« Du danger de reconnaître un État palestinien ». C’est ainsi que Jonathan Sacerdoti, journaliste britannique et militant pro-israélien engagé contre l’antisémitisme, titrait un éditorial publié en juin dernier dans le journal conservateur britannique The Spectator. Un article dans lequel il expliquait pourquoi, selon lui, les conditions n’étaient pas à ce stade réunies et pourquoi une telle reconnaissance, sans exigences préalables strictes, présenterait des risques non seulement pour Israël, mais pour l’ensemble de la région. Dès lors, il n’est guère surprenant que, lorsqu’un mois plus tard, le président Emmanuel Macron annonce que la France reconnaîtra l’État de Palestine en septembre à l’ONU, ce ne soit pas seulement Washington — qui dénonce une décision ne servant que « la propagande du Hamas — et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou qui aient vu rouge.
Pour Jonathan Sacerdoti, ancien correspondant au Royaume-Uni pour la chaîne d’information continue i24news, Emmanuel Macron prend une décision hautement « insensée ». « Une reconnaissance immédiate d’un État palestinien serait non seulement prématurée, mais aussi dangereuse », met-il en garde. Selon lui, notre président vient de « tomber un piège ». Entretien.
L’Express : La décision française « récompense la terreur », a fustigé le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, après l’annonce d’Emmanuel Macron, en référence aux crimes du 7 octobre. Quelle lecture faites-vous de l’annonce du président français ?
Jonathan Sacerdoti : Je tends à partager la position de Netanyahou. Cette décision est de manière générale, extrêmement imprudente. On a d’un côté un territoire, Gaza, dirigé par un groupe terroriste qui a déclenché une guerre génocidaire d’une brutalité inouïe, et de l’autre, une ploutocratie corrompue en Cisjordanie, où les dernières élections remontent à vingt ans. Même ce que l’on appelle le camp modéré continue de verser des pensions à des personnes précisément parce qu’elles ont tué des juifs dans des attentats terroristes. Autrement dit, il n’existe à mes yeux aucun mouvement politique palestinien dominant qui incarne les responsabilités attendues d’un État digne de ce nom. Reconnaître un tel État revient donc, selon moi, à faire passer des pays comme la France pour naïfs, voire ridicules, en leur faisant reconnaître une entité qui ne manifeste aucun des comportements qu’on est en droit d’attendre d’un État. Et tout cela était déjà vrai avant cette date en 2023. Il faut alors se demander : pourquoi cette annonce maintenant ? Emmanuel Macron pense sans doute que cette reconnaissance est une réponse appropriée à la crise humanitaire à Gaza. Or, cette crise est la conséquence directe d’un acte de terrorisme atroce. C’est bien ce terrorisme qui en est la cause. Si la solution à deux États et la reconnaissance de la Palestine ne paraissaient pas envisageables il y a deux ans, qu’est-ce qui a changé depuis ? Rien, sinon cet acte terroriste monstrueux. On en vient donc à récompenser le terrorisme. Le signal envoyé aux Palestiniens est également très problématique : cela revient à leur dire que pour obtenir quelque chose, le meilleur moyen n’est pas la diplomatie — que l’Autorité palestinienne a pourtant essayée, sans succès — mais bien le recours au terrorisme. Ce sont des actes de violence extrême, des enlèvements, des prises d’otages, des viols et des meurtres qui les ont menés là où ils en sont aujourd’hui. Sous tous les angles, cette décision me semble incohérente sur le plan de la politique étrangère. Peut-être s’explique-t-elle par des considérations de politique intérieure, en cherchant à flatter un certain électorat. Mais même sur ce plan-là, je doute que cela fonctionne.
En septembre prochain, la France deviendra la première grande puissance d’Europe de l’Ouest – et le premier pays du G7 – à reconnaître l’existence d’un Etat palestinien. Selon vous, quelle trace cette décision laissera-t-elle dans le quinquennat Macron ?
Faible et insensée : c’est ainsi que, selon moi, l’Histoire retiendra cette décision. J’aborde cette question en tant qu’observateur extérieur, en tant qu’expert des affaires israéliennes dans une certaine mesure, et en tant que citoyen britannique. Macron tombe dans le même piège que de nombreux dirigeants au Royaume-Uni sont sur le point de reproduire : celui d’essayer de flatter ou de calmer un segment de la population nationale qu’ils redoutent profondément, qu’ils ne comprennent pas, et qu’ils ne savent absolument pas comment gérer. A mes yeux, Macron agit soit par ignorance, soit par lâcheté. Je ne vois pas en quoi cette politique pourrait être une réponse productive ou bénéfique, ni pour la France, ni pour la stabilité du Moyen-Orient.
