Imaginez que dans les années qui viennent, la France ne fasse plus d’effort pour réduire ses émissions de CO2 et que pour se justifier, elle explique dans sa future Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), que la menace climatique est exagérée et que le réchauffement climatique pourrait même profiter à l’agriculture. Impensable ! Aux États-Unis pourtant, ce cauchemar écologique devient réalité. Fin juillet, le département américain de l’énergie a publié un rapport extrêmement partisan. Un pavé de 150 pages qui va à l’encontre de plusieurs décennies de recherche sur le climat. Selon ce document, les risques liés au changement climatique seraient exagérés, l’origine humaine du réchauffement pourrait être contestée par des causes naturelles, les réglementations agressives concernant les émissions des véhicules seraient « incapables de remédier aux dangers climatiques présumés pour le public américain »…
« Rien ne va dans ce document », réagit le physicien-climatologue François-Marie Bréon. « Il s’agit d’un vrai torchon », s’emporte un spécialiste du climat souhaitant conserver l’anonymat. Michael Mann, professeur émérite de sciences de la Terre et de l’environnement à l’université de Pennsylvanie, confie à un journaliste d’Inside Climate News : « Depuis Staline et le lysenkisme soviétique (NDLR : qui avaient érigé en doctrine nationale les idées fumeuses de Trofim Lyssenko pour sauver la Russie de la famine) nous n’avons jamais vu une tentative aussi effrontée de déformer la science au service d’un programme idéologique » !
Des idées en dehors du consensus
Pour rédiger ce brûlot, le secrétaire américain à l’énergie Chris Wright n’a pas fait appel à n’importe qui. Les cinq auteurs – John Christy, Judith Curry, Steven Koonin, Ross McKitrick et Roy Spencer – sont tous réputés pour leurs positions controversées. « Trois d’entre eux travaillent comme climatologues mais en raison des thèses à contre-courant qu’ils défendent, ils représentent une frange minime du monde scientifique », avertit François-Marie Bréon. En d’autres termes, Chris Wright a délibérément ignoré le consensus scientifique.
« Ce rapport fait preuve d’une grande hypocrisie », souligne un expert du climat. Il met l’accent sur certains faits en oubliant volontairement la situation globale. « Par exemple, un graphique montre l’augmentation des températures dans la ceinture de maïs (Corn Belt) aux États-Unis. On voit que pour cette région, les modèles du climat anticipent une augmentation de la température plus élevée que celle observée. Cela laisse penser que les modèles surestiment systématiquement l’augmentation des températures. Sauf que ce que l’on observe dans cette partie des Etats-Unis reste une exception », souligne François-Marie Bréon.
Les auteurs utilisent la même méthode pour discréditer l’élévation du niveau des mers. « Ils s’appuient sur les données de quelques stations côtières, oubliant de dire qu’avec l’observation spatiale par satellite, on sait depuis une trentaine d’années de manière sûre qu’il y a une augmentation en cours du niveau des mers et que le phénomène s’accélère », confie François-Marie Bréon.
D’autres travaux, non polémiques ceux-là, sont bien mentionnés dans le document du DoE. « Cependant, plusieurs auteurs ont pris récemment la parole dans les médias, estimant qu’ils étaient cités de manière trompeuse. Le rapport ne saurait donc être considéré comme un document scientifique », insiste un climatologue français. Son but semble surtout de présenter la lutte contre les émissions de CO2 comme quelque chose d’inutile afin de faciliter la mise en place de réglementations plus permissives.
Gare à l’effet tache d’huile
La publication du rapport intervient d’ailleurs quelques heures à peine après que Lee Zeldin, l’administrateur de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), a annoncé sa volonté de révoquer le « constat de mise en danger » (Endangerment Finding) établi en 2009. Celui-ci acte noir sur blanc le caractère dangereux des principaux gaz à effet de serre pour « la santé publique et le bien-être des générations présentes et futures ». Toute tentative de détricotage sera contestée devant les tribunaux. Mais elle pourrait ouvrir la porte à un affaiblissement des réglementations sur le méthane ou les moteurs thermiques des voitures.
Lee Zeldin anticipe déjà de la « plus grande mesure de déréglementation de l’histoire des États-Unis ». « Si les Etats-Unis appliquent leur politique, il y aura d’énormes conséquences pour l’ensemble du monde, contrairement à ce que prétend le DoE », s’inquiète un expert.
La lutte contre le changement climatique doit rester un effort collectif. Si l’Amérique laisse filer ses émissions de CO2, d’autres pays seront tentés de faire la même chose. Un autre spécialiste du réchauffement s’inquiète. « Je me demande ce que donnera le futur rapport officiel sur l’état du climat aux Etats-Unis. Les précédents rapports du GIEC l’utilisaient parce que jusqu’à présent, il s’agissait d’une littérature sérieuse. Mais comment va-t-on faire si on ne peut plus se fier aux documents officiels ? »
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Author : Sébastien Julian
Publish date : 2025-08-08 05:45:00
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