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Budget : ce piège dans lequel est tombé François Bayrou, par Jean-François Copé

Budget : ce piège dans lequel est tombé François Bayrou, par Jean-François Copé

Les partis populistes ont vocation à éroder méthodiquement la crédibilité des partis de gouvernement. Ils ont ainsi réussi à installer l’idée que les citoyens étant réputés adultes et suffisamment instruits pour connaître la totalité des problèmes, il n’y a pas lieu pour les responsables politiques de faire un travail d’explication sur la manière dont notre pays doit surmonter les dangers auxquels il fait face. Pire encore lorsque l’un d’entre eux se risque à dire « je vais vous expliquer », il est immédiatement taxé d’arrogance et l’on entend le vieux refrain de « l’élite méprisant le peuple ». Alors au fil du temps, les responsables de gouvernement ont renoncé à la pédagogie des solutions et ont surjoué la dramatisation du diagnostic. François Bayrou est tombé dans le piège. Et donc sauf surprise, la France assistera lundi 8 septembre à la chute de son gouvernement. Car refaire, pour la énième fois, le constat de notre addiction à la dépense publique n’a plus aucun impact sur l’opinion.

Et pour cause, voilà vingt ans qu’on le lui dit ! Ainsi, avant même ses annonces, le constat et l’inquiétude étaient d’ores et déjà partagés par de nombreux Français. En effet, la dette et les déficits figuraient parmi les premières préoccupations, devant les crises internationales ou la menace terroriste. Alors pourquoi un tel échec ? Parce que la dramatisation a réduit le débat budgétaire à une succession d’incantations maladroites et culpabilisantes. L’exercice mené exclusivement par le Premier ministre s’est heurté à deux écueils majeurs.

Le premier, François Bayrou lui-même l’a créé en faisant de la suppression de deux jours fériés la mesure symbole de son budget. Pensée pour marquer les esprits et montrer sa volonté d’agir, cette idée s’est retournée contre lui : mal expliquée, elle a cristallisé les critiques. Une mesure censée rapporter 4,2 milliards d’euros, soit 10 % des économies visées, mais qui a fini par occuper tout l’espace médiatique. Etait-ce pour relancer la machine économique ou pour prélever un impôt déguisé ? Faute de clarté, la mesure est apparue comme une contrainte injuste. Le flou a nourri la polémique, au point de réduire le débat budgétaire à ce seul sujet. La proposition, rejetée par 73 % des Français en juillet, l’est désormais à près de 84 %.

Ensuite par l’absence de perspective offerte aux Français. Très tôt, François Bayrou annonce « l’Himalaya budgétaire » qu’il nous faudrait gravir. Il aurait mieux fait de définir l’horizon qu’un tel effort permettait d’atteindre. C’est cette explication qui a manqué. François Bayrou a posé des questions pertinentes, comme celle de savoir combien devait représenter l’effort budgétaire ou encore qui devait le supporter, mais il a laissé sans réponse la plus essentielle : « pour quoi devons-nous faire ces efforts ? ». C’est exactement ce que les Français attendaient : une explication claire et surtout une perspective positive. Aujourd’hui, ils ont peur. Peur pour leur pouvoir d’achat, peur pour leur sécurité et pour celle du pays.

Dans ce climat, « travailler davantage » aurait pu être entendu à condition de promouvoir cet effort dans le cadre d’un triple contrat gagnant-gagnant entre l’Etat et les Français. D’un côté, améliorer la vie immédiate des Français en augmentant leur pouvoir d’achat grâce au travail supplémentaire. De l’autre, assurer le financement des politiques publiques régaliennes dans le sens même de ce que réclament nos concitoyens : plus d’ordre, plus de sécurité, une défense solide face à la montée de l’instabilité géopolitique. Enfin, participer à l’effort productif nécessaire pour désendetter la France grâce à la croissance économique tandis que l’Etat s’engage en parallèle à baisser ses dépenses de fonctionnement les plus improductives. Voilà la martingale gagnante qu’il aurait fallu assumer. Voilà ce que le Premier ministre aurait dû expliquer aux Français.

Le 8 septembre, ce n’est pas la lucidité de son diagnostic qui coûtera à François Bayrou son poste, mais sa méthode. La dramatisation aurait dû précéder la pédagogie. Mais en fait, elle en a tenu lieu.



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Author : Jean-François Copé

Publish date : 2025-09-01 09:40:00

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