Il souhaite apporter « une contribution décisive à la paix au Proche-Orient ». En actant jeudi 24 juillet la reconnaissance d’un Etat de Palestine par la France en septembre prochain, Emmanuel Macron a suscité de vives réactions de la part de la communauté internationale. Si certaines nations ont salué la décision du président de la République, celui-ci s’est aussi attiré les foudres d’Israël. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou estime ainsi que la démarche de l’Élysée « récompense le terrorisme », en référence aux attaques terroristes du Hamas le 7 octobre 2023, qui ont fait environ 1 200 morts.
Dans les faits, que pourrait changer concrètement l’initiative de Paris ? Difficile de le déterminer avec précision. Les équilibres au Proche et Moyen-Orient sont totalement bousculés depuis les attentats du mouvement islamiste en Israël, suivis du début de la guerre à Gaza. Le gouvernement israélien, déterminé à éradiquer le Hamas, poursuit ses opérations militaires dans l’enclave palestinienne, près de deux ans après le lancement de l’intervention armée. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont péri dans durant le conflit, marqué par d’incessants bombardements israéliens. Une cinquantaine d’otages, dont certains présumés décédés, sont par ailleurs toujours retenus par le Hamas.
Un « signal clair » vis-à-vis de Trump et Netanyahou
Sur place, la situation humanitaire est catastrophique. D’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le risque de famine s’est largement accru ces dernières semaines. Les denrées alimentaires parviennent au compte-goutte dans l’enclave. Selon l’ONG Médecins sans frontières, un quart des enfants de six mois à cinq ans examinés dans ses cliniques la semaine dernière dans la bande de Gaza souffraient de malnutrition. Les photographies d’enfants squelettiques en manque de nourriture, tout comme les vidéos de scènes chaotiques de distributions alimentaires, ont aussi fait le tour de la planète.
Dans ce contexte, la reconnaissance d’un Etat palestinien par la France apparaît avant tout comme un geste destiné à « mettre la pression » au reste de la communauté internationale afin de suivre sa position, a affirmé un proche de la présidence française auprès de CNN, après l’annonce d’Emmanuel Macron. Si Paris espère voir d’autres pays s’aligner sur lui, ce geste constitue surtout un « signal clair aux Etats-Unis, à Israël et à la communauté internationale que ce qui se passe à Gaza est inacceptable et qu’il doit y avoir une issue diplomatique à cette crise », résume auprès du Washington Post Shahram Akbarzadeh, chercheur principal non-résident au Middle East Council on Global Affairs.
Remettre la diplomatie au centre du jeu
Autrement dit, la France entend faire bouger les choses pour les Palestiniens en replaçant la diplomatie au cœur des échanges au Proche-Orient. Un pari loin d’être aisé, tant les négociations pour un accord de paix dans la région paraissent chaque jour s’éloigner un peu plus. Jeudi, l’envoyé spécial de Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, a annoncé le retrait de la délégation américaine des pourparlers indirects entre Israël et le Hamas tenus à Doha (Qatar). Le responsable a fustigé l’attitude « égoïste » du mouvement islamiste et souligné que Washington se penchait désormais sur « d’autres options pour ramener les otages chez eux et tenter de créer un environnement plus stable pour la population de Gaza ».
La reconnaissance de la Palestine par la France, par ailleurs jugée « imprudente » par le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio, ne réglerait pas la question des frontières de ce territoire. Selon la source interrogée par CNN, Paris ne prévoit pas de mentionner des limites territoriales précises au moment de l’annonce officielle. En revanche, Emmanuel Macron compte sur l’Autorité palestinienne, aujourd’hui dirigée par Mahmoud Abbas, pour « bâtir » cet Etat de Palestine. Le dirigeant, aujourd’hui très affaibli politiquement, est à la tête du Fatah, parti rival de longue date du Hamas. Au printemps, celui-ci avait dénoncé les crimes du mouvement islamiste lors du 7-Octobre, tout en promettant sa démilitarisation.
Mais, à 89 ans et plus de deux décennies passées au pouvoir, Mahmoud Abbas n’apparaît pas franchement comme une solution durable pour assurer la « viabilité » d’un Etat palestinien, comme le souhaite Emmanuel Macron. Paris espère probablement compter davantage sur les autres puissances régionales pour tenter de peser dans les négociations vers un cessez-le-feu.
Rôle clé de l’Arabie saoudite
L’annonce de la reconnaissance de la Palestine est à ce titre un gage donné à l’Arabie saoudite, tiraillée entre sa position pro-palestinienne et sa proximité, notamment d’un point de vue économique, avec les Etats-Unis. Selon le New York Times, la monarchie, qui coprésidera avec la France la conférence sur la question palestinienne à New York au mois de septembre, serait d’abord restée évasive pour fixer une nouvelle date pour ce rendez-vous, d’abord prévu en juin, puis reporté en raison de la guerre en Israël et l’Iran. Fort des affaires conclues avec Washington, le prince héritier du pays, Mohammed Ben Salmane, dispose de plusieurs cartes en main.
« Paris et Ryad préparent une feuille de route, reprenant en partie certaines idées de la Ligue arabe, sur l’isolement et le désarmement du Hamas, des élections palestiniennes en 2026, un nouveau cadre de loi sur les partis […] », résume auprès de l’AFP Camille Lons, chercheuse sur le Moyen-Orient au Conseil européen pour les relations internationales. « Ils analysent qu’il n’y a pas vraiment de réflexion aboutie (aux Etats-Unis, ndlr), donc que s’ils arrivent avec quelque chose de déjà préparé, cela peut entraîner au moins en partie un soutien américain. » D’autant que Washington pourra difficilement envisager de se froisser avec son allié saoudien, avec qui il a signé un accord en mai pour lui vendre 142 milliards d’armement militaire.
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Publish date : 2025-07-25 14:30:00
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