L’Express

La santé de Joe Biden, un secret d’Etat vertigineux : « Il aurait été incapable de discuter avec Poutine »

La santé de Joe Biden, un secret d’Etat vertigineux : « Il aurait été incapable de discuter avec Poutine »


Quinze mois après le fatal débat Trump-Biden et un an après la déroute de Kamala Harris, les démocrates restent sonnés par le come-back historique de leur ennemi juré à la Maison-Blanche, le 20 janvier. Déboussolés, sidérés, K.-O. debout, les élus du parti n’ont toujours pas trouvé la riposte adéquate face à leur adversaire républicain qui, désormais, contrôle tout : Maison-Blanche, Sénat, Chambre des représentants, Cour suprême et 27 Etats sur 50.

Mais comment pourraient-ils avoir retrouvé leurs esprits alors qu’ils n’ont toujours pas effectué d’autocritique, ni analysé les raisons de la défaite et encore moins abordé le sujet qui fâche : l’âge du capitaine, son déclin cognitif et sa candidature vouée à l’échec (alors qu’il avait promis de ne faire qu’un seul mandat) ?

Kamala Harris et ses regrets bien tardifs

Dans 107 Days, à paraître le 23 septembre, Kamala Harris effleure le délicat sujet, à l’heure où Joe Biden est atteint d’un cancer agressif avec des métastases osseuses, diagnostiqué au printemps. Mais elle met surtout l’accent sur la courte durée de sa campagne éclair : 107 jours, c’est trop peu pour convaincre ; ah, si seulement elle avait eu le temps de déployer tout son talent… Dans cet exercice d’exorcisme, elle se plaint du manque de soutien de l’équipe Biden et laisse entendre que rien n’est de sa faute. Et voici relancées les spéculations sur une candidature Harris en 2028 ! « Ce scénario m’étonnerait fort, tempère la politologue Larry Sabato. Depuis le double échec d’Adlai Stevenson contre Eisenhower en 1952 et 1956, les démocrates évitent de choisir des perdants pour les représenter. »

Kamala Harris (g) et Joe Biden à la Maison Blanche à Washington, DC, le 9 janvier 2025

A ce jour, seuls Jake Tapper, présentateur sur CNN, et Alex Thompson, son confrère de Politico, ont dressé l’inventaire de la campagne Biden. Publié en mai, l’ouvrage Orignal Sin (Péché originel, non traduit) met les pieds dans le plat, comme en atteste son sous-titre : Le déclin du président Biden, sa dissimulation et la désastreuse décision de se représenter. Basé sur 200 interviews, ce livre enquête révèle que l’état de Joe Biden était pire que ce que l’on pouvait deviner.

Dès 2023, le papy président est incapable de gouverner plus de six heures par jour. Parfois, il se repose carrément des journées entières. Et vit reclus tel un grand-père semi-grabataire, entouré par son clan (une poignée de vieux conseillers et sa famille) qui veille sur lui avec affection. Avec une obsession en tête : cacher la vérité non seulement aux futurs électeurs compatriotes mais aussi aux ministres du cabinet Biden et au personnel de la Maison-Blanche !

Autour de « Joe », un cordon sanitaire

« Si Joe Biden avait tenu son engagement de ne faire qu’un seul mandat, nous serions dans une autre Amérique, se navre le politologue new-yorkais Andrew J. Polsky. Des primaires auraient été organisées. Un candidat plus jeune (probablement pas Kamala Harris) aurait émergé. Il aurait eu le temps de se faire connaître auprès des Américains. Et la campagne aurait été complètement différente. Un démocrate aurait pu l’emporter. Ce qui aurait signifié la fin de la carrière politique de Donald Trump, lequel n’aurait donc pas pu nuire aux institutions comme il le fait aujourd’hui. » Surtout, le Parti démocrate, dont la popularité est au plus bas depuis le début des années 1990, ne serait pas à ramasser à la petite cuillère…

Car c’est bien la voie du mensonge qu’a empruntée la famille Biden, dont les piliers sont Jill (l’épouse de Joe), Hunter (son fils) et Valérie (sa fidèle sœur depuis l’enfance). Dès le départ, un cordon sanitaire est établi autour du président, réduisant au maximum ses interactions avec ses compatriotes. Dès lors, une étrange ambiance règne à la Maison-Blanche. Autant que possible, les huissiers sont tenus à l’écart. Les liftiers, eux, sont carrément déchargés de leur mission : personne ne doit voir le visage du président de près lorsqu’il emprunte l’ascenseur. « La plupart du temps, les domestiques des appartements privés restent assis à se tourner les pouces, révèlent Tapper et Thompson dans Original Sin. Souvent, ils sont renvoyés à la mi-journée et informés que leur service n’est pas nécessaire, l’explication officielle étant que les Biden n’aiment pas être traités au petit soin. »

