Patti chjari amici cari. Les choses claires font les bons amis, dit le proverbe corse. A défaut de clarté, il n’est pas sûr que le projet de loi sur la Corse, présenté en Conseil des ministres le 30 juillet, renforce l’amitié entre les élus locaux corses et le Conseil d’Etat, ou même entre les parlementaires au sein du socle commun, en particulier au Sénat, où atterrira le texte au mois d’octobre.
Difficile d’en vouloir au Conseil d’Etat. D’abord parce qu’il n’a fait qu’exercer son métier. Sollicitée pour examiner le « projet de loi constitutionnelle pour une Corse autonome au sein de la République », l’institution du Palais-Royal a dit le droit. Or, en droit constitutionnel, le fameux terme de « communauté », auquel le texte fait référence, n’existe pas, ont expliqué les juristes dans leur avis du 17 juillet. « La Corse pour le moment est une collectivité française de la République », insiste un juriste, qui poursuit : « Quand un Hongrois arrive à Bastia pour ouvrir une épicerie, quel est son statut ? Est-ce qu’il est membre de cette communauté ? La réponse des traités européens est très claire : l’épicier hongrois a les mêmes droits que les autres. »
Un côté très olé olé sur le plan juridique
A croire que les séances nocturnes de brainstorming à Beauvau ont fini par accoucher début mars d’une copie votée à la quasi-unanimité des représentants corses, en dépit (ou à cause de) son côté très olé olé sur le plan juridique.
Qu’importe si personne n’est capable de définir le terme de communauté : aux yeux du gouvernement, l’essentiel est là et la promesse faite par le chef de l’Etat d’aboutir à un nouveau statut juridique pour la Corse est enfin tenue. Dans ces conditions, à quoi bon tenir compte de l’avis -uniquement consultatif- du Conseil d’Etat ? Le gouvernement a donc décidé de passer outre, refusant de revoir son texte. Quant au rapport réalisé par des sénateurs au sein de la mission d’information sur l’évolution institutionnelle de la Corse, il a purement et simplement été rejeté en mars dernier, après un lobbying très intense : une première dans l’histoire du Sénat. Dommage, car le document de 177 pages résume parfaitement la situation compliquée sur le plan économique et social du territoire, et insiste sur des solutions plus adaptées pour mettre en œuvre l’autonomie.
Mais la réalité des chiffres et du droit pèse peu, au regard des attentes politiques. Qu’importe si le fameux projet de loi ouvre une boîte de Pandore, avec un risque d’effet de dominos sur les autres régions. « Attention au doigt qu’on met dans l’engrenage », prévient la sénatrice (LR) des Pyrénées-Orientales Lauriane Josende, auteure du rapport rejeté.
La suite, elle, est déjà écrite. En octobre, le projet de loi arrivera au Sénat puis à l’Assemblée nationale : les deux chambres doivent l’adopter dans les mêmes termes, à la virgule près. Suivra la réunion du Congrès à Versailles, avec une nécessaire majorité des trois cinquièmes pour adopter le texte. Autant dire mission impossible, au regard du cirque politique actuel. Alors, pourquoi l’exécutif s’entête-t-il ? Sans doute parce qu’il connaît déjà le résultat, mais pourra en rejeter la faute sur les parlementaires à qui il vient de refiler la patate chaude…
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Author : Eric Chol
Publish date : 2025-08-06 11:00:00
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