Dans les jours suivant l’assassinat de Charlie Kirk, un site appelé « Expose Charlie’s Murderers » a publié une liste de noms d’individus accusés d’avoir « célébré » sa mort. L’un des messages disait : « Il a eu ce qu’il méritait ». D’autres se moquaient de la fin de l’activiste conservateur. Mais certains citaient juste ses déclarations. Ça « valait la peine », avait-il affirmé un jour, d’accepter le coût de quelques décès par balles chaque année si cela permet de maintenir le droit au port d’arme. Le site créé anonymement a clamé avoir reçu plus de 60 000 contributions, avant d’être retiré du serveur. Il s’est réincarné apparemment en un compte X rebaptisé « Charlie Kirk Data Foundation » et annonce la mise en place prochaine d’une base de données où l’on pourra trouver l’identité de tous ceux qui se sont gargarisés du meurtre. Rachel Gilmore, une influenceuse canadienne dont le nom s’est retrouvé sur le site, alors qu’elle n’avait pourtant rien célébré, raconte qu’elle a reçu un « tsunami » de menaces de l’extrême droite. « Ma vie est un enfer sur terre », a-t-elle confié. Au même moment, Elon Musk, le patron de X, a reposté le nom, le métier, et le lieu de travail d’une quarantaine d’individus qui, selon l’auteur du message, avaient proféré des « choses horribles » sur Charlie Kirk.
L’assassinat du cofondateur de Turning Point USA a déclenché une vraie chasse aux sorcières attisée par la Maison-Blanche. Avant même d’avoir arrêté un suspect, Donald Trump a accusé « la gauche extrémiste » d’être responsable de l’attentat. « Avec Dieu comme témoin, nous allons employer tous les moyens que nous avons dans le gouvernement pour identifier, entraver, démanteler et détruire ces réseaux », a clamé Stephen Miller, le conseiller du président, suggérant une conspiration, même si le meurtrier semble avoir agi seul. Depuis son arrivée, Donald Trump a mobilisé le ministère de la Justice et le FBI pour s’attaquer à ses soi-disant ennemis. Il a limogé des procureurs, lancé des procès contre ses critiques, diligenté des enquêtes contre ActBlue, la plateforme de levée de fonds des démocrates… « Dès le premier jour, l’administration semble avoir cherché une excuse pour museler ses adversaires et l’assassinat de Charlie Kirk, aussi tragique qu’il soit, est exactement ce qu’elle cherchait », estime David Viola, professeur au Centre sur le terrorisme du John Jay College et auteur de « You Have Unleashed a Storm », un livre sur la violence politique dans les années 1960. C’est également le moyen de capitaliser sur la fureur de ses partisans pour les mobiliser à l’approche des élections de mi-mandat.
Sans attendre, Donald Trump a annoncé qu’il désignait « Antifa » comme « organisation terroriste » et demandé des enquêtes sur ses donateurs. Tant pis si « Antifa » est une mouvance sans structure ni leader et n’a pour l’instant aucun lien avec le décès de l’activiste MAGA. Mais « c’est inquiétant, car cela peut servir de prétexte pour cibler et réprimer des opposants politiques », observe Aaron Terr, un des responsables de FIRE, un groupe de défense de la liberté d’expression. Le président et ses alliés visent aussi les organisations de gauche accusées de « fomenter » la rébellion. Ils ont notamment dans le collimateur la Ford Foundation et The Open Society Foundations du milliardaire George Soros, bête noire des conservateurs. « Nous sommes contre toutes les formes de violence et condamnons les accusations scandaleuses », s’est défendu The Open Society Foundations. L’administration envisage de supprimer leurs « généreuses » exemptions fiscales. Une menace existentielle pour ces fondations. Elles devront payer des taxes mais surtout, leurs bailleurs de fonds ne pourront plus déduire leurs dons de leurs impôts, ce qui risque de tarir les contributions. Donald Trump a mentionné également le recours à la loi anticorruption promulguée pour lutter contre le crime organisé. Elle pourrait être appliquée à la fois contre des organisations et des manifestants. Le Département d’Etat, de son côté, tente d’identifier tout étranger qui a « glorifié, rationalisé, ou fait peu de cas » de la mort de Charlie Kirk pour révoquer son visa.
Jimmy Kimmel évincé par ABC
Les mesures d’intimidation ont déjà un impact. Disney, propriétaire de la chaîne ABC, a suspendu indéfiniment l’émission de l’humoriste Jimmy Kimmel à la suite de ses propos. « La clique MAGA », a-t-il dit, « s’efforce désespérément de présenter ce jeune qui a tué Charlie Kirk comme quelqu’un d’autre qu’un des leurs et fait tout son possible pour s’en servir pour marquer des points politiquement ». Cette décision brutale est intervenue quelques heures après les déclarations de Brendan Carr. Le président de la Federal Communications Commission (FCC), chargé de l’octroi de licences aux chaînes de télé, s’en est pris à Jimmy Kimmel, un critique acerbe du président, et menacé ABC de représailles. En juillet, CBS avait annoncé l’arrêt de l’émission de Stephen Colbert, un autre humoriste. Par une curieuse coïncidence, au même moment, Paramount, la maison mère de CBS était en train de négocier une fusion avec Skydance et avait besoin de l’aval de l’administration.
