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Un effet « Léon Marchand » après les JO de Paris ? Pourquoi la France cherche encore ses nageurs

Un effet « Léon Marchand » après les JO de Paris ? Pourquoi la France cherche encore ses nageurs


Ce mercredi 30 juillet, la vedette des bassins va faire son retour en compétition internationale. Un an après les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, Léon Marchand va concourir lors des Championnats du monde de natation organisés à Singapour. Initialement aligné sur quatre épreuves individuelles, il concourra finalement dans deux épreuves. Il y a un an presque jour pour jour, il avait fait vibrer le public français en remportant quatre médailles d’or individuelles, un exploit que seuls trois autres nageurs ont égalé lors d’une olympiade. Toutes disciplines confondues, aucun autre athlète français n’a par ailleurs obtenu autant de titres olympiques lors de la même édition des JO.

Avec un tel palmarès, on n’aurait pu s’attendre à ce qu’une vague de nouveaux adeptes de la natation déferle dans les bassins français. Traditionnellement en effet, les Jeux olympiques et paralympiques créent une émulation, notamment dans les disciplines où des Français ont brillé. Cette année, c’est notamment le cas du tennis de table, stimulé par la médiatisation des frères Lebrun. L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) recense ainsi une augmentation sans précédent du nombre de licences émises par la fédération française de tennis de table : + 23 % environ. Pourtant, la Fédération française de natation, elle, cherche encore son « effet Léon Marchand ».

Les premières estimations de l’INJEP laisse penser qu’il n’y a pas eu « d’effet Léon Marchand » important sur les prises de licences.

Effectivement, le nombre de licences émises par la FFN cette saison n’aurait augmenté que de 2,14 % d’après les données provisoires confiées par l’organisation. Une hausse légèrement en dessous de celle du nombre total de licences sportives annuelles émises pour la saison 2024-2025 (2,5 % selon une estimation de l’INJEP).

« Attention à ne pas trop vouloir personnifier ce phénomène, suggère Clément Anne, scientifique au sein de cet institut, prendre une licence de sport dépasse souvent le simple fait de s’identifier à un athlète. » En l’occurrence, ce spécialiste des données souligne qu’il existe « un degré de familiarité plus important pour le tennis de table, qui peut être pratiqué facilement sous la forme de loisirs et dans la sphère privée. »

Un deuxième biais peut exister, statistique cette fois : avant les Jeux, le nombre de sportifs détenant une licence de la FFN était deux fois plus important que celui de la FFTT. En valeur absolue, il est donc normale que cette dernière connaisse une hausse supérieure à 20 %. « De toute manière, c’est plus facile pour une municipalité ou club d’investir dans une table de ping-pong supplémentaire que dans la création d’un nouveau bassin », soulève Clément Anne. Et c’est bien là que se situe tout le problème.

Besoin d’investissements

A la veille des Jeux olympiques de Paris 2024, les organisateurs se sont largement félicités de l’héritage que l’évènement laisserait à la Seine-Saint-Denis en termes d’infrastructures – et de bassins de natation tout particulièrement. Laurent Ciubini, l’actuel directeur général de la FFN rappelle qu’historiquement, le département francilien était très en retard. « Avec les Jeux, l’ouverture du Centre aquatique olympique et des anciens sites d’entraînement, on a rattrapé ce retard », se félicite-t-il tout en déplorant « un vieillissement global du parc aquatique français.

La FFN est une des plus grandes fédérations sportives de France. Elle est très féminisée et très jeune.

Aujourd’hui, il est à la tête d’une fédération de plus de 400 000 licenciés, soit deux fois plus qu’au début des années 2000. Plus de la moitié de ces sportifs sont âgés de moins de 13 ans et ils pratiquent pour l’essentiel la natation en bassin. La fédération possède également des licenciés pour la course en eau libre (30 000 licences), le waterpolo (12 000 licences), la natation artistique (20 000 licences) et le plongeon (500 licences). Ces cinq disciplines font aujourd’hui face à des problèmes de saturation. « Ce qu’on n’arrive pas à quantifier parce qu’on n’a pas assez de données, déplore Laurent Ciubini, c’est le nombre de personnes qui ont été refusées par un club. En revanche, on sait que ça arrive fréquemment : de nombreux clubs sont saturés en termes de possibilité d’accueil des nageurs. » En septembre, juste après les Jeux, la FFN a connu une hausse rapide des inscriptions, « comme si plus de nageurs avaient anticipé cette saturation », note le directeur de la fédération. Résultat : les clubs se sont remplis plus vite que d’habitude. Mais en parallèle, le nombre de piscines n’augmente pas, au contraire.

D’année en année, le nombre de bassins s’amenuise en France : de 4135 piscines publiques en 2008, il n’y en aurait plus que 3800 d’après les chiffres de la FFN. Une tendance qu’on retrouve aussi dans les pays voisins : au Royaume-Uni, le nombre de piscines a baissé de 4 % entre 2009 et 2019 et pourrait même être divisé par trois d’ici 2049. Si on ne prend en compte que la superficie des bassins, les nageurs français semblent mieux lotis que les nageurs britanniques, mais « les piscines sont plus petites et plus nombreuses » souligne la FFN, ce qui permet une meilleure répartition des installations sur le territoire.

Autre caractéristique du parc aquatique français : sa vétusté. En analysant les 3400 bassins dont la date de construction est précisée dans le recensement des équipements sportifs, on s’aperçoit que plus d’une piscine publique sur deux a été construite avant 1995. La banque des territoires évoque même un chiffre de 70 %. Une grande partie d’entre elles datent même des années 1970 et de « l’opération 1000 piscines » lancée après les Jeux olympiques de 1968 où la France n’a remporté qu’une seule médaille – en bronze – dans les épreuves aquatiques. Par ailleurs, l’entretien des piscines publiques est un véritable gouffre financier pour les collectivités locales. Et le prix des entrées suffit rarement à compenser ces coûts. D’après l’Ademe, la facture énergétique d’une structure aquatique peut parfois atteindre jusqu’à 40 % des dépenses d’électricité totales d’un regroupement de communes.

Au moins la moitié des piscines françaises a plus de 30 ans.

Aujourd’hui, la FFN réclame l’adoption d’un nouveau « plan piscines » et défend la construction d’équipements de proximité plus nombreux, plus compacts et moins coûteux à entretenir auprès du ministère des Sports. « Sans grand plan national, le parc va continuer à se détériorer et on ne réglera pas le problème », remarque ainsi Laurent Ciubini qui aime rappeler que la natation est un sport que les Français plébiscitent de plus en plus, y compris hors du circuit compétitif. Selon lui, ses licenciés ne représentent pas plus d’un dixième du nombre de Français qui nagent régulièrement. Clément Anne, le scientifique de l’INJEP abonde : « La natation, comme le vélo ou la course à pied, c’est finalement un sport assez peu institutionnalisé. La majorité des sportifs la pratiquent en dehors du cadre fédéral. » Dans ces conditions, rien ne dit que « l’effet Léon Marchand » n’existe pas. Contrairement au nombre de breloques au palmarès du nageur, il est peut-être tout simplement inquantifiable…



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Author : Mathias Penguilly

Publish date : 2025-07-29 14:00:00

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