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Régime « IG bas », « glucose révolution »… Ces modes alimentaires qui inquiètent les scientifiques

Régime « IG bas », « glucose révolution »… Ces modes alimentaires qui inquiètent les scientifiques

Et maintenant, les compléments alimentaires ! L’influenceuse Jessie Inchauspé, suivie par 5,7 millions de followers sur Instagram, s’était fait connaître avec sa « glucose révolution ». La grande idée de cette ingénieure en biochimie, reconvertie en star des réseaux sociaux : limiter à tout prix les pics de glycémie, néfastes selon elle pour la santé (et pour la ligne).

Après ses conseils distillés en ligne et dans deux best-sellers – consommation de vinaigre, paré de prétendues vertus anti-glycémiques, menus « low carb » et port d’un capteur pour mesurer le taux de sucre dans le sang – elle a aussi lancé « l’Anti-spike ». Des gélules contenant un mélange de plantes de sa composition : extraits de feuilles de mûrier blanc et de citron, brocolis, tomates, oignons, carottes, épinards, choux et cannelle.

A raison de deux comprimés avant de manger, ce « supplément naturel » réduirait les pics de glucose de 40 % et diminuerait la glycémie à jeun, ainsi que la résistance à l’insuline. Problème, ces promesses n’ont pas fait l’objet de tests permettant d’en démontrer la réalité. L’influenceuse présente certes sur son site des études relatives aux différents végétaux inclus dans ses gélules, ainsi que « (s) es propres données ou de celles de (s) on équipe, à titre d’illustration », comme elle l’indique à l’Express.

Mais ces informations ne suffisent pas à asseoir scientifiquement ses prétentions : il faudrait pour cela un essai clinique comparant un nombre suffisant de personnes traitées à un groupe placebo. Jessie Inchauspé assure toutefois qu’une telle étude est en cours, dont les résultats sont attendus « pour 2026 ».

Limiter les produits sucrés

En attendant, le prix de son « Anti-spike » est salé : il faut souscrire un abonnement mensuel de 58,50 euros, tacitement renouvelable, pour recevoir chaque mois dans sa boîte aux lettres un flacon de 30 gélules. L’essentiel, pourtant, n’est pas là. Au-delà du prix, et de l’absence de preuves sur l’intérêt du produit, la question principale reste de savoir si chercher à limiter ses pics de glycémie présente un quelconque intérêt pour des personnes en bonne santé (ni diabétiques ni prédiabétiques), cibles principales de l’autoproclamée « déesse du glucose » (« glucose goddess »).

Sur ce sujet, la réponse des médecins est claire : cela ne sert à rien. Il est normal que la glycémie monte après un repas, et en suivre l’évolution s’avère parfaitement injustifié quand on ne souffre pas de diabète. Au contraire, ces nouvelles injonctions risquent même d’enfermer la population dans des obsessions alimentaires néfastes. Ce qui ne veut pas dire que tout est faux dans le discours de Jessie Inchauspé : « Elle mélange du farfelu (boire une cuillère de vinaigre avant le repas) et des éléments fondés (ne pas manger trop sucré) », rappelait récemment le professeur de nutrition Serge Hercberg.

De fait, tous les spécialistes le répètent : le sucre doit être limité, et les boissons de type sodas sont à proscrire. « Les produits sucrés n’ont pas leur place dans un régime alimentaire équilibré. Beaucoup d’études montrent que leur consommation est associée à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires, d’où les recommandations actuelles d’en limiter la part à moins de 10 % de ses apports caloriques quotidiens », rappelle David Jacobi, professeur de nutrition à l’Institut du Thorax (CHU de Nantes).

L’index glycémique, un concept peu utilisable en pratique

Inutile aussi de se lancer dans un régime « à index glycémique bas » (ou « IG bas »), une pratique déjà à la mode depuis quelques années, et que Jessie Inchauspé a encore davantage popularisée. Comme son nom l’indique, il s’agit de privilégier les aliments qui ne font pas trop monter le taux de sucre dans le sang quand on les consomme. Un concept qui a donné lieu à une abondante production éditoriale : on compte une soixantaine d’ouvrages publiés sur le sujet au cours des quinze dernières années en France, avec une envolée du nombre de titres très marquée depuis 2020. Parmi eux beaucoup de livres de recettes, mais aussi des guides sur les index glycémiques des différents aliments. Une aberration selon les spécialistes.

« Ces index ont été calculés en laboratoire, aliment par aliment. Cela reste très théorique car en réalité, nous avons tous un appareil métabolique différent. Pour un même aliment, le taux de sucre dans le sang de chacun d’entre nous va donc évoluer différemment. Mais surtout, la combinaison des aliments entre eux modifie l’impact de chacun d’entre eux sur la glycémie. Selon que vous mangez du riz blanc seul, ou du riz blanc accompagné de légumes, l’effet ne sera pas du tout le même », insiste le Dr Olivier Dupuy, endocrinologue au groupe hospitalier Paris Saint-Joseph et secrétaire général de la société française du diabète. « Rien que le fait d’ajouter de l’huile d’olive à un féculent en modifie déjà l’index glycémique », confirme le Pr Jacobi.

Se méfier des oukases et des régimes restrictifs

Une étude parue ce mercredi 6 août dans le British medical journal est encore venue illustrer la complexité de ce sujet. Après avoir suivi plus de 200 000 personnes pendant près de 40 ans, une équipe de scientifiques américains a montré que la consommation régulière (trois fois par semaine) de frites était associée à une augmentation du risque de diabète de type 2 de 20 %. Une association qui n’a pas été retrouvée avec des pommes de terre cuites au four ou à l’eau. En revanche, remplacer les patates par des céréales complètes était associé à une diminution du risque de développer cette pathologie.

« Il faut avant tout se méfier des régimes trop restrictifs, et des oukases qui vont compliquer inutilement le choix de vos menus, insiste le Pr Jacobi. Les recommandations du PNNS, le programme national nutrition santé, sont simples et permettent déjà d’avoir une alimentation à index glycémique bas, même si ce n’est pas écrit comme ça ». Ainsi, privilégier les légumes, fruits, légumineuses, céréales complètes, poissons et viande blanches tout en réduisant la part de la viande rouge ou transformée, des produits trop raffinés ou trop sucrés devrait suffire à préserver sa santé. Moins vendeur que les préceptes promus par certains influenceurs, mais tellement plus simple et efficace…



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Author : Stéphanie Benz

Publish date : 2025-08-07 05:45:00

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