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Foire aux vins : l’inexorable montée en gamme de la Bourgogne

Foire aux vins : l’inexorable montée en gamme de la Bourgogne


Chaque année, les Foires aux vins attirent plus de 2 Français sur 3. L’édition 2025 qui commence pour certaines enseignes en ce début du mois de septembre devrait connaître un même succès malgré un contexte économique morose. Celle de l’année dernière, avec un chiffre d’affaires global d’un peu plus d’un milliard d’euros et 168,5 millions de flacons commercialisés (Etude NielsenIQ 2024), avait déjà accusé une baisse de 3 % tant en valeur qu’en volume (par rapport à 2023). Pourtant ces grands-messes bacchiques demeurent cruciales pour l’ensemble du secteur. En particulier pour les vignerons de Bourgogne qui se battent pour faire reconnaître leur terroir. Pour vous aider à discerner les meilleurs rapports qualité-prix des Foires aux vins 2025, les tableaux qui suivent présentent la sélection de L’Express par grandes régions de production. A vos tire-bouchons !

Ce n’est pas parce que les moines cisterciens ont défriché, cartographié et hiérarchisé le vignoble bourguignon, il y a plus d’un millénaire, que les vignes de l’Yonne, de la Côte-d’Or et de la Saône-et-Loire sont figées pour l’éternité. Régulièrement, l’organisation des appellations évolue et s’affine. L’ère moderne débute avec le Dr Jules Lavalle, qui, en 1855, opère un premier classement, la même année que les grands crus du Médoc. A une différence près : en Bourgogne, seuls les terroirs sont concernés, non les châteaux et domaines. Ce travail va ensuite servir de base à la création, en 1936, des premières appellations d’origine contrôlées. Puis, au fil du temps, de nouvelles verront le jour, comme celles de saint-véran, en 1971, marsannay, seize ans plus tard, maranges, dans la foulée, ou encore viré-clessé, en 1999.

La course aux appellations premiers et gands crus

Si la région compte désormais 84 appellations, certains villages ne possèdent pas de premiers ou de grands crus. Non que les terroirs ne le méritent, mais la demande n’avait pas été formulée à la reconnaissance de leur AOC, la plupart du temps pour des raisons financières. « En 1936, au moment de l’apparition des appellations, la Bourgogne subissait encore le coût de la crise économique, les vins se vendaient mal, explique Thibault Liger-Belair, vigneron à Nuits-Saint-Georges. Or les taxes foncières étaient de deux à trois fois plus importantes sur les premiers et grands crus. Les vignerons ne voyaient donc pas l’intérêt de réclamer ce classement qu’ils jugeaient inutilement coûteux. »

Quatre-vingt-dix ans plus tard, le marché a radicalement changé et les vins de Bourgogne se révèlent parmi les plus recherchés. Pas étonnant que certains souhaitent désormais réparer ces oublis du passé. Le Mâconnais, qui ne recensait aucun premier cru, a ainsi récemment connu plusieurs promotions. Pouilly-fuissé a ouvert le bal, en 2021, avec 22 premiers crus, répartis sur un quart du vignoble de 750 hectares et quatre communes (Fuissé, Solutré-Pouilly, Vergisson et Chaintré). Trois ans plus tard, c’est au tour de pouilly-loché et pouilly-vinzelles d’obtenir le précieux sésame. « Un travail que nous avons commencé en 2006 et qui aura duré dix-huit ans, rappelle Olivier Giroux, du Clos des Rocs et président de l’organisme de défense et de gestion (ODG) de ces deux petites appellations. Tout est parti d’une étude de sols, commandée pour mieux maîtriser nos terroirs, qui a révélé le grand potentiel de certains d’entre eux. Puis une discussion avec Frédéric Burrier, vigneron à Pouilly-Fuissé, qui avait lancé le classement de son appellation, nous a convaincus que nous méritions d’avoir des premiers crus. » Pour concrétiser ce dossier, il faut convaincre l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao), un établissement public sous tutelle du ministère de l’Agriculture.

