Depuis plusieurs semaines, l’Iran est le théâtre d’une série d’explosions et d’incendies aussi soudains que mystérieux. Immeubles d’habitation, raffineries, usines ou axes routiers… Les cibles sont disparates, mais les incidents, eux, se répètent avec une régularité troublante. De quoi alimenter un sentiment de chaos et d’instabilité dans cette région du monde. De Mashhad à Abadan, le pays semble s’embraser à un rythme quotidien. Et si, publiquement, les autorités invoquent la vétusté des infrastructures ou des accidents banals, en coulisses, certaines voix pointent un acteur bien connu : Israël.
Trois responsables iraniens – dont un membre influent du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) – l’affirment à demi-mot en privé : nombre de ces événements seraient des actes de sabotage, menés par l’État hébreu. Ils y voient la marque de fabrique de ce dernier, soulignant son historique d’opérations secrètes en Iran, notamment des explosions et des assassinats, relaient nos confrères du New York Times.
Ce n’est pas la première fois que des responsables iraniens soupçonnent l’ennemi juré israélien d’orchestrer des attaques clandestines sur leur sol. Si aucun élément tangible n’a été rendu public pour étayer ces accusations, le passé récent donne du crédit à l’hypothèse, un mois après une campagne de bombardements israéliens d’une rare intensité, menée pendant douze jours sur plusieurs sites stratégiques iraniens.
Des explications du gouvernement iranien peu convaincantes
Israël n’a jamais caché sa volonté de contenir l’influence régionale de Téhéran. Et le Mossad a déjà revendiqué ou laissé fuiter sa responsabilité dans des attaques ciblées, contre des scientifiques du nucléaire ou des installations stratégiques. « Les gens savent que le régime minimise ou nie souvent les attaques israéliennes », rappelle au New York Times Omid Memarian, chercheur iranien au sein du think tank DAWN, basé à Washington. Selon lui, l’absence de transparence du gouvernement alimente les soupçons davantage qu’elle ne les dissipe.
Les explications liées à l’incendie de la raffinerie d’Abadan – qui a fait un mort et plusieurs blessés – ou celles de l’explosion survenue près de l’aéroport de Mashhad (dans le nord-est du pays), officiellement attribuée à un « brûlage contrôlé des mauvaises herbes », peinent à convaincre l’opinion. Tout comme un autre incendie à Téhéran attribué à un feu de déchets.
Pourquoi, si tout est sous contrôle, des fuites de gaz ou des déchets en flammes provoquent-ils quotidiennement autant de chaos ? Par ailleurs, la compagnie nationale de gaz iranienne a publié des statistiques qui, selon elle, ne montrent aucune augmentation notable des explosions dues à des fuites de gaz cette année par rapport à l’année dernière.
Une guerre qui dure depuis une décennie
Face au manque d’explications, l’humour noir parvient tout de même à se frayer une place sur les réseaux sociaux : une image retouchée montre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou grimé en agent de la compagnie nationale iranienne de gaz.
Côté israélien, silence radio : les responsables interrogés par le New York Times refusent de commenter. Mais certains signes trahiraient une forme de jubilation stratégique. Sur X (ex-Twitter), un compte en persan, prétendument lié au Mossad, publie régulièrement des commentaires sur les incendies en Iran. Selon une source citée par le quotidien américain, ce compte serait bien piloté par l’agence de renseignement israélienne.
Cette guerre de l’ombre n’a rien de nouveau. Depuis plus d’une décennie, les deux pays se livrent une lutte asymétrique, loin des champs de bataille traditionnels : Israël a mené des années durant des opérations secrètes en Iran, notamment des explosions et des frappes de drones contre des installations et sites nucléaires et militaires. L’Iran, pour sa part, a attaqué des navires israéliens dans le golfe Persique, lancé des missiles sur des structures en Irak liées à Israël et financé et armé des groupes militants comme le Hamas à Gaza.
Alors que les autorités de Téhéran tentent d’éteindre l’incendie médiatique, les tensions internes restent vives, après la guerre ouverte avec Israël en juin. La mort il y a quelques jours du général de brigade Gholamhossein Gheybparvar, ancien responsable de la répression des manifestations féminines, ajoute encore au trouble. Officiellement, il serait décédé de complications liées à des blessures chimiques datant de la guerre Iran-Irak. Mais beaucoup s’interrogent sur ce timing et les circonstances de son décès.
Opération de sabotage israélienne ou série noire accidentelle ? Pour l’instant, aucune preuve formelle ne permet de trancher. Mais dans ce jeu trouble, les certitudes sont rares et les suspicions, elles, s’accumulent.
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Author : Audrey Parmentier
Publish date : 2025-07-23 14:59:00
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