Donald Trump ne s’en cache pas : il hait Washington DC. Souvent retranché dans sa luxueuse résidence de Mar-a-Lago (Floride) pour jouer au golf et recevoir des invités, le président américain porte à la capitale fédérale une détestation de longue date. « Crasseuse », « dangereuse », « horrible »… Le milliardaire républicain, un pur New-Yorkais, affuble régulièrement la métropole de la côte est de nombreux adjectifs péjoratifs. Avec un projet assumé : refaire de la ville un lieu « sûr et magnifique », à l’inverse selon lui de sa situation aujourd’hui.
Mais le dirigeant entend désormais accélérer pour matérialiser cette ambition. Mercredi 6 août, il s’est dit prêt à engager des mesures pour prendre « le contrôle fédéral » du district de Columbia, le territoire où se trouve Washington. « Nous y songeons, ouais, parce que la criminalité est hallucinante », a-t-il lancé devant des journalistes à la Maison-Blanche. Donald Trump a souvent mis en avant ce projet depuis son retour au pouvoir en janvier dernier. Le sujet est cette fois revenu au cœur des débats après un fait divers, rapporté par plusieurs médias américains.
Fait divers instrumentalisé
Le week-end dernier, un ex-employé du Doge, le département sur l’efficacité gouvernementale un temps chapeauté par Elon Musk, a été agressé dans un quartier de la ville. Plusieurs jeunes ont attaqué cet homme et sa compagne, vraisemblablement pour leur voler leur voiture. « Nous voulons une grande capitale qui soit sûre et nous allons l’avoir », a promis Donald Trump en réaction à cette affaire. « Le taux de criminalité, d’agressions, de meurtres et de tout le reste […], nous n’allons pas laisser faire et cela implique d’avoir recours à la Garde nationale, peut-être très rapidement ».
L’envoi de soldats fédéraux dans la ville rappelle forcément le précédent de juin dernier, lorsque le président américain avait décidé de déployer la Garde nationale à Los Angeles, après des échauffourées lors de manifestations. Il n’avait pas consulté le gouverneur de Californie – et étoile montante démocrate – Gavin Newsom, décidant d’activer une procédure exceptionnelle pour acter l’envoi de troupes. D’ordinaire, ce sont les gouverneurs qui émettent une demande auprès des autorités fédérales pour faire appel à la Garde nationale. La décision non coordonnée de Donald Trump dans la ville californienne constituait une première depuis… 1965 !
Garde nationale ou mobilisation de la police locale
Concernant Washington DC, la situation serait un peu différente. Le statut spécial de la ville, une autonomie limitée par les pouvoirs du Congrès, autorise le président américain à déployer la Garde nationale sans attendre une demande d’un gouverneur – il n’y en a de toute façon pas à DC. « La Garde nationale du District de Columbia est la seule unité de la Garde nationale, parmi les 54 Etats et territoires, à ne dépendre que du président », précise ainsi le site web de cette entité. Donald Trump avait d’ailleurs déjà franchi le pas en 2020, lors des manifestations du mouvement « Black Lives Matter », après la mort de George Floyd. Des soldats de la Garde nationale avaient alors été déployés dans la capitale.
Sur le même plan, une autre option est possible pour Donald Trump. Le président pourrait décider de mobiliser les services de police locale de manière exceptionnelle, pour une durée de 30 jours. Il aurait cependant besoin de l’accord du Congrès pour un déploiement de plus de 48 heures dans la ville. Une mesure nécessaire pour rétablir l’ordre à Washington, d’après Donald Trump. Pourtant, dans les faits, le niveau de criminalité dans la ville a beaucoup diminué depuis les années 80 et 90, lorsque l’insécurité dans la ville était au plus haut. Au premier semestre 2025, le taux de criminalité a décru de 26 % sur un an, selon les chiffres de la police métropolitaine.
L’opposition démocrate s’élève également contre les propos de Donald Trump. Car, au-delà de ses velléités sécuritaires, le président américain a donc laissé entendre qu’il souhaitait revoir l’autonomie limitée du district de Columbia. Le territoire est régi par ce statut spécial, permettant à ses habitants d’élire leur maire et leur conseil municipal. Ces responsables locaux ont la possibilité de prendre des décisions pour gérer les affaires courantes de la ville, mais le budget du district à leur disposition est contrôlé par le Congrès. Avant 1973, Washington DC était d’ailleurs entièrement placée sous tutelle du Parlement.
Statut spécial mis en danger
Un héritage qui se remarque encore aujourd’hui. La capitale ne dispose que d’un représentant élu à la Chambre des représentants, mais sans pouvoir de vote. La ville n’a aucun élu au Sénat. En 2020, les démocrates avaient d’ailleurs proposé un texte pour faire du district de Columbia le 51e Etat américain et lui permettre de le mettre sur un pied d’égalité avec les autres territoires du pays. Sans succès. À l’inverse, un sénateur et un représentant républicains ont présenté un février une loi destinée à supprimer l’autonomie limitée de la ville. Le texte n’a pas encore été examiné, mais pourrait être difficile à faire adopter au Sénat. Comme le signale la radio publique NPR, les démocrates pourraient s’y opposer en faisant de l’obstruction parlementaire.
Le nom de cette proposition ? La « loi visant à renforcer la surveillance à Washington et à garantir la sécurité de tous les résidents ». Ou, en version originale, la « Bringing Oversight to Washington and Safety to Every Resident Act », dite loi « BOWSER »… soit le nom de l’actuelle maire démocrate de la ville, Muriel Bowser. Le surnom ironique n’a pas été choisi au hasard, tant l’édile et le président américain ont affiché leurs désaccords, en particulier lors du premier passage à la Maison-Blanche de l’homme d’affaires (2016-2020). Mais depuis janvier, l’élue locale a choisi d’opter pour une position plus consensuelle à l’égard du gouvernement fédéral, cédant à plusieurs reprises à des demandes de l’exécutif.
À présent, la volonté de reprise en main par le pouvoir fédéral du district de Columbia apparaît dans la continuité de précédentes actions déjà menées par Donald Trump ces derniers mois. En mars, il avait notamment signé un décret créant la « DC Safe and Beautiful Task Force », une cellule composée d’agents gouvernementaux et destinée à « sécuriser et embellir » Washington.
Dans cette ville où 90 % des habitants votent démocrate, Donald Trump entend donc contribuer au développement d’une capitale davantage conforme à sa vision. Toujours auprès de NPR, George Derek Musgrove, professeur associé d’histoire à l’Université du Maryland, a peut-être trouvé la bonne formule pour qualifier la relation contrariée du président américain à son lieu de résidence : « La ville ne l’apprécie pas particulièrement, et il n’apprécie pas particulièrement la ville ».
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Publish date : 2025-08-07 13:50:00
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