Une fréquentabilité à géométrie variable. Voilà le drôle de cadeau que Marine Le Pen a reçu pour son anniversaire, ce 5 août. On avait quitté le Rassemblement national aux élections législatives du mois de juin 2024, à nouveau confronté au barrage républicain, preuve que le cordon sanitaire, que les frontistes croyaient enterré, résistait encore. La réticence des politiques et dirigeants d’entreprise à rencontrer des émissaires lepénistes au grand jour en est toujours le stigmate persistant. « On sent une évolution, notamment au niveau local, avec les notables de nos circonscriptions, parce que nous sommes présents et faisons un travail de terrain, abonde un élu RN, mais l’époque où nous serons traités en partie comme les autres à l’échelle nationale n’est pas encore d’actualité. »
Récemment, c’est sous le patronage d’un nouveau saint que le parti d’extrême droite a reçu un nouveau brevet en fréquentabilité. Un saint venu de la droite et ancien président de la République. Début juillet, Nicolas Sarkozy a donc reçu le président du RN, Jordan Bardella, dans son bureau parisien de la rue du Miromesnil pendant plus d’une heure. Celui-ci avait apprécié les clins d’œil répétés que lui avait adressés l’eurodéputé, notamment lorsqu’il s’était dit « choqué » que l’on retire sa légion d’honneur à l’ancien chef de l’État après sa condamnation définitive dans l’affaire des écoutes. « C’est surtout une discussion sur les relations humaines plutôt qu’un rendez-vous politique », avait alors assuré l’entourage de Nicolas Sarkozy au Parisien. Jusqu’alors, ce dernier, s’il avait tenu des propos élogieux envers le chef frontiste, n’avait jamais passé le cap de la rencontre, malgré les appels du pied successifs de ce dernier.
Les conseils de Nicolas Sarkozy
Au RN, Nicolas Sarkozy entretient déjà des relations avec Sébastien Chenu, député et vice-président du parti venu de l’UMP, avec qui il échange régulièrement. Il a d’ailleurs reçu l’élu au mois de juillet, peu de temps après Jordan Bardella. Cette fois, pendant plus d’une heure d’entretien, les deux hommes ont évoqué la situation politique du pays et l’hypothèse d’une dissolution à venir, qui entraînerait des élections législatives anticipées.
« Vous ne devez pas avoir peur de ces élections anticipées, a sermonné l’ancien chef de l’Etat. Dans tous les cas, si vous arrivez au pouvoir, vous serez obligés de démontrer ce que vous savez faire, donc c’est effectivement une prise de risque. Mais, parallèlement, vous ne pourrez pas arriver au pouvoir tant que vous n’aurez pas prouvé que vous êtes capables de gagner une élection à deux tours et de gouverner. Vous devez revendiquer le pouvoir, et le plus tôt possible. Car vous voir aux responsabilités dans les mairies vous crédibilise, mais ne pas vous voir aux responsabilités au niveau national creuse les interrogations des Français sur vos compétences. » Si Nicolas Sarkozy « en veut encore à Marine Le Pen de ne pas avoir appelé à voter pour lui en 2012 », sa rancœur ne l’empêche pas de distiller quelques conseils.
Et le coup de main pour les appliquer pourrait bien venir d’un allié inattendu. Un changement de pied du groupe Ensemble pour la République (EPR) présidé par Gabriel Attal qui, selon les informations de Politico, considère désormais qu’empêcher les députés d’extrême droite d’accéder aux postes clés de l’Assemblée nationale – et donc de favoriser la présence d’élus insoumis et écologistes au bureau de l’institution – était une erreur. La répartition des postes, prévue pour la rentrée de septembre, devrait donc permettre aux lepénistes de retrouver des responsabilités dans les instances de la chambre basse.
Une nouvelle étape ?
Les frontistes, eux, se félicitent du revirement du bloc central. « C’est une bonne nouvelle, commente Sébastien Chenu, un temps vice-président de l’Assemblée nationale. Le bloc central réalise que ça ne lui a pas apporté grand-chose de nous rejeter des institutions, surtout après nous y avoir fait rentrer une première fois. Après une année de crispation, on arrive de nouveau vers quelque chose de plus représentatif. »
Surtout, pour les élus RN, cette succession de signaux faibles, permet d’espérer que de nouvelles étapes pourront être franchies dans la course du parti vers l’institutionnalisation. « Ce sont d’autant plus d’arguments pour montrer que la diabolisation est un fantasme dans la tête d’adversaires politiques de mauvaise foi, veut croire un député. Et que nous combattre sur la forme en nous isolant, plutôt que de nous combattre sur le fond, crée le phénomène inverse, et nous renforce plutôt que de nous affaiblir. »
Dans les rangs lepénistes, on rêve toujours de la disparition définitive du barrage républicain, qui a pourtant empêché le RN de l’emporter aux élections législatives de 2024. Certains se montrent moins optimistes. « Croire que le barrage républicain est mort est une énorme erreur, tempère une députée RN. On l’a cru à plusieurs reprises et il a toujours ressuscité. Je suis certaine qu’on devra encore l’affronter pendant de longues années. » En attendant, les frontistes pourront toujours profiter des vice-présidences de l’Assemblée.
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Author : Marylou Magal
Publish date : 2025-08-06 15:59:00
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