La rencontre était très attendue. A l’heure où la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne menacent de rétablir de sévères sanctions contre Téhéran, une délégation iranienne a retrouvé vendredi 23 juillet à Istanbul des émissaires des trois puissances européennes pour reprendre les pourparlers sur le programme nucléaire iranien. « Nous avons eu une discussion sérieuse, franche et approfondie (avec les trois pays européens) », a indiqué le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Kazem Gharibabadi. « Il a été convenu de poursuivre les consultations », a ajouté le diplomate.
Des diplomates européens ont commencé les discussions avec un représentant iranien, dans l’espoir de relancer les négociations sur la limitation ou l’élimination du programme d’enrichissement nucléaire de l’Iran. La France, l’Angleterre et l’Allemagne exhortent Téhéran à dialoguer à nouveau avec Washington sur son programme nucléaire, le pressant notamment de prendre des mesures concrètes pour restaurer la confiance internationale quant à la nature purement civile de ses activités d’enrichissement d’uranium.
Cette réunion est la première depuis l’attaque israélienne à la mi-juin contre des sites nucléaires et militaires clés en Iran, qui a déclenché une guerre de 12 jours entre les deux rivaux. Les Etats-Unis s’étaient joints à l’offensive de leur allié israélien, en frappant trois sites nucléaires dans la nuit du 21 au 22 juin.
Menace de rétablissement des sanctions
L’Iran avait interrompu des négociations naissantes avec les États-Unis après qu’Israël a lancé son attaque, qui a endommagé les installations nucléaires et d’autres infrastructures dans le pays. Si l’Iran persiste dans son isolement, les Européens affirment qu’ils lanceront une procédure pour rétablir les sanctions sévères des Nations Unies et multilatérales contre l’Iran, suspendues en vertu d’un accord historique de 2015.
Ce dernier prévoyait d’importantes restrictions au programme nucléaire iranien, en échange d’une levée progressive des sanctions économiques et diplomatiques de l’ONU, qui isolait le pays sur la scène internationale. Or, les Etats-Unis se sont retirés unilatéralement de ce texte lors du premier mandat de Donald Trump (2017-2021), en réimposant les sanctions contre l’Iran. Paris, Londres et Berlin avaient alors assuré leur attachement à l’accord de 2015, affirmant vouloir poursuivre les échanges commerciaux avec Téhéran. Les sanctions onusiennes et européennes n’ont donc pas été rétablies. A ce jour, ils accusent toutefois Téhéran de ne pas avoir respecté ses engagements, ce qui pourrait activer une clause dite « snapback », un mécanisme inclu dans l’accord de 2015, qui permet aux parties d’imposer des sanctions à l’Iran avant l’expiration de l’accord, fin octobre 2025, en cas de violation de ses termes.
Les résultats de la réunion de vendredi sont incertains, mais l’échéance d’octobre plane au-dessus des négociations. Les Européens ont déclaré qu’ils prendraient des mesures pour rétablir les sanctions d’ici à l’automne si l’Iran n’affichait pas un effort sérieux de parvenir à un nouvel accord.
Une source européenne a indiqué que « l’inaction des E3 (Allemagne, France, Royaume-Uni) n’est pas une option » face à l’Iran. La réunion a été l’occasion de rappeler Téhéran à l’ordre, lui rappelant que la fenêtre pour un retour à la normale se refermerait à l’automne.
L’Iran n’abandonne pas son programme nucléaire
Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Kazem Gharibabadi, qui a participé aux pourparlers d’Istanbul, a qualifié mardi de « totalement illégal » un recours à ce mécanisme de « snapback », accusant à son tour les puissances européennes d’avoir « mis fin à leurs engagements » après le retrait des États-Unis de l’accord en 2018. « Nous les avons avertis des risques, mais nous cherchons toujours un terrain d’entente », a ajouté Kazem Gharibabadi.
En réponse aux pressions européennes de rétablir les sanctions, Téhéran a notamment menacé de se retirer du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) – qui fait obligation aux Etats signataires de déclarer leurs matières nucléaires à l’Agence internationale de l’énergie nucléaire (AIEA). Ce traité garantirait l’usage pacifique de l’énergie atomique si les sanctions de l’ONU sont réimposées.
L’Iran veut cependant éviter le scénario d’un retour des sanctions, qui accentuerait son isolement international et la pression sur son économie déjà fragilisée. Il a toutefois suspendu toute coopération avec l’AIEA début juillet, lui attribuant une part de responsabilité dans le déclenchement des frappes israéliennes et américaines. L’agence avait notamment averti que l’Iran est l’unique pays non doté de l’arme nucléaire à enrichir de l’uranium à un niveau élevé (60 %), bien au-delà de la limite de 3,67 % fixée par l’accord international conclu en 2015 avec les grandes puissances.
Après la guerre de 12 jours, l’Iran avait réaffirmé qu’il ne renoncerait pas à son programme nucléaire, qualifié par le ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi de « fierté nationale ». Téhéran a régulièrement affirmé qu’il ne cherchait pas à se doter d’armes nucléaires, mais qu’il ne cesserait pas l’enrichissement, comme il en a le droit légal en vertu du TNP, et qu’il accepterait des limites strictes à cet enrichissement, telles que celles prévues dans l’accord de 2015. « Il était important qu’ils (les Européens) sachent que les positions de l’Iran demeurent inébranlables et que notre enrichissement se poursuivra », a encore souligné Abbas Araghchi ce jeudi. Le ministre a tout de même souligné que l’enrichissement était actuellement « à l’arrêt » en raison des dommages « graves et sévères » causés aux installations nucléaires par les frappes américaines et israéliennes.
La position entravante des Etats-Unis
Les Etats-Unis et l’Iran restent profondément divisés sur la question de l’enrichissement de l’uranium : Téhéran le considère comme un droit « non négociable » afin de développer un programme nucléaire civil, tandis que Washington s’y opposent catégoriquement. Les tensions s’intensifient depuis des mois, l’Iran refusant de céder à la demande américaine d’abandonner totalement l’enrichissement d’uranium.
De plus, Israël et les États-Unis se sont déclarés prêts à bombarder à nouveau l’Iran pour l’empêcher de fabriquer l’arme nucléaire, rapporte le New York Times. Cette menace pèse lourd contre les négociations avec les pays européens, qui espèrent conclure un nouvel accord et prolonger le délai de rétablissement des sanctions.
Une telle prolongation nécessiterait pourtant l’accord de tous les membres du Conseil de sécurité, y compris les États-Unis. Une éventualité difficile à obtenir, étant donné la profonde méfiance de l’administration Trump envers Téhéran, note le journal.
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Publish date : 2025-07-25 15:39:00
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