En fait, Joe Biden vit depuis l’épidémie de Covid (2019-2020) dans un cocon. Sa campagne présidentielle, il la mène depuis le studio télévisé de la cave de son manoir à Wilmington (Delaware). « Si le Covid-19 a été une chose affreuse pour le monde, ce fut en revanche une excellente nouvelle pour Joe Biden, tant il lui aurait été difficile de résister au rythme d’une présidentielle », explique un conseiller de Biden dans l’ouvrage de Tapper et Thompson. Loin du barnum politique et du road movie électoral, le candidat suit un programme « ultra-light » : après des matinées passées à se reposer, il n’attaque vraiment sa journée de travail que l’après-midi.

En 2022, le téléprompteur devient systématique

Vainqueur de Trump, il entre à la Maison-Blanche le 20 janvier 2021. La première année se passe presque normalement malgré sa chute de popularité due au retrait chaotique des troupes américaines d’Afghanistan. Mais dès le début de 2022, au commencement de la guerre en Ukraine, son affaiblissement devient plus visible et sa voix si faible que ses interlocuteurs peinent parfois à l’entendre. A certains moments, son regard se fixe et il semble absent. Régulièrement, il oublie le nom de conseillers qu’il voit pourtant quotidiennement. Et lorsqu’il perd le fil de sa pensée (souvent), il tente de donner le change en terminant ses phrases en queue de poisson par un « anyway… » (« bref… »)

Ses conseillers limitent ses apparitions publiques. Après dix-huit mois à la Maison-Blanche, il n’a donné que 38 interviews à des journalistes, contre 116 pour Donald Trump durant le même laps de temps avant lui, et 198 pour Barack Obama. Afin de ménager leur monture, les speechwriters réduisent la longueur des discours, ce qui réduit son temps de présence sur les estrades. L’utilisation de téléprompteurs devient systématique en 2022. L’année suivant, il en utilise même un lors d’une réunion de donateurs en petit comité. Du jamais vu, qui perturbe et embarrasse les amis présents. Les services du protocole limitent aussi ses déplacements à l’étranger. En novembre 2022, lors d’un sommet du G20 en Indonésie, le président américain décommande à la dernière minute sa présence au dîner de gala, au prétexte qu’il a quelque chose d’urgent à régler. On ne saura jamais quoi. Faire dodo, peut-être.

Une présidence collective se met en place

L’ennui, c’est que le job de président exige d’être capable de travailler à 2 heures du matin en cas d’urgence et en toutes circonstances. « L’entourage de Biden a mis la sécurité du monde libre en danger », accuse l’éditorialiste conservateur Tom Basile qui, au passage, reproche au présentateur Jake Tapper de CNN d’avoir participé à l’omerta jusqu’à la publication de son livre Original Sin. « Joe Biden aurait été incapable de discuter en tête-à-tête avec Poutine ou Xi Jinping comme le fait Donald Trump, poursuit-il : « Je préfère mille fois ce dernier à n’importe quel vieillard. » Le politologue Andrew J. Polsky, qui n’a rien d’un conservateur ni d’un trumpiste, complète : « Il est plus juste de parler d’une présidence collégiale autour de Biden que d’une présidence Biden ».

Affirmer que ce dernier était dans l’incapacité totale de gouverner serait pourtant inexact. Le président avait des jours avec et des jours sans. Pour ajouter à la complexité, les élections de mi-mandat (midterms) en 2022 se déroulent mieux que prévu pour les démocrates malgré l’impopularité du président. Joe Biden tire aussitôt les marrons du feu. Ses communicants martèlent leur argument tautologique : Biden est le seul à avoir battu Trump ; il est donc le seul à pouvoir le battre à nouveau.

Steven Spielberg à la rescousse !