Les pays reconnaissant l’Etat de Palestine
Il ne s’agit pas d’un jugement dirigé contre la France en particulier. Je tiendrais exactement le même discours à propos du Royaume-Uni. Quand nos gouvernements adoptent ce type de position alors même que l’administration américaine, de manière claire et répétée, affirme que cette voie est contre-productive, cela relève tout simplement de la folie, même sur le plan strictement national. Si la France et le Royaume-Uni veulent continuer à jouer un rôle positif au Moyen-Orient, à maintenir leur partenariat stratégique avec les États-Unis, et à œuvrer pour la stabilité régionale, ils doivent cesser de faire exactement l’inverse de ce que les Américains s’efforcent de construire, notamment en Israël et dans les territoires palestiniens. Quand un secrétaire d’Etat américain influent comme Marco Rubio prend publiquement la parole pour condamner cette décision, cela mérite d’être écouté avec attention. Cela ne signifie pas que tout ce que disent les Américains est forcément juste mais cela veut dire qu’aller à contre-courant de vos alliés stratégiques, sans coordination ni vision cohérente, affaiblit votre position à la fois chez vous et à l’international.
Le Premier ministre britannique Keir Starmer est soumis à des pressions pour reconnaître immédiatement l’État palestinien. Suivra-t-il l’exemple d’Emmanuel Macron ?
Il existe une possibilité inquiétante. Il subit des pressions, notamment de la part de son propre parti. La Commission des affaires étrangères du Parlement britannique, rappelons-le, est actuellement présidée par Emily Thornberry. Elle est connue pour ses positions virulentes sur Israël et il se murmure qu’elle a été frustrée de ne pas avoir été nommée ministre des Affaires étrangères après la victoire travailliste. Cette commission devient ainsi pour elle un levier politique, une manière de faire pression sur la direction du parti et en particulier sur Starmer.
Il ne faut pas oublier d’où vient le Parti travailliste. Il y a à peine quelques années, il était dirigé par Jeremy Corbyn, probablement le chef de parti le plus explicitement anti-israélien de l’histoire politique britannique contemporaine. Et pendant cette période, Keir Starmer siégeait à ses côtés, dans le cabinet fantôme, et demandait aux électeurs de voter pour lui. Certes, il s’est depuis détaché de Corbyn, allant jusqu’à l’exclure du parti. Mais une part importante de l’appareil travailliste, de ses cadres, de ses militants et même de ses députés restent fidèles à cette ligne politique. Ils le prouvent quotidiennement dans leurs déclarations et leurs positions concernant Israël.
En juin dernier, sous-entendant que la direction palestinienne actuelle n’a pas démontré une volonté réelle de paix, vous écriviez : « accorder la reconnaissance d’un État à l’actuelle direction palestinienne serait une faute morale et stratégique profonde. » Pourtant, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a officiellement condamné l’attaque du 7 octobre il y a quelques semaines et appelé à démanteler le Hamas…
Abbas n’est jamais cohérent dans ses prises de position. Dans le contexte actuel où Macron semble prêt à reconnaître l’État palestinien il est compréhensible qu’Abbas cherche, d’une certaine manière, à tirer profit de cette reconnaissance. Car si le Hamas peut dire à la population palestinienne : « Regardez ce qui nous a permis d’en arriver là – ce sont nos actions, pas celles du Fatah ou de l’Autorité palestinienne », cela mine profondément la légitimité de l’Autorité palestinienne, du Fatah et de Mahmoud Abbas aux yeux des Palestiniens ordinaires. Dans ce contexte, il est logique qu’Abbas tente de retrouver un certain niveau d’autorité, d’affaiblir le Hamas par ses condamnations et ses prises de position. Mais j’ai des doutes sur l’efficacité de cette stratégie. Tout le monde sait que si aucune élection n’a eu lieu depuis son accession au pouvoir, c’est parce qu’il les perdrait – tout comme le Fatah a perdu celles de Gaza après le désengagement israélien. Le Hamas les a remportées, puis a orchestré un coup d’État sanglant, éliminé ses opposants politiques, et pris le contrôle total.
