Sept voix contre quatre. Le 29 août 2025, une cour d’appel fédérale a jugé illégaux la plupart des droits de douane de Donald Trump. En cause : l’IEEPA (la loi relative aux pouvoirs du président en temps d’urgence nationale ou de guerre) ne lui confère pas le pouvoir de fixer des droits de douane. L’exécution de l’arrêt est toutefois gelée jusqu’au 14 octobre, afin que Donald Trump puisse faire appel. L’administration n’a pas perdu de temps pour saisir la Cour suprême et lui a demandé de dire d’ici au 10 septembre si elle se saisit du dossier ou non, avec de possibles audiences début novembre.
Pour le moment, l’avenir de nombreuses taxes est incertain. La décision confirme celle du tribunal de commerce et s’ajoute à un jugement distinct rendu à Washington fin mai. Si la Cour suprême confirme l’illégalité, la Maison-Blanche pourrait devoir rendre aux entreprises américaines plus de 200 milliards de dollars de surtaxes déjà perçus.
Ce que dit le droit américain
La Constitution fixe la règle : l’article 1 confie au Congrès le pouvoir de lever impôts et droits de douane et de réguler le commerce extérieur. Au fil du temps, le législatif a délégué des marges d’action au président, mais ces habilitations sont limitées et encadrées. Dans ce cadre, Donald Trump a voulu recourir à l’IEEPA, une loi de 1977 pensée pour gérer des urgences nationales et encadrer des transactions financières. Le texte ne mentionne toutefois pas les droits de douane et n’avait jamais servi à en imposer jusqu’à maintenant. L’exécutif a pourtant tenté de l’utiliser, via des décrets, pour fixer des taxes, puis pour les alourdir contre des pays ayant riposté.
Le tribunal de commerce international a d’abord tranché. Trois juges, à l’unanimité, ont estimé que, puisque la Constitution attribue expressément le pouvoir tarifaire au Congrès, l’IEEPA ne confère pas au président une autorité illimitée en matière de taxes. Le décret annonçant des droits de douane « globaux » a été jugé illégal. L’ordre imposant des taxes supplémentaires contre des pays qui avaient répliqué aussi. Un troisième décret visant les marchandises du Mexique et du Canada a connu le même destin, mais pour une autre raison encore : les droits de douane ainsi établis ne traitaient pas réellement l’urgence invoquée pour les justifier.
La cour d’appel fédérale a confirmé ce raisonnement le 29 août par sept voix contre quatre. Elle a précisé que la question n’était pas de savoir si les tarifs douaniers sont efficaces, mais de savoir si la loi fédérale permettait au président de procéder ainsi. Réponse : non, pas sur la base de l’IEEPA. Pour éviter un choc économique, la cour a toutefois autorisé le maintien provisoire des taxes concernées jusqu’au 14 octobre, laissant à l’administration Trump la possibilité de saisir la Cour suprême.
Certains droits de douane persistent
Tous les droits de douane ne sont pas concernés. Les mesures prises au titre de l’article 232 telles que les taxes sur l’acier, l’aluminium et les automobiles, restent en place après une enquête de « sécurité nationale » du Département du commerce. Celles fondées sur l’article 301 subsistent également car elles répondent à des pratiques commerciales déloyales et ont déjà été utilisées sur des importations chinoises allant des composants solaires aux produits électroniques, en passant par des fournitures médicales.
Si, au terme du pourvoi, les droits de douane fondés sur l’IEEPA sont invalidés, deux conséquences s’imposent. D’abord, l’administration ne pourra plus percevoir ces taxes. Ensuite, elle sera confrontée à des demandes de remboursement des montants déjà versés. Plus de 210 milliards de dollars auraient été perçus en surtaxes depuis le printemps : si la Cour suprême confirme l’illégalité, la question de la restitution deviendra centrale. Deux scénarios commencent déjà à circuler : un remboursement massif décidé par l’Etat fédéral, ou des actions au cas par cas engagées par les entreprises. Dans les deux cas, l’incertitude budgétaire est forte et la perspective d’une pression inflationniste supplémentaire n’est pas écartée.
Quels leviers resteront alors à portée de la Maison-Blanche pour agir en cas d’illégalité des droits de douane ? Le premier est déjà mobilisé : l’article 232, qui suppose une justification de sécurité nationale. Le deuxième est l’article 301, qui autorise des mesures de rétorsion mais exige des enquêtes et des procédures plus longues. Un troisième outil, plus exceptionnel, existe dans la loi sur le commerce : en cas de crise « importante et grave » de la balance des paiements, il est possible d’instaurer des taxes temporaires à l’importation jusqu’à 1 % pour 150 jours au maximum, afin de corriger un déséquilibre extérieur ou d’éviter une dépréciation imminente et importante du dollar. Ce mécanisme est puissant sur le papier, mais il requiert des conditions strictes, ce qui limite son usage. Si la Cour suprême infirme, l’exécutif conservera son outil, mais au prix d’une controverse juridique persistante et d’un climat d’incertitude prolongé.
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Author : Aurore Maubian
Publish date : 2025-09-04 16:07:00
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