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Wagner : le piteux bilan du groupe paramilitaire russe au Mali

Wagner : le piteux bilan du groupe paramilitaire russe au Mali

Contrairement aux affirmations de la société de « sécurité privée » russe Wagner, la situation sécuritaire au Mali ne s’améliore pas depuis leur venue. Au contraire, selon un rapport de l’organisation américaine The Sentry, le bilan des actions du groupe paramilitaire présent entre janvier 2022 et juin 2025 pour appuyer les autorités de transition est plutôt celui d’un échec, en trois temps.

D’abord un échec militaire. « Les forces de Wagner ont été incapables de prendre le contrôle des zones du nord et du centre du pays », expose le rapport. Il souligne ensuite une augmentation « significative » des attaques contre les civils depuis leur arrivée.

Wagner a semé la zizanie au sein de l’armée malienne

Plus encore, « les combattants de Wagner ont semé le chaos et la peur au sein de la hiérarchie militaire », écrit The Sentry, soulignant que désormais « le manque d’ordre et de communications au sein de la chaîne de commandement » pousse les dirigeants maliens à se regarder « avec soupçon ». Les « méthodes brutales » de Wagner auraient ainsi prononcé de fortes tensions au sein de l’armée qui « ont éclaté au grand jour le 11 août, lorsque des dizaines de soldats, dont des généraux qui avaient critiqué Wagner, ont été purgés », rappelle le journal britannique The Economist.

C’est un échec pour le Mali, mais aussi pour l’organisation paramilitaire elle-même. « Contrairement à d’autres pays africains où ils ont opéré, comme le Soudan et la République centrafricaine (RCA), les Russes n’ont pas réussi à s’enrichir en exploitant des minerais » dans ce pays du Sahel, pointe The Economist.

En arrivant à la tête d’un Mali excédé par la violence des djihadistes et des séparatistes, Assimi Goïta, le président par intérim – qui a depuis prolongé son mandat jusqu’à 2030 au moins – avait d’abord été salué. Il avait alors promis de réaffirmer la souveraineté du Mali après des décennies d’influence Française. Le tout en s’associant avec les Russes, qu’il espérait plus enclins à combattre que les soldats de Barkhane « et plus disposé à obéir aux ordres maliens », analyse The Economist. Peine perdue. Selon The Sentry, le groupe est raciste envers les Maliens, s’empare du matériel militaire et défie régulièrement les ordres maliens. Un responsable militaire a ainsi déclaré à l’organisation américaine que Wagner « est pire que les Français. Ils pensent que mes hommes sont plus stupides qu’eux. Nous sommes passés de la poêle à frire au feu ».

Plus d’exactions contre les civils que de lutte anti-djihadiste

S’ils ont d’abord remporté des victoires — en aidant dès 2023 l’armée malienne à reprendre le contrôle de la ville septentrionale de Kidal — les échecs se sont par la suite rapidement enchaînés. « Les soldats de Wagner refusent d’agir sans être payés, et refusent catégoriquement de prendre des risques dans certains cas » précisait aussi Justyna Gudzowska, directrice exécutive de The Sentry.

Chiffre illustrateur, selon l’organisme de surveillance Armed Conflict Location & Event Data Group (Acled), le nombre de morts liées aux djihadistes dans le pays s’est élevé en moyenne à 3 135 par an de 2022 à 2024, contre 736 au cours de la décennie précédente. Près de 2 000 personnes ont déjà été tuées cette année, ce qui suggère une tendance à la hausse. Ces derniers mois, des pôles économiques comme Kayes ont été attaqués.

Avec 2 000 soldats russes sur le territoire (contre 5 000 soldats français au plus fort de la mission antiterroristes dirigée par Paris), « le mode opératoire de Wagner est inadapté à la lutte antiterroriste. Les exactions contre la population malienne ordinaire n’ont pas participé à la popularité russe : l’année dernière, 80 % des morts civiles ont été imputées à des soldats maliens ou à Wagner, plutôt qu’au Jnim, note l’Acled. Selon le témoignage d’un soldat malien auprès de The Sentry, « Ils tuent simplement les gens qu’ils soupçonnent sans vérification préalable ». Ce dernier affirme également Wagner crée l’équivalent de « prisons à ciel ouvert » en assiégeant des villes qu’il soupçonne d’abriter des djihadistes.

« Africa Corps » prend le relais, les Etats-Unis aux aguets

Après trois ans de présence au Mali, les mercenaires russes du groupe Wagner ont finalement plié bagage. En juin, ils ont passé le relais à Africa Corps, un autre groupe paramilitaire tenu plus fermement par le Kremlin. Sa mission ? Prolonger l’influence russe au Sahel, tout en reprenant le contrôle direct sur les opérations, après la mort d’Evgueni Prigojine, fondateur de Wagner, en août 2023, et sa rébellion avortée contre le Kremlin.

Pour certains spécialistes, Assimi Goïta souhaiterait aussi diversifier ses partenariats en éloignant le monopole d’influence russe. Les Etats-Unis, plus que jamais de toutes les batailles, pourraient saisir l’opportunité d’étendre leur zone d’influence diplomatique. Selon The Economist, l’administration Trump a déjà envoyé des responsables à Bamako et dans d’autres capitales régionales pour discuter d’une éventuelle aide à la sécurité… En échange de contrats miniers, à l’image de ceux récemment mis sur la table par Donald Trump des négociations avec la République démocratique du Congo pour l’aider à régler sa guerre.



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Author : Enola Richet

Publish date : 2025-08-31 15:23:00

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