En réalité, le « palestinisme » est un nationalisme artificiel
C’est exactement ce à quoi on peut s’attendre aujourd’hui dans les relations entre les différentes factions palestiniennes. Et c’est aussi, à mes yeux, une autre raison majeure pour laquelle reconnaître l’État palestinien est une idée absurde : il faut vraiment se demander ce que l’on reconnaît au juste, et à quoi ressemblerait concrètement cet État. Ce serait probablement un État voué à suivre le même chemin. Peut-être organiserait-il des élections un jour, et peut-être que le Hamas les gagnerait de nouveau. Le point essentiel, selon moi, c’est que si l’on choisit de reconnaître un Etat maintenant, il faut être prêt à en assumer les pires conséquences. Et ce scénario du pire, c’est un État terroriste, gouverné par le Hamas – non seulement à Gaza, mais aussi en Judée-Samarie, si on inclut ce territoire dans la reconnaissance d’un éventuel État palestinien. Au final, ce que l’on finirait par reconnaître, c’est un État terroriste. Et il y en a déjà bien assez au Moyen-Orient. Je ne vois pas pourquoi des pays occidentaux voudraient en créer un de plus.
Pourtant, le ministre des Affaires étrangères français Jean-Noël Barrot a posté sur X : « Le Hamas a toujours refusé la solution à deux États. En reconnaissant la Palestine, la France donne tort à ce mouvement terroriste. Elle donne raison au camp de la paix contre celui de la guerre ». Qu’en pensez-vous ?
Les actes doivent être en accord avec les paroles : c’est bien là le cœur de mon propos. Je ne comprends pas comment on peut prétendre s’opposer au Hamas tout en prenant des décisions qui, au fond, découlent directement de ses actions. Quelle que soit la justification avancée — qu’on dise que le 7 octobre a replacé la question palestinienne au centre de l’agenda international, alors qu’elle était en voie de marginalisation avec les accords d’Abraham, ou qu’on évoque la crise humanitaire à Gaza — ces circonstances ont été créées par le Hamas. C’est le Hamas qui est à l’origine de cette situation, en affamant délibérément sa propre population, en détournant l’aide humanitaire, en bloquant l’accès des civils palestiniens à la nourriture et aux médicaments. Il prend en otage la population de Gaza. Alors peu importe que la France affirme condamner ou rejeter le Hamas : dans les faits, ce n’est pas crédible. Ce qui importe vraiment, ce n’est pas ce que disent les diplomates français, mais ce que le Hamas peut dire, montrer et revendiquer devant les Palestiniens. Et ce qu’ils peuvent affirmer, c’est que c’est grâce à eux que ce résultat a été obtenu.
Mais l’absence d’un État palestinien n’a-t-elle pas justement favorisé l’émergence du Hamas ?
Je ne pense pas qu’il soit exact d’affirmer une telle chose. Le Hamas a été fondé en 1987 comme une branche des Frères musulmans, et à mon sens, il représente une expression claire de l’identité nationale palestinienne : une expression islamiste, là où le Fatah serait censé incarner une version plus séculière. À l’origine, les Frères musulmans, interdits en Égypte, ont trouvé un terrain favorable à Gaza. Ils y ont créé le Mujammah al-Islamiyyah, une structure civile qui s’est présentée comme un acteur du tissu social local — universités, œuvres caritatives, etc. Mais très vite, cette structure a évolué pour devenir le Hamas, un groupe armé et militant. Et dès le départ, c’était leur objectif assumé. Ce schéma suit en réalité le modèle plus large des Frères musulmans, tel que pensé par leur fondateur Hassan al-Banna : construire une infrastructure sociale et religieuse pour créer une communauté mobilisable, avant de l’engager dans le djihad. C’est pourquoi, selon moi, il est absurde d’affirmer que le Hamas serait simplement né des politiques israéliennes. Il est issu d’un courant particulier de pensée islamique – le djihadisme – que l’on retrouve dans plusieurs régions du monde. L’extrémisme islamiste, que certains considèrent comme une déviation de l’islam et d’autres comme une de ses expressions radicales, vise à reconquérir les territoires autrefois sous domination musulmane, perçus comme appartenant au Dar al-Islam (NDLR : « territoire de l’islam »). Israël en fait naturellement partie, au même titre d’autres régions de l’ancien monde islamique. Autrement dit, cela dépasse largement la question juive ou la question israélienne : c’est une affaire d’expansionnisme idéologique et de conquête. C’est dans cette logique que s’inscrit la création du Hamas.