L’annonce de sa nouvelle candidature est faite en avril 2023, précisément au moment où ses capacités cognitives semblent encore se dégrader. Ses journées de travail sont encore réduites. Le 23 octobre par exemple, son emploi du temps indique : rencontre avec des conseillers de 9 heures à midi. Ensuite : déjeuner de 12 h 15 à 13 h 15, puis « temps au bureau » jusqu’à 14 heures. Puis, « temps présidentiel » et enfin dîner à 16 h 30. Sa journée se termine à 17 h 15. A l’époque, les ministres qui le croisent – certains passent des mois entiers sans avoir accès à lui – notent une baisse alarmante de sa vivacité.

En février 2024, Biden décline la fameuse interview présidentielle lors du Super Bowl – une tradition depuis Barack Obama. Avec son audimat record, la finale de football américain est pourtant l’occasion de s’adresser à un maximum d’électeurs potentiels. Mais précisément, c’est le problème… Lors d’une conférence de presse, il confond Emmanuel Macron (vu quelques jours auparavant) et François Mitterrand (mort en 1996), Merkel et Kohl (mort en 2017) et assure que l’Égyptien al-Sissi est le président du Mexique.

En juillet, il s’accroche à son téléprompteur comme à une béquille : un jour, il lit tout le texte, y compris les instructions qu’il n’est pas censé prononcer (« répéter la dernière phrase »). La démarche du président est par ailleurs de plus en plus mal assurée. Ses conseillers évoquent l’idée (abandonnée jusqu’après l’élection) d’utiliser un fauteuil roulant, comme pour Franklin D. Roosevelt à la conférence de Yalta, où Staline a pu tirer profit de la faiblesse de l’Américain.

Il ne reconnaît plus George Clooney…

Afin d’améliorer l’image du candidat, son staff met en scène une rencontre « spontanée » avec des citoyens ordinaires, mais sans journalistes. La séquence, filmée, dure une heure et demie. Les communicants du président ont prévu d’en faire un montage qui fera croire à un échange du tac au tac avec des Américains. Mais en visionnant les rushes, il faut se rendre à l’évidence : les propos de Joe Biden n’ont aucune structure. Le matériel vidéo est inutilisable. Poubelle !

Lors d’un événement lié à une levée de fonds pour sa campagne, Joe Biden ne reconnaît pas George Clooney qui est pourtant l’un des visages les plus connus au monde et l’un des grands donateurs du parti démocrate – il l’a d’ailleurs rencontré plusieurs fois. Pour sauver le soldat Biden, le producteur de Hollywood Jeffrey Katzenberg appelle Steven Spielberg à la rescousse. Ensemble, ils travaillent sur l’éclairage et l’amplification de la voix (chuchotante) du candidat. Mais le réalisateur d’E.T. l’extraterrestre ne peut accomplir de miracles. Il est cependant sollicité à nouveau pour préparer le débat contre Trump. La raison ? Le metteur en scène multirécompensé (3 Oscars, 4 Golden Globes) est le seul dont le président accepte les remarques.

En arrivant à Camp David, où il s’est retiré pour la dernière ligne droite, le président est déjà « cuit ». La première journée, il la passe entièrement à dormir. Lors d’un faux débat en forme de répétition générale, ses conseillers jouent le rôle des journalistes et de Trump. Sa performance laisse à désirer. Sa voix est faiblarde, ses propos décousus et il garde la bouche ouverte lorsque ce n’est pas lui qui parle.

Arrive le 27 juin, jour fatidique du débat sur CNN. Le président a l’air vieux, il bute sur les mots, n’arrive pas à formuler la moindre idée. Son déclin saute aux yeux du monde entier. En direct sur le plateau, après dix minutes d’émission, le coprésentateur Jake Tapper envoie discrètement un message à la régie grâce à l’iPad qui lui permet de communiquer avec la technique : « La vache… », écrit-il. Sa coprésentatrice Dana Bash glisse un papier à son confrère : « Il vient juste de perdre l’élection », écrit-elle après une tirade décousue du président.

Même le camp Trump n’en revient pas…

En coulisses, même le staff de Trump n’en croit pas ses yeux. Le communicant Chris LaCivita savait Joe Biden diminué, mais pas à ce point. « Oh fuck ! », dit-il, « il ne tiendra pas jusqu’en novembre. C’est impossible. » Le 10 juillet, George Clooney publie une supplique dans le New York Times : « J’aime Biden. Mais il nous faut un autre candidat. » Onze jours plus tard, le vieux démocrate – qui avait naguère promis d’être « un président à mandat unique » – jette l’éponge. Il reste 107 jours à sa remplaçante pour mener campagne.

