Donald Trump l’assure régulièrement : le prix Nobel de la paix devrait lui revenir. Il « le mérite, mais malheureusement on ne [lui] décernera jamais », s’est-il déjà lamenté lors d’une réunion dans le bureau Ovale avec le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou (visé par un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre et contre l’humanité à Gaza), en février dernier.
Le président américain a de nouveau assuré, lundi 19 août, pendant la rencontre à Washington avec Volodymyr Zelensky et les chefs d’Etat européens, au sujet de l’Ukraine : c’est « un faiseur de paix », qui a déjà mis un terme à pas moins de « six guerres » depuis son come-back à la Maison-Blanche. Mais la réalité, elle, est plus complexe. Car si Donald Trump est bien intervenu dans une série de conflits ces derniers temps, la plupart de ces négociations n’ont pas débouché sur une résolution durable.
Une paix aussi vite signée que rompue
Mettre fin « à une guerre par mois » en moyenne : c’est le record affiché par l’administration Trump. Dans son palmarès, elle confirme au média Axios inclure les guerres entre : l’Arménie et l’Azerbaïdjan, Israël et l’Iran, la République Démocratique du Congo et le Rwanda, le Cambodge et la Thaïlande, l’Inde et le Pakistan, l’Ethiopie et l’Egypte (bien qu’il ne s’agisse pas d’une guerre, et qu’il n’y a pas encore eu d’accord) et, pourquoi pas, la Serbie et le Kosovo (intervention remontant en réalité à son premier mandat).
Mais en s’y penchant de plus près, on constate que nombre de ces « contrats » de paix négociés par le milliardaire américain ont été rompus aussi rapidement qu’ils ont été signés. En ce qui concerne, par exemple, la RDC et le Rwanda, l’armée congolaise et le groupe rebelle M23 (soutenu par le Rwanda) s’accusent mutuellement d’avoir violé l’accord de paix signé en juin.
Pareil en ce qui concerne le Cambodge et la Thaïlande : les deux voisins ont convenu d’un cessez-le-feu en juillet sous la pression des Etats-Unis (après cinq jours d’affrontements, ayant fait des dizaines de morts et des milliers de déplacés). Mais ils se sont déjà accusés d’avoir mené des attaques.
Des accords fragiles…
Dans d’autres cas, comme entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la paix reste fragile, malgré un accord début août à la Maison-Blanche entre les deux pays, en proie à une série de conflits territoriaux depuis la fin des années 1980, qui ont culminé dans l’annexion contestée du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan en 2023.
La guerre Israël-Iran pourrait, elle, être rouverte à tout moment. Les Etats-Unis en ont été un combattant actif, bombardant les installations nucléaires iraniennes, pendant la guerre de 12 jours en juin. Et ce, avant de négocier un cessez-le-feu pour mettre fin à ces attaques. Si la Maison Blanche affirme que les frappes ont retardé le programme nucléaire iranien et réduit le risque d’un nouveau conflit, Israël a dit se réserver le droit d’attaquer si l’Iran venait à reconstruire son programme, ce qui pourrait être l’une des intentions de Téhéran.
Sans parler du conflit entre l’Inde et le Pakistan au Cachemire. Donald Trump a annoncé un « cessez-le-feu total et immédiat » en mai, et affirmé avoir utilisé la menace commerciale pour faire plier les belligérants (version par ailleurs contestée par Delhi). Mais le conflit, qui remonte à l’indépendance et prend ses racines dans la partition de l’Inde en 1947, ne sera probablement pas résolu durablement par un simple cessez-le-feu.
… ou simplement des accords inexistants
Dans certains cas, Donald Trump se targue tout simplement d’avoir trouvé des accords là où il n’y en a pas eu, comme entre l’Ethiopie et l’Egypte. Le Caire accuse depuis plusieurs années Addis-Abeba de vouloir détourner une partie de l’eau du Nil, par la construction d’un barrage en amont. Malgré que les deux pays ne soient pas officiellement en guerre, la Maison-Blanche a déclaré à Axios qu’il fallait considérer cette situation comme une guerre résolue par Donald Trump, puisqu’il « aurait eu » une guerre sans intervention américaine. Intervention qui n’a d’ailleurs débouché sur aucun accord… les deux pays étant toujours en négociations.
Enfin, l’administration Trump aime prendre en compte dans son calcul une « septième » victoire : l’accord de paix conclu entre la Serbie et le Kosovo, malgré ses limites… et qu’il a été obtenu en 2020, sous le premier passage de l’entrepreneur américain à la Maison-Blanche donc. Sans parler de sa gestion catastrophique de la guerre à Gaza, pour laquelle les Etats-Unis apportent un soutien total et acritique au gouvernement très à droite de Benyamin Netanyahou.
En ce qui concerne l’Ukraine, le président américain, qui pensait pouvoir régler le conflit « en 24 heures », a finalement dû renoncer à l’idée d’un cessez-le-feu. Il a dit après son sommet avec Vladimir Poutine en Alaska préférer « un accord de paix », plus durable. Mais pendant ce temps, le président russe continue à gagner du temps sur le terrain, tandis que Donald Trump tente de faire avaler à Kiev la cession de plusieurs conquêtes territoriales par Moscou.
« Parvenir à la paix – la résolution d’un conflit, et pas seulement la fin des combats – est difficile. Il faut plus qu’un appel téléphonique ou une réunion », critique Ivo Daalder, ancien ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’Otan, et chercheur principal au Belfer Center (Harvard), chez nos confrères américains de Politico. « Cela exige une connaissance approfondie, des négociations intensives, la recherche de compromis. Et même dans ce cas, la plupart des efforts échouent […] parce qu’il est souvent plus facile de poursuivre les combats que de trouver une solution acceptable par les deux parties ». Pas sûr donc, que le prix Nobel de la paix soit immédiatement à portée de main pour le locataire de la Maison-Blanche.
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Publish date : 2025-08-19 16:21:00
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