Cela étant dit, on peut certes admettre que certaines décisions israéliennes, plus récentes, ont pu renforcer le Hamas. La politique de Benyamin Netanyahou, notamment, a été accusée d’avoir favorisé ce groupe indirectement. Il a permis que des fonds qataris transitent par le Hamas, prétendument pour acheter le calme à Gaza. Certains y ont vu une manœuvre cynique : diviser politiquement les Palestiniens, en maintenant une opposition entre le Hamas et l’Autorité palestinienne, et ainsi rendre impossible la création d’un État unifié. Et il est possible que ces deux intentions — maintenir le calme à court terme et fracturer durablement le camp palestinien — aient coexisté. Mais dans tous les cas, cela n’a fait qu’accentuer des divisions déjà profondément ancrées dans la société palestinienne.
En réalité, le « palestinisme » — si l’on peut dire ainsi — est un nationalisme artificiel. L’idée d’un peuple palestinien uni, au sens plein et structuré du terme, est une construction récente. Il s’est défini dans l’existence davantage par opposition que par cohésion interne. Le nationalisme palestinien est fragmenté et conflictuel : il ne repose pas sur les bases classiques d’un État-nation. C’est, à mes yeux, une autre raison majeure pour laquelle la reconnaissance d’un État palestinien est une idée erronée. Je comprends que Macron, que les Britanniques, les Américains ou même certains Israéliens aient pu vouloir cette solution. Mais ces volontés extérieures, aussi sincères soient-elles, ne suffisent pas. La seule chose qui compte vraiment, c’est ce que veulent les Palestiniens eux-mêmes. Et, à ce jour, je n’ai jamais vu émerger un mouvement politique palestinien dominant qui ait exprimé une volonté réelle, cohérente et durable de construire un État vivant en paix aux côtés d’Israël. Au mieux, on peut évoquer Mahmoud Abbas. Mais lui-même, comme Arafat avant lui, a rejeté toutes les offres concrètes de création d’un État. Et lorsqu’il a affirmé il y a une dizaine d’années vouloir une reconnaissance de la Palestine à l’ONU, ce n’était pas pour régler le conflit, mais pour l’internationaliser. Il cherchait à le transférer sur la scène diplomatique mondiale, non à en sortir. Autrement dit, même dans ce cas-là, l’objectif n’était pas de créer un Etat pour construire une paix, mais pour prolonger la lutte contre Israël sous une autre forme. L’idée d’un État palestinien coexistant pacifiquement avec Israël est une belle utopie pour la France, pour une partie de la communauté internationale, et même pour certains Israéliens. Mais à mes yeux, ce n’est qu’un fantasme. Un fantasme qui a été tragiquement démenti par les attaques du 7 octobre, si ce n’était pas déjà le cas auparavant.
Si vous ne croyez pas à une solution à deux Etats, quelle autre option reste-t-il ?
C’est une excellente question — et, honnêtement, je ne suis pas certain qu’il existe aujourd’hui une solution raisonnable. En revanche, je vois quelques étapes nécessaires pour s’en rapprocher. Si l’on part du but à atteindre, quel est-il ? C’est la fin de la violence. La fin des meurtres. La fin du terrorisme, des représailles militaires, de la peur, des sirènes, des roquettes. C’est la sécurité pour les deux peuples. Selon moi, cela passe par trois étapes fondamentales. La première, c’est la démilitarisation complète des Palestiniens. Tant que des groupes armés opèrent librement à Gaza et en Cisjordanie, aucun cadre politique stable n’est envisageable.
