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Face au conflit Thaïlande-Cambodge, la Chine en médiatrice attentive

Face au conflit Thaïlande-Cambodge, la Chine en médiatrice attentive

Les obus tombent sur les provinces frontalières thaïlandaises, des civils fuient par milliers, et une Première ministre est suspendue à Bangkok : la crise qui oppose la Thaïlande et le Cambodge depuis plusieurs mois a atteint son paroxysme avec des échanges de tirs meurtriers fin juillet. Officiellement, Pékin se tient à l’écart et appelle au dialogue. Mais dans les coulisses, la Chine, premier partenaire économique des deux pays et allié historique du Cambodge, s’impose comme le véritable arbitre de cette confrontation. Investissements massifs, coopération militaire et présence navale : le royaume khmer est devenu l’un des piliers de l’influence chinoise en Asie du Sud-Est.

Echanges d’artillerie et frappes aériennes

Depuis février 2025, Thaïlande et Cambodge s’accusent d’incursions militaires dans des zones frontalières disputées, notamment autour de temples khmers anciens. La tension s’est aggravée après la mort d’un soldat cambodgien le 28 mai, avant de dégénérer fin juillet en affrontements d’une violence inédite depuis plus d’une décennie : des échanges d’artillerie et des frappes aériennes thaïlandaises ont touché des zones civiles, notamment dans les provinces de Surin et de Sisaket. Bangkok accuse Phnom Penh d’avoir tiré des roquettes sur un hôpital et sur une station-service, tandis que le Cambodge rejette la responsabilité des premières attaques sur l’armée thaïlandaise.

Ces combats ont provoqué l’évacuation de dizaines de milliers de personnes et ravivé des tensions politiques à Bangkok. La Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra, déjà fragilisée par un appel téléphonique révélé mi-juin dans lequel elle s’adressait à l’ancien Premier ministre cambodgien sur un ton jugé trop conciliant, a été suspendue par la Cour constitutionnelle le 1er juillet. Dans un pays habitué aux coups d’État militaires, la crise a déclenché des manifestations massives et fait craindre une nouvelle intervention de l’armée thaïlandaise.

Pékin, soutien historique du Cambodge

Si la Chine se garde de prendre officiellement parti et appelle à la désescalade, ses liens avec Phnom Penh la placent de facto dans une position d’allié implicite. Depuis la fin des années 1990, Pékin a fait du Cambodge un partenaire stratégique : des infrastructures financées sans condition, des prêts préférentiels, un soutien militaire discret, et surtout la modernisation de la base navale de Ream, qui offre désormais à la Chine un accès maritime stratégique dans le golfe de Thaïlande.

Les deux pays organisent également des manœuvres militaires régulières, les « Golden Dragon », exercices conjoints sino-cambodgiens qui visent à renforcer la coordination entre leurs armées et qui incluent des entraînements terrestres, aériens et maritimes. La Chine fournit en outre des armes, parfois sous forme de dons, et forme des officiers cambodgiens sur son territoire.

La Thaïlande, elle, adopte une position plus nuancée. Pékin est son premier investisseur étranger (24 % des investissements directs en 2023), mais Bangkok reste attachée à ses alliances traditionnelles avec Washington. Chaque année, elle participe ainsi aux « Cobra Gold », les plus grands exercices militaires multinationaux d’Asie du Sud-Est, organisés conjointement avec les États-Unis et destinés à tester la coordination en cas d’opérations humanitaires ou de conflit régional. Parallèlement, la Thaïlande s’intègre aux grands projets économiques chinois, comme la ligne ferroviaire à grande vitesse reliant la Chine, le Laos et le nord-est thaïlandais. En se posant en médiateur, Pékin poursuit un double objectif : préserver la stabilité de l’ASEAN pour garantir ses intérêts économiques et défendre son allié cambodgien sans provoquer une rupture avec Bangkok.



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Author : Aurore Maubian

Publish date : 2025-07-25 15:55:00

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