Comment en est-on arrivé là ? Une fois au sommet, l’orgueilleux septuagénaire s’est laissé happer par l’hubris du pouvoir. Affaibli, il s’en est remis à son entourage réduit à une peau de chagrin au fil des mois : d’anciens fidèles et sa famille proche. Dans ce contexte, les dysfonctionnements se multiplient. Un exemple : Anthony Bernal, le conseiller de la Première dame, exerce une influence disproportionnée à la Maison-Blanche, s’invitant dans des réunions sans y avoir été convié et se faisant détester par la plupart. « Jill ne va pas aimer ça », dit-il lorsqu’il veut bloquer une idée.

Le président américain Joe Biden et son fils Hunter Biden sortant d'une librairie à Nantucket, dans le Massachusetts, le 29 novembre 2024Le président américain Joe Biden et son fils Hunter Biden sortant d’une librairie à Nantucket, dans le Massachusetts, le 29 novembre 2024

Le conseiller le plus sulfureux reste toutefois son fils Hunter. Suspecté de corruption en Ukraine, accro à la cocaïne, au crack et aux prostituées (il est aujourd’hui redevenu sobre), le fils cadet ne trouve rien de mieux que de coucher avec la veuve de son frère Beau à la mort de celui-ci, puis de l’initier à la drogue. Mais Joe pardonne tout à Hunter, son talon d’Achille. Ayant perdu sa fille d’un an dans un accident de voiture en 1972, puis son fils Beau, d’un cancer à l’âge de 45 ans en 2015, le président n’est pas prêt à abandonner son dernier rejeton, menacé de prison. Mis en examen pour détention illégale d’arme à feu, Hunter est évidemment le premier à avoir intérêt à la réélection de son père qui, d’ailleurs, l’amnistie à la fin de son mandat. Avec Jill Biden, il aura été le partisan le plus acharné d’une nouvelle candidature de Joe.

« Un vieil homme avec une mauvaise mémoire »

La question est : quelqu’un aurait-il pu arrêter à temps cette spirale ? Les élus du Parti démocrate ? La majorité d’entre eux ne voulaient pas s’opposer à la « machine » du parti, étant eux-mêmes en campagne pour leur réélection. Barack Obama ? Il n’a pas voulu contester son ex-vice-président, ayant des relations compliquées avec lui depuis son soutien à la candidature d’Hillary Clinton (plutôt qu’à Joe) en 2016. De son côté, la presse d’obédience démocrate (New York Times, Washington Post) s’efforce d’épargner le président. De rares éditorialistes sonnent pourtant l’alarme dès 2023 dans le New Yorker, The Atlantic ou le Wall Street Journal. Lucides, ils demandent au candidat septuagénaire de s’écarter au profit d’un plus jeune. Ils s’attirent immédiatement les foudres de la Maison-Blanche qui contre-attaque en mettant en cause l’intégrité professionnelle des auteurs, selon un procédé qui n’a rien à envier à Donald Trump.

La même tactique est employée contre le procureur spécial Robert Hur. En 2023, il a interrogé Joe Biden pendant cinq heures (sur deux jours) dans le cadre de l’affaire des documents classifiés illégalement entreposés dans le garage de la maison des Biden, dans le Delaware. S’efforçant d’épargner ce dernier, Hur, dans son rapport final publié en février 2024, édulcore son propos et décrit Joe Biden comme un « vieil homme bien intentionné, mais avec une mauvaise mémoire », note-t-il. Là encore, la contre-attaque de la Maison-Blanche est violente. Kamala Harris qualifie le rapport de « motivé par des considérations politiques », « gratuit », « inexact » et « inapproprié ».

« Les Américains découvrent aujourd’hui, après coup, l’ampleur insoupçonnée du ‘problème Biden' », constate l’américaniste Françoise Coste qui cite le cas du démocrate Jerry Nadler. Elu au Congrès depuis 1992, ce New-yorkais de 78 ans vient d’annoncer qu’il ne se représenterait pas en 2026 : « En observant ce qui est arrivé à Biden, j’ai vraiment compris la nécessité d’un changement générationnel au sein du parti », a-t-il déclaré. Peu à peu, mais trop tard, les langues se délient.



Source link : https://www.lexpress.fr/monde/amerique/la-sante-de-joe-biden-un-secret-detat-vertigineux-il-aurait-ete-incapable-de-discuter-avec-poutine-E27UORR52FGUNIAOA727IUZWWM/

Author : Axel Gyldén

Publish date : 2025-09-17 10:34:00

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags : L’Express