Une reconnaissance immédiate d’un État palestinien est non seulement prématurée, mais dangereuse
La deuxième, c’est la déradicalisation : un chantier de longue haleine, qui doit impérativement passer par une refonte en profondeur du système éducatif. Ce que nous avons vu le 7 octobre n’est pas né de rien. C’est le fruit d’un conditionnement idéologique entamé dès la petite enfance, dans des écoles qui glorifient le djihad, diabolisent l’autre, et présentent le martyre comme un idéal. Une génération entière a été élevée dans cette culture du rejet et de la haine, depuis le retrait israélien de Gaza. Cela doit cesser et cela prendra du temps. C’est pourquoi je considère qu’une reconnaissance immédiate d’un État palestinien est non seulement prématurée, mais dangereuse. On ne peut pas attendre d’une population radicalisée depuis sa naissance sous un régime tyrannique et djihadiste qu’elle se transforme du jour au lendemain en société civile prête à assumer les responsabilités d’un État. Une fois la déradicalisation et la démilitarisation amorcées, pourra alors commencer le long processus d’acquisition progressive des responsabilités étatiques. Pas seulement le pouvoir, mais les devoirs. La gouvernance. Le fonctionnement des services publics. La gestion des ressources. La responsabilité de son propre peuple. Et peu importe comment on appellera ce cadre à terme, cela n’a d’importance que si les conditions sont réunies pour que cela fonctionne. Or, jusqu’à présent, les dirigeants palestiniens n’ont manifesté d’intérêt que pour les attributs de l’État qui renforcent leur pouvoir ou leur capacité de confrontation, mais jamais pour ceux qui exigent une vraie responsabilité. La gestion des ordures, la santé publique, l’éducation, la justice, cela ne les intéresse pas.
Plusieurs pays européens, dont l’Espagne, l’Irlande, la Norvège et la Slovénie, ont reconnu la Palestine avant la France. À ce jour, plus de 140 des 193 États membres de l’ONU l’ont déjà fait, et d’autres pourraient suivre. La politique radicale et inflexible de Benyamin Netanyahou ne contribue-t-elle pas, paradoxalement, à accélérer ce mouvement de reconnaissance ?
Je peux comprendre qu’on considère que Netanyahou porte une part de responsabilité. Au bout du compte, ce qui s’est produit le 7 octobre 2023 résulte aussi, en partie, des actions ou des inactions du gouvernement israélien, des services de renseignement, de l’armée, et de toutes les institutions responsables de la sécurité de l’État d’Israël. Il y a clairement eu un échec majeur, et il faut en assumer la responsabilité. Cela ne retire rien à la culpabilité des Palestiniens qui ont commis ces atrocités. Mais on ne peut ignorer que l’État d’Israël, dans ses fonctions régaliennes, a failli de manière spectaculaire ce jour-là. Si, par conséquent, le 7 octobre a ouvert une nouvelle phase d’hostilité internationale à l’égard d’Israël, a alimenté une vague d’antisémitisme, et a paradoxalement renforcé la cause palestinienne, alors oui — il est raisonnable de dire que Netanyahou en est au moins partiellement responsable. Et il est d’autant plus difficile d’en juger avec précision qu’à ce jour, nous n’avons pas encore bénéficié d’une enquête complète, ni reçu d’explication claire sur ce qui s’est passé exactement : qui savait quoi, quelles alertes ont été ignorées, quelles décisions ont été prises ou non.
Mais même sans connaissance directe ou intentionnelle, il reste responsable en tant que Premier ministre. Il était à la tête de l’État pendant la grande majorité des années qui ont précédé le 7 octobre. Il en porte donc, au minimum, la responsabilité institutionnelle. Cela dit, je tiens à nuancer ce propos. Si l’on estime qu’il doit être tenu comptable des conséquences négatives de sa gouvernance, alors il faut aussi reconnaître les éléments positifs, comme par exemple, le fait qu’aucun Etat palestinien n’ait vu le jour pendant son mandat. Car je ne crois pas qu’un tel État aurait été viable, ni pour Israël, ni même pour les Palestiniens eux-mêmes. Il a également dirigé Israël à travers des périodes de relations complexes avec les États-Unis — notamment durant les huit années de présidence Obama et les quatre années de l’administration Biden — au cours desquelles le soutien américain à Israël a été perçu comme moins solide qu’auparavant. Et malgré cela, il a maintenu une certaine continuité stratégique et diplomatique. Le bilan n’est pas exempt de critiques, mais il est loin d’être univoque. Il y a, dans son héritage politique, des erreurs manifestes, mais aussi des réussites significatives.
Source link : https://www.lexpress.fr/idees-et-debats/jonathan-sacerdoti-the-spectator-macron-et-la-palestine-il-faut-etre-pret-a-en-assumer-les-pires-CUPLLBX7GBA4NKOEIGRDDK35RY/
Author : Laurent Berbon
Publish date : 2025-07-26 05:45:00
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