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RN, été 2024 : l’appartement secret où Marine Le Pen et Jordan Bardella ont imaginé leur gouvernement

RN, été 2024 : l’appartement secret où Marine Le Pen et Jordan Bardella ont imaginé leur gouvernement

Il arrive que la Ve République donne lieu à des parties de cache-cache mémorables. Parce que la politique et ses acteurs sont sans cesse épiés, décortiqués, analysés, certains éprouvent le besoin, quand vient l’heure de prendre une décision fondamentale, de se calfeutrer pour réfléchir en paix. Sans pression extérieure. Et avec la certitude que rien ni personne n’éventera une intention qui, peut-être, changera le cours des choses si l’effet de surprise est préservé. Tout le monde a droit à son Baden-Baden.

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Paris suffoque sous la chaleur estivale. En plein mois de juin 2024, une activité inhabituelle agite un quartier situé à deux pas du Parc des Princes, au cœur du XVIe arrondissement. On se presse rue du général Delestraint. Des hommes en costumes, des femmes en tailleurs, descendent de chics berlines avec chauffeurs, jettent un coup d’œil à droite, à gauche, avant de s’engouffrer en vitesse dans un hall d’immeuble. Dans la cage d’escalier, pourtant tranquille le reste de l’année, une drôle de file se forme, patientant pour pénétrer un petit appartement, dont l’antichambre n’est pas suffisamment vaste pour accueillir le flot de visiteurs.

« Pardon, pardon, excusez-moi », marmonne Jean-Philippe Tanguy, en zigzaguant entre ces derniers. Le député Rassemblement national de la Somme est pressé. Il faut dire que la période ne se prête pas à la léthargie. Quelques jours plus tôt, Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée nationale, et forcé les différents partis de France à se secouer pour organiser dans l’urgence de nouvelles élections législatives, dont le premier tour doit se tenir le dimanche 30 juin. Dans de récents sondages, le parti d’extrême droite caracole en tête des intentions de vote, après un score historique (plus de 31 % des voix) réalisé le 9 juin, aux élections européennes. Il n’y a pas de temps à perdre.

Leur campagne à peine achevée, Marine Le Pen et Jordan Bardella se lancent dans de nouvelles élections. Ils ont trouvé leur slogan : « Bardella, Premier ministre ». En cas de victoire frontiste aux élections législatives, le poulain de Marine Le Pen sera donc le candidat pour Matignon. Seulement, voilà : rien n’est prêt. Malgré l’assurance du parti, qui répète depuis des mois que son « plan Matignon » est achevé, fignolé, et qu’il lui suffit « d’appuyer sur un bouton », tout semble prendre l’eau. Les candidats RN s’illustrent successivement par des saillies racistes, des propos complotistes ou antisémites sont exhumés de leurs réseaux sociaux, des dérapages à la pelle sur les plateaux de télévision. Et cette question qui persiste : qui formera le potentiel gouvernement de Jordan Bardella ? Quel sera l’attelage ministériel proposé par le parti d’extrême droite s’il accédait au pouvoir ?

Une cachette gardée secrète

Branle-bas de combat. Pendant l’élection présidentielle de 2022, déjà, Marine Le Pen avait loué un appartement, refuge où elle s’enfermait avec ses plus proches pour discuter stratégie, préparer ses émissions, peaufiner son programme. Cette fois, ses équipes ont dégotté une location, à deux pas du QG du parti situé rue Michel-Ange, dans le XVIe arrondissement. Une cachette gardée secrète, pour recevoir de potentiels candidats aux postes ministériels. A l’abri des regards, s’y retrouvent les dirigeants frontistes et une nébuleuse de profils désireux de rencontrer, en toute discrétion, ceux qui, demain, pourraient prendre Matignon. Des nouveaux venus, juristes, hauts fonctionnaires, chefs d’entreprise, curieux, ouverts à la discussion et, pourquoi pas, à la collaboration. Pour Marine Le Pen et Jordan Bardella, l’objectif est clair : pouvoir proposer, le 7 juillet au soir, un gouvernement complet, solide, composé de profils à la hauteur, pour faire taire ces procès en incompétence qui minent le parti depuis des années.

Les candidats se pressent dans l’étroit salon. Marine Le Pen a les traits tirés. Jordan Bardella, lui, fait des allers-retours entre le siège du parti et le petit appartement. Autour d’eux, une petite équipe de fidèles, restreinte au maximum. Renaud Labaye, secrétaire général du groupe à l’Assemblée et bras droit de la patronne, Ambroise de Rancourt, son futur directeur de cabinet, François Durvye, n° 2 du milliardaire conservateur Pierre-Edouard Stérin et conseiller économique du binôme frontiste. Quelques proches feront une apparition, comme le nouvel allié du RN, Eric Ciotti, qui y rencontrera François Durvye pour la première fois. Dans la pièce adjacente, un ou deux collaborateurs, sommés de garder le silence, travaillent sur les dossiers les plus urgents. L’appartement revêt des allures de bureau des ressources humaines pour des procédures de recrutement accélérées. Qui ferait un bon ministre de l’Economie ? Et qui placer aux Affaires étrangères ? Cet ancien haut gradé au sein d’une multinationale, ou ce haut fonctionnaire qui travaille dans l’ombre pour le parti depuis des années ?

Le mercato s’achève, l’équipe est plus ou moins complète. Un « gouvernement Bardella » est composé dans le secret de l’appartement, et dont seuls les proches parmi les proches ont connaissance. Il ne fuitera jamais. Et si les frontistes ne se réfugient plus, aujourd’hui, dans la cachette de la rue du général Delestraint, l’hypothétique gouvernement, lui, sert toujours de référence au parti d’extrême droite, qui rêve plus que jamais d’accéder au pouvoir.



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Author : Marylou Magal

Publish date : 2025-07-22 05:45:00

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