Donald Trump a célébré la suspension de Jimmy Kimmel et suggéré que la FCC révoque les licences de télévisions qui lui font « une mauvaise publicité ». Brendan Carr, lui, a laissé entendre qu’il allait continuer les pressions extraordinaires contre les médias. La Commission « n’a pas l’autorité, la capacité ou le droit constitutionnel de contrôler le contenu et de punir les chaînes pour des propos que le gouvernement n’aime pas », s’est insurgée Anna Gomez, la seule démocrate membre de la FCC. ABC et CBS ont déjà accepté de payer respectivement 15 et 16 millions de dommages et intérêts à Donald Trump à la suite de procès qu’il leur avait intentés. La décision d’écarter Kimmel a suscité beaucoup de remous et des artistes appellent à boycotter Disney. Mais l’administration continue de plus belle. Elle menace maintenant de réduire la durée des visas des journalistes étrangers et le Pentagone vient d’annoncer que les reporters qui couvrent la Défense devront s’engager à ne publier que des informations approuvées par les militaires, sous peine de perdre leur autorisation d’accès.
Une campagne de délation encouragée par J.D. Vance
Certains républicains veulent aller plus loin. Ils proposent d’interdire aux anti Charlie Kirk les réseaux sociaux à vie, de supprimer leur permis de conduire… Pour l’instant, ils œuvrent surtout à une campagne de délation nationale encouragée par J.D. Vance. « Démasquez-les et allez-y, appelez leur employeur », leur a dit le vice président. Et ça marche : des centaines d’employés dans des ministères, des cabinets d’avocats, des compagnies aériennes, ainsi que des dizaines d’enseignants font l’objet d’enquêtes disciplinaires ou ont été limogés pour leurs commentaires « insensibles » et « inappropriés » sur les réseaux sociaux. Un prof de lycée de Caroline du Sud a été viré pour avoir écrit : « Mes pensées et prières pour ses enfants mais sincèrement, l’Amérique se trouve bien mieux aujourd’hui ». La sénatrice Marsha Blackburn a appelé au licenciement d’une cadre de Middle Tennessee State University qui avait déclaré avoir « zéro sympathie » pour l’activiste. Et même dans les médias de gauche, on pratique la censure. Matthew Dowd, un commentateur de la chaîne MSNBC, a perdu son emploi après avoir dit : « les propos haineux » conduisent à des « actions haineuses », en parlant de Charlie Kirk. « C’est d’une ampleur sidérante. Dans un certain sens, ça rappelle le maccarthysme, une soif troublante de vengeance », poursuit Aaron Terr dont l’organisation est inondée de demandes d’aide d’individus limogés.
A Washington, où se trouvent nombre d’organisations politiques, l’atmosphère est tendue. Le centre est quadrillé depuis plus d’un mois par la Garde nationale armée. Les républicains ont réquisitionné le Kennedy Center, le grand centre culturel dont Donald Trump s’est nommé président, pour organiser un hommage à Charlie Kirk devant une salle comble. Quelques heures auparavant, le pasteur de la Christ Church, un temple ultra-conservateur que fréquente Pete Hegseth, le ministre de la Guerre, l’avait qualifié dans son prêche de « martyr ». Cela crée un climat de peur. Les institutions de gauche ont renforcé la sécurité de leurs bureaux et de leur personnel, effacé leur emplacement sur Google map et engagent des avocats en prévision. « On adopte un profil le plus bas possible, on communique entre nous beaucoup plus par Signal, (l’application cryptée), on fait de l’autocensure en évitant certains termes comme inclusion », raconte un employé d’une fondation désireux de rester anonyme. « C’est un dilemme permanent », ajoute-t-il. « Comment faire son travail sans perdre son âme par trop de compromissions ? ». Plus de 600 associations à but non lucratif ont signé une lettre implorant le gouvernement d’arrêter de les « cibler de manière injustifiée ». « L’idée d’instrumentaliser une tragédie pour s’attaquer à ses opposants politiques et au secteur des ONG est certainement un abus de pouvoir », assure Lisa Gilbert, la coprésidente de Public Citizen, un groupe de défense de la démocratie et l’un des signataires.
Même Ted Cruz s’inquiète
Cette opération de répression alarme les démocrates. « Trump et ses extrémistes semblent se préparer à une campagne pour détruire la dissidence », a écrit sur X le sénateur Chris Murphy. Ils dénoncent l’hypocrisie des républicains, chantres proclamés de la liberté d’expression. Donald Trump, le premier jour à la Maison-Blanche, a signé un décret disant : « La censure du gouvernement est intolérable dans une société libre ». Les démocrates ont lancé un projet de loi pour protéger l’opposition politique. Il a peu de chance d’être voté. Ils ne sont pas les seuls à s’inquiéter. Certains républicains réprouvent ces pressions politiques qui, selon eux, vont trop loin. Le sénateur Ted Cruz, pourtant très trumpiste, a qualifié les mesures de la FCC contre les médias de « terriblement dangereuses ». « Ça peut être jouissif aujourd’hui de menacer Jimmy Kimmel, mais quand ça sera utilisé pour faire taire tous les conservateurs américains, on va le regretter ».
Pour le professeur Viola, la situation a des points communs avec les années 1960 « lorsque Herbert Hoover, le directeur du FBI, a tiré profit de l’agitation politique pour justifier une intrusion massive dans les libertés civiles ». Il craint que la prochaine étape ne soit des émeutes et des attentats à la bombe comme à cette époque. « La différence, note-t-il, c’est que les leaders d’alors essayaient de calmer le jeu. Ceux d’aujourd’hui cherchent à utiliser la violence pour réprimer leurs ennemis politiques ». Laura Loomer, une influenceuse MAGA, a appelé à « neutraliser la gauche ». Quant à Steve Bannon, un ancien stratège du président, il a déclaré : « Si l’on doit partir en guerre, allons-y. » L’armée envisage d’utiliser l’assassinat de Kirk comme campagne de recrutement. Un des slogans possibles : « Charlie a éveillé une génération de guerriers ».
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Author : Hélène Vissière
Publish date : 2025-09-20 10:00:00
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