L’Inde a opéré un basculement majeur à la faveur de l’été. Les deux chambres du Parlement ont adopté fin août l’Online Gaming Act 2025 qui interdit tout jeu d’argent en ligne, qu’il soit de hasard, d’adresse ou les deux. Le projet de loi interdit aux banques d’autoriser les transactions et proscrit toute publicité. Les célébrités faisant la promotion de ces jeux sont passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans.
Cette législation vise à remédier aux cas de personnes se suicidant après avoir perdu leurs économies. Le gouvernement indien a déclaré qu’environ un tiers du pays le plus peuplé du monde avait perdu de l’argent en jouant en ligne. En 2023, l’état avait déjà modifié la directive sur les intermédiaires, le code d’éthique des médias numériques t imposé une taxe de 28 % sur les jeux en ligne. Mais l’autorégulation a échoué.
Cette nouvelle loi est critiquée car elle risque de démanteler les entreprises locales conformes, tout en ouvrant la voie aux plateformes de paris offshore illégales, notamment le matka qui est une forme de jeu illicite qui consiste à parier sur des nombres aléatoires. Le 8 septembre 2025, toutes les requêtes contre l’Online Gaming Act des hautes cours régionales ont été rapatriées à la Cour suprême. À ce stade, aucun sursis d’exécution n’a été annoncé.
L’industrie estime que les startups indiennes de jeux en argent réel ont une valorisation combinée de 23 milliards de dollars. Elles génèrent un chiffre d’affaires cumulé de 3,6 milliards de dollars et contribuent à hauteur de 2,3 milliards de dollars par an aux impôts directs et indirects. Les experts prévoient que la taille de ce secteur devrait doubler d’ici 2028.
Dream Sports, maison mère de l’application Dream11, affichait encore en 2023 environ 769 millions de dollars de revenus et 23 millions de bénéfices nets. La société a été valorisée 8 milliards de dollars lors de sa levée de 2021, quand elle a recueilli 840 millions de dollars auprès de Tiger Global, Alpha Wave Global, DST Global et TPG.
Frénésie de jeu en ligne
Mais aujourd’hui 95 % de ses revenus et 100 % de ses bénéfices sont menacés. Les dépenses de marketing sont d’ores et déjà réduites à zéro. En 2023, Dream11 a signé un accord de 45 millions de dollars pour sponsoriser l’équipe nationale de cricket indienne, avec son logo sur le maillot jusqu’en mars 2026, sponsoring que l’entreprise cherche à renégocier.
En 2024, son concurrent MPL générait la moitié de ses 130 millions de dollars de chiffre d’affaires en Inde. Cette part est tombée à zéro. Zupee venait quant à lui de signer son premier exercice bénéficiaire – environ 135 millions de revenus pour 18 millions de dollars de profit – quand le rideau est tombé. Ces startups pivotent vers le gratuit, testent des contenus hors jeu, cherchent de l’oxygène hors des frontières. Dream Sports espère rebondir grâce à ses 260 millions d’utilisateurs inscrits.
D’autres pays sont confrontés à cette frénésie du jeu en ligne, notamment chez les plus jeunes. Au Royaume-Uni : des plafonds de mise en ligne sont entrés en vigueur au printemps dernier : cinq livres pour les 25 ans et deux livres pour les 18-24 ans. En Chine, les jeux d’argent sont formellement interdits, les autorités annonçant régulièrement des démantèlements massifs de plateformes illégales. Depuis mars 2020, tous les jeux en ligne doivent obtenir une licence avant leur sortie en Chine.
L’enjeu clef est celui de la définition du jeu. En Inde, la législation utilise une définition floue qui mélange e-sport, jeux en ligne, jeux sociaux et jeux d’argent, risquant d’abîmer une industrie de la création bien plus large que celle du pari. Aux Etats-Unis, le casino en ligne n’est légal que dans sept États à ce jour et les autres bataillent contre la zone grise que constituent les jeux d’adresse avec gains. En Californie, le projet AB 831 présenté fin août vise une interdiction claire de ceux-ci (sweepstakes). Au Royaume-Uni, la loi de 2005 définit le « gaming » comme le fait de jouer à un jeu de hasard pour un prix : un jeu y reste de hasard même si l’habileté peut en réduire le caractère aléatoire, et la notion de « prix » englobe l’argent ou toute valeur. D’autres pays acceptent les gains s’ils ne sont pas monétaires. La startup de fantasy football française, Sorare illustre bien l’arbitrage réglementaire. En 2022, la France a accepté un ajustement du modèle avec un accès gratuit renforcé. Mais au Royaume-Uni, la Gambling Commission poursuit Sorare pour offre de jeux d’argent sans licence.
Robin Rivaton est directeur général de Stonal et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol)
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Author : Robin Rivaton
Publish date : 2025-09-14 07:30:00
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