Depuis son retour à la Maison-Blanche, le 20 janvier, Donald Trump multiplie les offensives contre les universités américaines, qu’il accuse de véhiculer une idéologie progressiste et hostile à Israël. Parmi ses faits d’armes : le gel ou la suppression de près de 840 subventions de recherche destinées à Harvard, soit 2,42 milliards de dollars. Résultat : le prestigieux établissement se trouve à la croisée des chemins, entre actions en justice et négociations pour limiter les dégâts.
Le 3 septembre prochain, un juge devra dire si ces coupes violent les droits garantis à Harvard par le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis. Fait notable : seule Harvard a choisi d’attaquer directement la Maison-Blanche, quand d’autres institutions de l’Ivy League, comme Columbia, ont préféré conclure des accords à l’amiable. En attendant le verdict, les conséquences et les incertitudes se font déjà cruellement sentir à Harvard.
Parmi les projets affectés par ces coupes budgétaires, figurent la recherche sur certaines maladies neurodégénératives graves, des études sur le cancer ou les menaces biologiques émergentes, liste le média américain CNN. D’autres subventions annulées concerneraient des sujets tels que l’identité de genre, les initiatives de diversité, d’équité et d’inclusion, ou les inégalités systémiques touchant des communautés marginalisées – autant de thèmes régulièrement pris pour cible par Donald Trump et les législateurs conservateurs. Le doute plane également sur l’avancée de certains travaux en cours comme le développement de modèles d’intelligence artificielle – pour analyser la réaction de 25 000 gènes à la chimiothérapie – et l’élaboration de recommandations sanitaires pour les pompiers et les mineurs exposés aux toxines.
Des licenciements douloureux
Et sur le campus, les conséquences sont déjà tangibles, rapporte le Washington Post. Des laboratoires se vident, faute de personnel administratif pour assurer leur fonctionnement. Dans les couloirs, des affiches conseillent aux doctorants de chercher des alternatives : terminer plus vite leur thèse, trouver un emploi en dehors de l’université, voire accepter une baisse de salaire. Un chercheur postdoctoral a même renoncé à candidater à des postes liés à son expertise acquise pendant dix ans, faute de ressources suffisantes pour payer son loyer. Au total, « près de 1 800 membres du personnel et 1 500 étudiants diplômés et chercheurs postdoctoraux » dépendent partiellement ou totalement des fonds fédéraux, selon des documents judiciaires. En juillet dernier, le président de Harvard, Alan Garber, avait reconnu des licenciements douloureux. « Notre capacité à accueillir des étudiants et des chercheurs internationaux sur le campus est constamment remise en question », admettait-il sur le site de l’établissement.
À noter que la méthode employée par l’administration Trump pour cibler les subventions reste entourée d’opacité. Selon le New York Times, les données collectées par l’organisation Grant Witness suggèrent que certains mots-clés — présents dans le titre, le résumé ou la pertinence sanitaire des projets — auraient servi de filtre pour décider des suppressions. Derrière cette mécanique bureaucratique, c’est pourtant bien l’avenir de la recherche mondiale qui est en jeu. Les scientifiques de Harvard sont à l’origine de percées majeures, de la transplantation d’organes aux défibrillateurs, en passant par la levure chimique ou même les tees de golf.
Des concessions nombreuses de la part de Harvard
Sous pression, Harvard a pourtant multiplié les concessions pour amadouer l’administration Trump, rappelle le New York Times : limogeage de responsables du Centre d’études sur le Moyen-Orient accusés d’antisémitisme, suspension d’un partenariat avec l’université palestinienne de Birzeit au profit d’institutions israéliennes, ou encore changement de nom de son Bureau de l’équité, de la diversité, de l’inclusion et de l’appartenance en simple Bureau de la vie communautaire et du campus. Officiellement, ces changements viseraient à rendre le campus « plus accueillant » et ouvert à la pluralité des opinions. Mais cette justification laisse sceptique de nombreux observateurs.
Le gouvernement fédéral n’est toutefois pas le seul contributeur à la recherche à Harvard : en 2024, l’université a autofinancé plus de 525 millions de dollars et reçu plus de 300 millions de la part de fondations privées et d’acteurs industriels. Mais Washington reste de loin le principal contributeur, avec plus de 680 millions de dollars versés la même année, selon l’école. Au-delà du cas Harvard, de nombreux chercheurs s’inquiètent : le soutien de l’État à la science fondamentale est-il en train de disparaître ?
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Publish date : 2025-08-26 17:52:00
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