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Emploi des seniors : les entreprises doivent balayer devant leur porte, par Nicolas Bouzou

Emploi des seniors : les entreprises doivent balayer devant leur porte, par Nicolas Bouzou

François Bayrou à raison : nous ne travaillons pas assez par rapport aux besoins de notre système social. Ce ne devrait pas être difficile à comprendre. Quand un Etat-providence, financé par les travailleurs et à destination des travailleurs, souffre d’un déficit structurel, c’est que la quantité de travail est insuffisante. Or, cette année, l’assurance-chômage, les retraites et la branche santé seront toutes trois en déficit. Notre système dysfonctionne et contribue à faire peser sur la France un risque de crise financière. Il doit donc être corrigé.

On fera remarquer, à ce titre, que demander aux Français de travailler plus, c’est, par construction, vouloir sauver l’Etat-providence. A l’inverse, ceux qui expliquent que cette question ne se pose pas et font diversion avec la taxe Zucman veulent, consciemment ou non, nous précipiter dans une société individualiste où les protections seront privées. Ainsi, dans le débat actuel, ceux qui proposent une politique de droite – travailler plus – défendent un principe de gauche – davantage de solidarité publique -, alors que ceux qui en restent à une politique de gauche – ne pas demander d’effort supplémentaire – risquent de faire de la France un pays où seuls les plus riches pourront s’offrir des solidarités privées – une caricature de la pensée de droite.

35 heures ou 40 ?

Le Premier ministre propose, pour corriger en partie ce problème, de supprimer deux jours fériés et de restreindre l’accès à l’assurance-chômage. Si l’on regarde attentivement les chiffres, on voit que les Français qui sont à temps complet travaillent beaucoup. La France est légalement le pays des 35 heures mais, pour ceux qui bossent, il est plutôt celui des 40 heures. Ceci étant dit, même quand on réintègre dans les statistiques les personnes qui sont employées à temps partiel, les Français travaillent, en moyenne, un peu plus de 36 heures par semaine, soit davantage qu’en Allemagne ou aux Pays-Bas. Comme chacun doit contribuer, je suis favorable à la suppression de ces deux jours fériés, mais force est de constater que l’essentiel n’est pas là.

Le cœur du sujet, ce sont les Français qui pourraient et devraient travailler et ne le font pas. Raison pour laquelle resserrer encore une fois les critères d’accès à l’assurance-chômage est justifié. Notre taux de chômage reste supérieur à 7 % de la population active, alors que des centaines de milliers d’emplois – sans doute plus d’un million – ne sont pas pourvus. Pour dire la vérité, je ne croise pas un dirigeant d’entreprise qui n’évoque devant moi ses difficultés de recrutement. Augmenter la durée minimale de travail, qui est actuellement de six mois, pour avoir le droit d’accéder à l’assurance-chômage, et introduire une dégressivité des allocations dans le temps relèvent donc de la bonne politique. Les sociodémocrates allemands l’ont fait au tournant des années 2000 et s’en sont bien portés.

Dans cette affaire, chacun doit assumer ses responsabilités : les pouvoirs publics, les salariés mais aussi les entreprises. Or c’est loin d’être toujours le cas chez ces dernières. Invité cet été chez un ami résidant sur les hauteurs de Toulon, j’ai découvert dans le quartier de mon hôte un véritable lotissement d’ex-managers, âgés de 58 à 62 ans et tous sortis de leur entreprise un ou deux ans avant leur retraite. Les statistiques de la Dares nous racontent la même histoire. Le taux d’emploi des 55-64 ans dépasse à peine les 60 %. Il est, certes, en augmentation mais reste très bas dans un pays qui passe progressivement l’âge de départ en retraite à taux plein à 64 ans.

Valoriser l’expérience

Trois raisons sont généralement invoquées par les entreprises pour se séparer prématurément de leurs seniors : ils ont un gros salaire, se sont fait des ennemis et ne maîtrisent pas suffisamment les nouvelles technologies. Derrière ces arguments un peu courts se dissimule un défi managérial que peu de directions arrivent à relever : comment faire cohabiter les générations ? Comment valoriser l’expérience ? Les recruteurs qui ne veulent plus de seniors sont souvent les mêmes à dire que les jeunes sont prétendument paresseux… Si promptes à fustiger l’inanité des politiques publiques, les entreprises doivent balayer devant leur porte et s’appliquer à faire correctement travailler l’ensemble de leurs collaborateurs.

Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, est directeur du cabinet de conseil Astères



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Author : Nicolas Bouzou

Publish date : 2025-08-16 14:00:00

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