan refuse de commenter les chiffres avancés par le Humanitarian Research Lab de l’université de Yale (35 000), mais explique que l’Unicef est « totalement mobilisée » pour avoir accès à ces enfants.

L’Express : Le Humanitarian Research Lab de l’université de Yale estime à 35 000 le nombre d’enfants ukrainiens actuellement détenus en Russie. Confirmez-vous cette évaluation ?

Adeline Hazan : Je ne suis pas en mesure de confirmer ce chiffre. Toutefois, je peux vous dire que l’Unicef est totalement mobilisée pour avoir accès aux enfants ukrainiens en Russie, à leur permettre de retrouver leurs familles et à leur apporter l’assistance dont ils ont besoin.

L’Unicef reste profondément préoccupé par le nombre d’enfants qui ont été séparés des membres de leur famille pendant la guerre en Ukraine. Nous avons exhorté les parties prenantes à donner la priorité à la recherche et à la réunification des familles et à s’abstenir de toute action qui modifierait la nationalité d’un enfant ou rendrait plus difficile sa réunification.

Notre priorité principale est aujourd’hui de pouvoir accéder à ces enfants. C’est l’appel que nous lançons aux Etats. Nous agissons beaucoup dans ce sens. Afin de respecter et de préserver la confidentialité des enfants, nous ne pouvons faire aucun commentaire sur des cas spécifiques.

Que savez-vous de l’état psychique des enfants qui ont pu être retrouvés ?

Dans le cadre de notre partenariat avec le gouvernement ukrainien, l’Unicef ne travaille pas uniquement avec les services compétents pour fournir une assistance technique et des ressources afin de renforcer la réunification des familles en se basant sur le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, mais facilite également leur réintégration immédiate, notamment par le placement dans des structures d’accueil familial.

Pour les enfants dont vous parlez, cela comprend des soins de santé mentale et psychosociale, un accompagnement éducatif, un soutien direct en matière de protection sociale, un accompagnement juridique et l’orientation vers des services de santé adaptés.

Les enfants sont-ils particulièrement touchés depuis le début de la guerre ?

Selon une enquête réalisée par l’Unicef, un enfant sur cinq en Ukraine a déclaré avoir perdu un proche ou un ami depuis le déclenchement de la guerre. Plus de 2 889 enfants ont été tués ou blessés, selon les chiffres vérifiés par l’ONU. Mais ce chiffre doit probablement être plus élevé.

Le nombre – vérifié – d’enfants tués ou blessés en Ukraine entre le 1er mars et le 31 mai 2025 a augmenté de plus de 200 % par rapport au trimestre précédent, selon les données de la Mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine.

Qu’en est-il des enfants touchés par la guerre dans le reste du monde ?

Depuis la Seconde Guerre mondiale, les enfants n’avaient jamais autant souffert de la guerre. A la fin de l’année 2024, plus de 473 millions d’enfants, soit plus d’un enfant sur six à travers la planète, vivaient dans une zone touchée par un conflit. Le pourcentage mondial d’enfants concernés a ainsi doublé, passant de 10 % dans les années 1990 à près de 19 %.

Plusieurs causes expliquent ces chiffres : l’usage accru d’armes explosives dans les zones peuplées est aujourd’hui la principale cause de décès et de blessures chez les enfants dans la plupart des conflits, représentant plus de 70 % des cas. L’explosion des cas de violences sexuelles, ensuite : les cas vérifiés de viols et autres violences sexuelles contre des enfants ont augmenté de 35 % en 2024.

L’enfant, paradoxalement, est en train de disparaître de l’agenda politique et budgétaire. Comme les Etats Unis et certains de ses partenaires européens, la France a baissé en un an son aide publique au développement de près de 40 %. Les premiers à en payer le prix seront les enfants, notamment en zone de guerre.



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Author : Sébastien Le Fol

Publish date : 2025-07-21 15:00:00

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