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Georges Ibrahim Abdallah ne doit pas sa libération à ses soutiens très politiques, par Jean-Marc Fedida

Georges Ibrahim Abdallah ne doit pas sa libération à ses soutiens très politiques, par Jean-Marc Fedida

Georges Ibrahim Abdallah a été condamné par la Cour d’assises spéciale à Paris le 28 février 1987 pour avoir directement participé aux sauvages assassinats de deux diplomates, l’un israélien Yacov Barsimantov et l’autre américain le consul des États-Unis d’Amérique Charles Ray. Au cours de l’audience, l’accusation déjà très politisée avait tout fait pour qu’une telle peine ne soit pas prononcée et c’est l’avocat des États-Unis, à l’époque Georges Kiejman, qui avait puissamment démontré la participation aux faits criminels en établissant notamment qu’il était le rédacteur du texte de revendication. Plus généralement qu’il était le principal chef de la Fraction Armée libanaise, responsable de nombreux attentats sanglants sur le territoire français.

Les réquisitions prononcées à l’audience par les avocats généraux aux ordres du pouvoir furent de dix années d’emprisonnement ce qui, convenons-en, était très clément. C’est la peine de perpétuité qui fut prononcée grâce, sans doute, au talent de son avocat Jacques Vergès qui fut tout au long de ce procès plus préoccupé par son rôle autoproclamé de héraut de la cause décoloniale que par le sort de son client.

Un acte de justice résolue

Cette décision n’eut précisément rien de politique, tout au contraire elle fut un acte de justice résolue contre la volonté politique exprimée notamment par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Charles Pasqua, qui à l’époque ne souhaitait pas une répression trop lourde pour des raisons tenant à la volonté de la France de ne pas – trop – prendre partie dans le conflit au Moyen-Orient en faveur de la cause israélienne sans compter le souhait que le territoire français ne devienne pas champ de bataille pour les terroristes.

La première idée fausse par voie de conséquence est bien celle selon laquelle la détention fut voulue par le représentant de l’accusation, les réquisitions furent celles du pouvoir politique et la condamnation fut celle des juges et de la justice.

L’histoire récente a démontré par le sang que cette position politique n’a en rien préservé la France d’être le théâtre d’attentats. Rétrospectivement, on peut être assuré que l’enjeu de la décision rendue par la Cour d’assises spéciale n’était pas de préserver la France d’attentats terroristes.

Un tel « symbole » n’a pu que les « interroger »

Après presque 42 années de détention, Georges Ibrahim Abdallah est libéré sous la condition de quitter le territoire français et de ne plus y paraître. Cette décision n’est, du point de vue du droit commun de l’application des peines, pas exceptionnelle, et qu’on l’approuve ou non, elle correspond à ce que les magistrats statuent habituellement dans de tels cas de figure.

Cependant, à la lecture de cette décision, on doit reconnaître que l’anticipation de cette libération conditionnelle a été principalement empêchée par ceux qui ont cherché contre l’histoire et contre les faits à ériger cet assassin en symbole d’une détention politique. Au contraire, et ainsi que l’écrivent pudiquement dans leur arrêt les magistrats de la Cour d’appel, un tel « symbole » n’a pu en effet que les « interroger ». On aurait envie d’écrire si l’on avait été à leur place « inquiéter ».

La deuxième idée fausse c’est la croyance selon laquelle les magistrats auraient rendu une fois de plus une décision politique. Là encore, c’est une décision qui a été prise inversement à la politique, et même, contre la politique. La libération de ce détenu a été résolue, c’est ce qu’écrivent ces juges, contre les messages politiques véhiculés par son comité de soutien, et même en dépit de ceux-là. C’est souvent le cas quand il s’agit de libérer un assassin après 42 années de détention. Mais libérer un héros de la cause terroriste qui n’a pas marqué le moindre signe de rédemption est beaucoup plus compliqué !

Certains chevauchent la vérité avec l’aisance

A l’instar de la décision initiale de condamnation rendue contre la volonté du personnel politique, la décision de libération conditionnelle a été rendue manifestement en dépit de ceux qui ne cessent de prétendre que ce détenu était le symbole d’une justice aux ordres.

On reste donc consterné en entendant ceux qui, sans la moindre mémoire et dépourvus de toute culture judiciaire ou juridique, chevauchent la vérité avec l’aisance que leur confère leur malhonnêteté intellectuelle. A seule fin de transformer une décision aussi inhabituellement tardive en succès idéologique, comme s’ils avaient réussi par leurs efforts judiciaires à convertir une Cour à leur lutte anti-coloniale, pire encore à la transformer en militante de la cause gazaouie version Hamas.

Peu importe à leurs yeux de mentir sur l’histoire même récente, de prendre en otage deux décisions de justice, de maltraiter une cause et de nuire à un homme qui, sans doute complaisant, aura passé plus de temps en détention que tout autre détenu pour des faits de complicité d’assassinat. Mais la réécriture de l’histoire et le travestissement des faits n’est-elle pas un des éternels marqueurs des idéologies totalitaires ?

* Jean-Marc Fedida est avocat à la Cour



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Publish date : 2025-07-22 11:00:00

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