Et parmi les critères pris en compte, il y a, outre la qualité des terroirs et des vins produits, la nécessité que l’appellation soit reconnue depuis longtemps. « L’Inao ne fait qu’entériner une situation existante, insiste Jean-Philippe Bret, vigneron à Vinzelles et un des moteurs du projet des premiers crus. Cela veut dire, notamment, que les vins candidats en premiers crus doivent au préalable se vendre plus cher que les autres climats [terroirs viticoles]*. Le but n’est donc pas de profiter du classement pour augmenter encore les prix. » Et de prévenir : « Prendre ce chemin constituerait une grave erreur ! »

Un cahier des charges très strict

Reste que, ici comme ailleurs, garantir la qualité passe par la mise en place d’un cahier des charges plus strict. Le rendement des quatre premiers crus reconnus (Les Mûres, Les Quarts, Les Longeays et Les Pétaux) ne peut dépasser 58 hectolitres par hectare (contre 60 pour les villages), la vendange ne s’effectue qu’à la main et les désherbants chimiques sont interdits. Des restrictions dont pourraient s’inspirer les vignerons de Saint-Véran, qui ont déposé leur demande de classement en premier cru en 2010 et qui devraient obtenir gain de cause dans les prochains mois.

La Côte-d’Or n’est pas en reste et quelques appellations pourraient évoluer dans les prochaines années. Comme marsannay, qui, il y a vingt ans, a voté à l’unanimité des vignerons concernés la demande de classement en premiers crus de 14 climats, représentant environ 30 % du vignoble. « Attention, l’idée ne consiste pas à satisfaire tout le monde. Dès le début, notre volonté a été de promouvoir les terroirs qui le méritent et de rassurer les amateurs », précise Bernard Bouvier, vigneron à Marsannay et président de l’ODG, qui confirme que le travail de reconnaissance, très long, porte aussi bien sur l’analyse des terroirs, leur géologie, leur notoriété, leur antériorité et le différentiel de prix. « Pour l’Inao, un premier cru doit se vendre au moins 30 % plus cher », précise-t-il. La décision ne devrait pas intervenir avant 2027, aussi bien pour les blancs que pour les rouges.

Un processus de classement très long, même pour les grands crus

Des requêtes peuvent aussi concerner des grands crus. Si la plupart d’entre eux ont été délimités dans le milieu des années 1930, d’autres sont de création plus récente. A l’instar du clos-des-lambrays en côte de Nuits, promu en 1982, et de la-grand-rue, dix ans plus tard. Pendant longtemps, les regards se tournaient vers Pommard, Volnay ou Meursault, qui ne disposent pas de grands crus. Mais c’est à Nuits-Saint-Georges qu’une démarche pourrait aboutir. « En 2007, j’ai proposé aux 12 autres propriétaires de vignes sur le climat les Saint-Georges de monter un dossier de classement, détaille Thibault Liger-Belair. Nous l’avons déposé cinq ans plus tard, mais les conditions n’étaient pas toutes réunies pour que la demande aboutisse. » Une pause salutaire pour se mettre en ordre de bataille s’imposait.

Spécial Foire aux vins 2025 : notre sélection par régions de production

« Nous avons profité de ce laps de temps pour réduire nos rendements sur ce climat et augmenter progressivement nos prix pour créer une vraie différence avec les autres premiers crus. » Aujourd’hui finalisé, le dossier sera déposé à la fin de l’année. Là encore, avec un cahier des charges particulièrement strict : rendements plus faibles, fin des insecticides et obligation de ramasser en grappe entière – une manière d’interdire la machine à vendanger… « On espère une heureuse conclusion en 2032 », conclut Thibault Liger-Belair, qui voit là « à la fois un moyen de réparer une anomalie, mais aussi de montrer que la Bourgogne n’est pas conservatrice et qu’elle sait évoluer ».

* En Bourgogne, « climat » désigne une parcelle de vignes précisément délimitée par l’homme depuis des siècles.



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Publish date : 2025-09-03 14:14:00

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