La décision des Sages est tombée. Jeudi 7 août, le Conseil constitutionnel a partiellement censuré la loi Duplomb, adoptée le mois dernier par les parlementaires. La mesure-phare du texte, réintroduisant à titre dérogatoire l’utilisation de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis 2018, mais toujours autorisé dans les autres pays européens. L’institution a jugé que cette disposition était contraire à la Charte de l’environnement. Le retour de cette substance était entre autres réclamé par les producteurs de betteraves, qui y voyaient une solution pour lutter contre la jaunisse touchant leurs plantations.
Initialement divisée sur la proposition de loi, portée par le sénateur LR Laurent Duplomb et soutenue par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, la classe politique a alterné entre soulagement et réprobation de la décision du Conseil constitutionnel. Après le vote du texte début juillet, une pétition déposée par une étudiante sur le site de l’Assemblée nationale contre le texte avait connu un fort succès. Le document a aujourd’hui été signé par plus de 2,1 millions de personnes. Mais maintenant que la censure partielle a été prononcée, que va-t-il désormais se passer pour la loi Duplomb ?
Que reste-t-il de la loi Duplomb ?
Certes, la réintroduction de l’acétamipride, prévue dans l’article 2 du texte, passe donc à la trappe après la décision du Conseil constitutionnel. Mais la juridiction a en revanche autorisé toutes les autres dispositions de la loi du sénateur de la Haute-Loire sur lesquelles elle avait été saisie. C’est le cas de l’article 1er, qui réautorise la possibilité pour les distributeurs de produits phytosanitaires de pouvoir se livrer à des activités de conseil aux agriculteurs. Egalement examiné par les Sages, l’article 5, relatif à la sensible question de l’eau, est aussi validé, malgré deux réserves d’interprétation.
Concrètement, ce terme concerne « une disposition qui, sans le respect de cette réserve, devrait être censurée », précise le Conseil constitutionnel sur son site web. Dans le cas de la loi Duplomb, les réserves concernent donc plus précisément l’instauration par le texte d’une présomption d' »intérêt général majeur » pour les projets agricoles de stockage d’eau. S’ils valident ce principe, les 9 membres du Conseil précisent qu’il sera nécessaire que les projets liés à ce principe puissent être contestés devant la justice. Ils empêchent par ailleurs la possibilité de prélever de l’eau dans des nappes inertielles, moins rapides à se remplir que d’autres nappes d’eau souterraines.
Facilitation de l’élevage intensif, mise en place de « caméras individuelles » sur les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), précision des missions de l’Anses… Le reste du texte demeure inchangé à la version adoptée définitivement le 8 juillet à l’Assemblée nationale.
Quand la loi Duplomb va-t-elle être promulguée ?
Le président de la République va désormais pouvoir entériner la mise en œuvre de la loi Duplomb. Ainsi, Emmanuel Macron « a pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel et promulguera la loi telle qu’elle résulte de cette décision dans les meilleurs délais », a indiqué l’Elysée, jeudi.
Ces dernières semaines, le chef de l’Etat s’était fait discret sur ce sujet, souhaitant « respecter le temps institutionnel », expliquait la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, le 23 juillet. « Il a rappelé que notre action politique, quelle qu’elle soit, y compris sur ces sujets agricoles, doit être notamment guidée par la science et que nous devons en même temps défendre nos agriculteurs », avait-elle ajouté.
Lors des débats, le gouvernement est apparu lui aussi fragmenté au sujet de la loi. La ministre de l’Agriculture issue des Républicains, Annie Genevard, était un fort soutien du texte. La responsable a promis de rechercher des alternatives après la censure de la disposition sur l’acétamipride. « L’Inrae réalise à ma demande un travail pour identifier les filières placées en situation d’impasse : elles trouveront le gouvernement à leurs côtés pour ne pas les laisser sans solution », a détaillé Annie Genevard, dans un message publié sur le réseau social X.
Un autre texte sur l’acétamipride pourrait-il voir le jour ?
L’homme à l’origine de la proposition de loi, Laurent Duplomb, n’a peut-être pas dit son dernier mot pour tenter de faire adopter la réintroduction de l’acétamipride. Le sénateur pourrait s’appuyer sur la justification du Conseil constitutionnel de rejet de sa mesure contestée. « En fait, il nous donne les éléments qui pourraient permettre, avec un nouveau texte, de trouver des solutions pour pouvoir peut-être réintroduire » la substance, a affirmé ce vendredi l’élu auvergnat, interrogé sur RMC. « Il reste encore du temps pour examiner ce qui va se passer, comment nous allons pouvoir le faire. »
À l’inverse, certains élus de gauche espèrent profiter de cette censure partielle pour obtenir un abandon total du texte. Dans cette optique, le groupe écologiste à l’Assemblée nationale a annoncé vouloir relancer les discussions dans l’hémicycle. « Nous déposerons une proposition de loi d’abrogation qui sera débattue, j’en suis sûre, dans l’année », indiquait le 28 juillet dans Libération la présidente des troupes écologistes au Palais Bourbon, Cyrielle Chatelain. « La mobilisation doit se poursuivre jusqu’au retrait de la loi », a de son côté insisté le coordinateur national de la France insoumise, Manuel Bompard.
Qu’ont prévu les syndicats agricoles face à la censure partielle de la loi Duplomb ?
Le principal syndical agricole, la FNSEA, a fait part de sa désapprobation après la décision du Conseil constitutionnel. « Cette décision marque l’abandon pur et simple de certaines filières de l’agriculture française », a regretté le président de l’organisation, Arnaud Rousseau, dans un communiqué. Pierrick Horel, à la tête des Jeunes Agriculteurs, alliés de la FNSEA, a réagi de la même manière. Ceux-ci « sont exaspérés car certains en ont profité pour relancer une énième guerre de tranchées visant à opposer agriculture et écologie dans un débat qui se radicalise », assure le responsable.
Les agriculteurs pourraient-ils repasser à l’action pour signifier leur colère, à l’instar de leur mobilisation à l’hiver 2024 ? Les syndicats partisans du texte n’ont pas fait part de projets de ce type pour le moment. La Confédération paysanne, soutien de l’agroécologie et opposée à la loi Duplomb, a de son côté salué une « victoire en demi-teinte », s’inquiétant des « articles restants » bientôt promulgués.
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Publish date : 2025-08-08 09:15:00
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