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Emmanuel Macron, Gérald Darmanin et l’encombrant Bruno Retailleau : le mystérieux rendez-vous de Brégançon

Emmanuel Macron, Gérald Darmanin et l’encombrant Bruno Retailleau : le mystérieux rendez-vous de Brégançon

Même chez le plus ardent des hommes politiques, il arrive, dit-on, que les déconvenues assomment l’ambition. Gérald Darmanin échappe à cette règle d’airain. Trop agile, trop habile, trop conscient de sa faiblesse : seule la promesse du poste plus prestigieux que le précédent apaise ses tourments de Petit chose éternel. « Je n’ai pas fait l’ENA, je ne viens pas du même monde qu’eux » : il peste et tient son combat. Non pas les égaler, ces héritiers, mais les dépasser. Alors, renoncer à Matignon, lui qui s’y est vu installé un été pas si lointain – c’était en 2023, c’était il y a deux ans, c’était il y a un siècle ? Défaite absurde. La situation politique apparaît si instable… Tout devient possible, lui a appris un ancien président.

Le mardi 12 août, le ministre de la Justice est attendu à Nîmes, il débarque à Marseille. Visite inopinée à la prison des Baumettes, « à peine une petite heure », relate le quotidien local La Provence. Il suffira d’une minute pour recevoir un signe d’Emmanuel Macron qui, sachant son ministre à moins de 100 kilomètres du Fort de Brégançon, le convie à passer le lendemain.

Emmanuel Macron : « Il est remonté sur son cheval, Gérald ! »

Mercredi 13 août à midi, les voici réunis. L’Elysée se garde de communiquer officiellement sur la rencontre et Gérald Darmanin, photographié par la presse en terrasse dans un restaurant à 200 mètres du Fort le même jour, se retient également de fanfaronner dès la sortie. Car leur discussion a porté sur deux sujets. La non-confidentielle réforme judiciaire initiée par le ministre et la secrète équation de la fin du quinquennat. « Nous avons surtout parlé de la justice, précise à L’Express Gérald Darmanin. Bien sûr, nous avons discuté de la situation politique mais sans évoquer les conséquences d’une éventuelle censure. »

Y aurait-il une menace pire encore, ne venant pas du Parlement mais de la Place Beauvau ? L’insécurité est partout. « Darmanin anticipe très bien ce que veut le chef, et là, ce que le chef veut, c’est ne plus voir Retailleau », explicite un autre visiteur estival du président. Escamoter le ministre de l’Intérieur, tout auréolé de son triomphe chez les Républicains ? Voilà qui ne déplairait sans doute pas au garde des Sceaux.

Il se murmure ainsi qu’il aurait ciselé devant Emmanuel Macron l’idée d’une nouvelle équipe sans le patron des Républicains mais avec des personnalités fortes, issues de la droite. Une espèce de gouvernement Philippe II qui aurait la bonne idée de s’appeler plutôt gouvernement Darmanin et le mérite de faire exploser LR avant 2027 tout en affaiblissant le Vendéen. Ce canevas culotté a poussé le président à conclure devant quelques-uns de ses confidents réunis à Brégançon : « Il est remonté sur son cheval, Gérald ! »

Rebellions successives

Entre ce président parfois étonnement dépourvu de flair politique et ce ministre souvent débordé par son sens politique, la valse des tensions depuis 2022. Sans doute le premier se méfie-t-il de la témérité sans limite du second qui constate un soutien, disons… ondoyant du premier qui se méfie de la témérité sans limite du second qui constate… Etc. Au début de l’année, alors qu’il venait à peine de s’installer place Vendôme, Gérald Darmanin louait en privé la franchise de leurs rapports : « Le président m’avait dit oui pour le Quai d’Orsay, donc je savais que ce serait non. » Comme tous les enfants terribles, Darmanin est un affectif, perpétuellement surpris de découvrir qu’un chef de l’Etat se préoccupe davantage de lui-même que de la carrière de ses ministres, fussent-ils loyaux, fussent-ils serviables. Quelques mois plus tôt, dressant la liste de ses déconvenues devant un ancien sarkozyste comme lui devenu macroniste, il se fait grave : « Je n’ai pas de nouvelles du PR. » Il y a de quoi rire, songe l’ami effaré qui réplique : « On est à mi-mandat, tu voudrais qu’il prenne position pour toi et soit ton directeur de campagne ? Tu plaisantes ! »

Un peu de considération tout de même… Durant le premier quinquennat, ceux qui côtoyaient Edouard Philippe Premier ministre et Gérald Darmanin, ne cachaient pas leur stupéfaction devant la différence des traitements qu’Emmanuel Macron réservait à l’un et à l’autre. Pas un échange avec le chef du gouvernement, « ils ne se parlent pas », répétaient les observateurs du premier rang. Avec le ministre du Budget, en revanche, les coups de fil et les SMS paraissaient incessants. Mais les rebellions successives et l’appétit politique d’ogre inquiètent toujours, avant de lasser.

A présent, c’est avec un autre transfuge de la droite que le président semble entretenir des conversations politico-stratégiques ininterrompues. Sébastien Lecornu a le bon goût de rester à sa place et dans son temps, en 2025 et non en 2027 ; de se concentrer sur les dossiers de son ministère des Armées, de faire preuve d’une discrétion sans faille et de ne pas utiliser la menace quand la déception point, même quand il s’agit de céder le siège de Matignon en une heure à François Bayrou.

Mais la fin du quinquennat se dessine, déjà il faut songer à la trace et peut-être au retour. Emmanuel Macron sait qu’il ne peut laisser sa relation avec l’audacieux locataire de la Place Vendôme, déterminé à jouer un rôle et pas le moindre en 2027, se dégrader. « Avoir un Gérald calme, c’est précieux », synthétise un proche du chef de l’Etat. Le recevoir donc. Et à deux reprises en un mois. Car le ministre a également été convié à l’Elysée en juillet, avant le départ en vacances. D’autres ministres l’ont été mais cela n’efface pas l’attention. Le rendez-vous de Brégançon, cette fois, a des airs de privilège. Plus qu’un déjeuner de soleil ?



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Author : Laureline Dupont

Publish date : 2025-08-21 16:30:00

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