Au sein du gouvernement, l’étude psychologique de François Bayrou est un jeu populaire. Le Béarnais est-il prêt à toutes les concessions pour rester en poste ? Pourrait-il sacrifier Matignon au nom de ses convictions budgétaires ? Le Premier ministre a apporté ce lundi 25 août une amorce de réponse à cette lancinante question. Il a annoncé qu’il engagerait le 8 septembre la « responsabilité du gouvernement » devant l’Assemblée nationale pour trancher la « question centrale » de « la maîtrise de nos finances » et valider le principe de son plan d’économies budgétaires de 44 milliards d’euros. En cas d’échec, il tombera.
« Immobilisme », « content d’être là »… François Bayrou s’est toujours agacé des traits de caractères prêtés par ses contempteurs. Le voici à l’initiative, avec une stratégie en deux temps. Un premier vote – un « accord minimal » – sur l’urgence budgétaire. Puis, en cas de succès, une négociation sur le contenu précis du plan dont l’architecture idéologique aurait été validée. « Très bien joué, note un pilier Renaissance. S’il tombe, il tombe sans abîmer le budget. S’il ne tombe pas, c’est bon pour son budget. » « Cela ne manque pas de panache, abonde un conseiller de l’exécutif. Cela ne changera rien au fond, mais il choisit l’heure de sa mort. »
Accueil glacial
François Bayrou avait entrepris une vaste opération de séduction de l’opinion publique cet été autour de son budget, entre points presse et podcasts. En vain. Le chef du gouvernement assume cette fois la confrontation avec les députés. « Chacun va être placé devant ses responsabilités. Le gouvernement prend les siennes, le Parlement aura la décision entre ses mains », a-t-il assuré. Les « mains » sont du genre rugueuses. Le patron du Rassemblement national Jordan Bardella a déclaré sur X que François Bayrou venait « d’annoncer » la fin de son gouvernement. Le député PS Philippe Brun évoque, lui, une « démission déguisée », maquillée en acte de courage.
Le Premier ministre connaît trop bien la politique pour être surpris par l’accueil glacial réservé à son opération. Une certitude habite de nombreux proches d’Emmanuel Macron : l’homme est trop orgueilleux pour être censuré à l’initiative des députés lors de l’examen du budget. Pas à la hauteur de la trace que cet admirateur de Pierre Mendès France compte laisser dans l’histoire. « Il ne voudra pas partir comme Barnier la queue basse et les oreilles couchées, glissait en juin un confident du chef de l’Etat. Il partira avant d’être censuré. »
François Bayrou le sait. Son ode à la « responsabilité » se heurte à un mur. A l’approche de l’élection présidentielle de 2027, les oppositions n’ont guère intérêt à bousculer leurs électeurs au nom d’un principe flirtant avec l’argument d’autorité. « Chacun défend sa clientèle et déploie sa rhétorique habituelle. Cela ne plaide pas pour un peu d’apaisement et de raison », notait cet été une ministre.
Sa copie budgétaire ne passe pas. 72 % des Français jugent les efforts demandés par le gouvernement « trop importants » d’après une enquête publiée fin juillet pour Les Echos. 66 % des sondés souhaitent qu’une motion de censure soit votée contre l’exécutif. Comme si un parallélisme existait entre la méfiance envers le budget et l’appel à la chute du Béarnais. Lequel devance ces initiatives, avec cette « censure provoquée ».
La censure sentirait-elle moins le souffre ? Le 4 décembre 2024, Michel Barnier convoque l’esprit de « responsabilité » des députés à la tribune de l’Assemblée nationale, quelques minutes avant sa chute. Citation d’Antoine de Saint-Exupéry à l’appui, il évoque un vote « grave » au regard du désir de « stabilité » des Français. Le Savoyard est tombé, la France est restée debout. Une cadre Renaissance s’alarmait à l’époque du caractère indolore de la censure. « Elle doit avoir des conséquences politiques et sur la vie des gens. Sinon, ils s’en foutent. » Elle n’a eu d’effet dans l’esprit collectif que la nomination de François Bayrou, même si l’exécutif évoque une facture de 12 milliards d’euros.
Ce précédent ne sert pas le Premier ministre. Si la mise à mort d’un gouvernement est décidée sans gravité apparente, pourquoi s’en priver ? Si elle n’est qu’une manifestation d’opposition, n’est-il pas coupable de la laisser au placard ? Emmanuel Macron contribue lui-même à désacraliser cette option. Le chef de l’Etat a assuré à Paris Match qu’il ne comptait pas dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale, soucieux de laisser les responsables politiques « travailler ensemble ». Une telle option, appel au compromis parlementaire, est aussi de nature à désinhiber les oppositions. Le Parti socialiste n’a pas à craindre des législatives anticipées, synonymes de fractures stratégiques sur l’alliance avec LFI. Le RN n’a pas à s’interroger sur le sort de Marine Le Pen, frappée d’inéligibilité avant son procès en appel. Pas plus qu’il n’a à réfléchir sur l’opportunité de prendre les rênes du pays, plutôt que de laisser « l’impopularité des gouvernements en place croître », selon les mots d’un fidèle de François Bayrou. « Une censure ne changerait pas la majorité à l’Assemblée, ni l’équation politique, s’étonnait avant l’été un ministre. Elle apporterait quoi ? » Peut-être rien, ce qui la rend paradoxalement tentante. Au détriment de François Bayrou.
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Author : Paul Chaulet
Publish date : 2025-08-25 16:45:00
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