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La reconnaissance de la Palestine est un permis de recommencer, par Simone Rodan-Benzaquen

La reconnaissance de la Palestine est un permis de recommencer, par Simone Rodan-Benzaquen

Ce lundi, la France, le Royaume-Uni, le Canada et d’autres encore s’avancent à la tribune des Nations unies pour reconnaître unilatéralement un État palestinien. On parlera de paix. Mais ce geste ne rapproche pas la paix : il l’enterre.

Quarante-huit otages israéliens sont toujours enfermés dans les tunnels de Gaza. Des hommes, des corps, dont le seul crime fut d’être juifs le 7 octobre. Les dirigeants du Hamas, eux, jurent de recommencer « encore et encore ». Reconnaître un État palestinien aujourd’hui, dans ces conditions, ce n’est pas de la diplomatie. C’est une permission.

La permission donnée au Hamas de croire que la tuerie paie.

La permission donnée à l’Autorité palestinienne de se soustraire à toute réforme.

La permission donnée à l’extrême droite israélienne de conclure que le monde ne se souciera jamais de sa sécurité et de pousser un agenda messianique qui mine les intérêts stratégiques d’Israël.

La permission donnée aux antisémites européens d’exiger toujours plus, plus fort, plus violemment — jusqu’à l’effacement.

Dennis Ross, qui a consacré sa vie aux négociations, le dit clairement : une reconnaissance sans conditions, c’est le symbole contre la substance. Et les symboles corrompent la paix. La reconnaissance devrait être l’aboutissement d’un processus, jamais son commencement. Les conditions initiales sont claires : otages libérés, Hamas désarmé, institutions palestiniennes réformées, garanties de sécurité solides. Sans cela, il n’y a même pas l’esquisse d’un processus. Il n’y a que du théâtre — mais avec des conséquences bien réelles : cela enracine le conflit, récompense les terroristes, détruit la confiance.

En réalité, une telle décision torpille le seul cadre qui a jamais existé : la logique du « la terre contre la paix », inscrite dans la Résolution 242 et les Accords d’Oslo. Ce principe était clair : pas d’État palestinien sans négociation, pas de négociation sans paix pour Israël.

Une souveraineté proclamée, non bâtie

Emmanuel Macron assure avoir obtenu de Mahmoud Abbas des promesses de démocratie et de réformes. Mais depuis 2005, Abbas promet tout et ne tient rien. Élu sur un programme anticorruption, il a transformé l’œuvre courageuse de Salam Fayyad en farce. Il n’a jamais convoqué d’élections depuis. En 2011, en 2021, il les a promises — puis annulées. Aux donateurs occidentaux, il a juré qu’il réformerait le système d’allocations versées aux terroristes et à leurs familles. Mais en 2018, après l’adoption du Taylor Force Act aux États-Unis, il déclarait encore : « Même s’il ne nous reste qu’un seul sou, nous le donnerons aux martyrs et aux prisonniers. » Aujourd’hui encore, malgré ses lettres et ses engagements auprès des Européens, il semblerait qu’il poursuit toujours ces pratiques de « pay-for-slay ».

Et c’est là le cœur du problème : la corruption des mots. Autrefois, la reconnaissance signifiait une conquête. Elle s’arrachait au prix de traités, de sacrifices, d’institutions construites pierre à pierre. Elle arrivait au bout d’un processus. Aujourd’hui, elle se distribue comme un communiqué de presse. Une souveraineté proclamée, non bâtie.

La semaine dernière, l’ONU en a donné une illustration. Une résolution a été saluée comme un progrès : condamnation du 7 octobre, appel à un État palestinien sans Hamas. Mais, enfoui dans les paragraphes, le poison ressurgissait : la réaffirmation du soi-disant « droit au retour ».

Que signifie ce « droit » en pratique ? L’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient NDLR) recense près de six millions de Palestiniens comme « réfugiés », non parce qu’ils ont fui eux-mêmes en 1948, mais parce qu’ils héritent de ce statut transmis de génération en génération. Ils « reviendraient » dans les villages de leurs ancêtres, disparus depuis 1948. Israël compte sept millions de Juifs. Ce « retour », nulle part ailleurs au monde on ne l’exige. Nulle part ailleurs, l’exil n’est transformé en identité héréditaire, en héritage sacralisé, en condamnation à rester réfugié à jamais — ou en injonction à envahir démographiquement Israël.

Ce n’est pas une politique de paix. C’est un projet d’effacement. Et cette seule clause annule toutes les belles paroles qui la précédaient. On ne peut pas, dans un même souffle, condamner le 7 octobre et sanctifier l’idée même au nom de laquelle il fut commis.

L’UNRWA, là encore, est l’emblème de cette logique mortifère : l’aide transformée en endoctrinement, l’école devenue fabrique de martyrs, l’avenir sacrifié sur l’autel du « retour ». Des milliards engloutis pour nourrir la haine plutôt que bâtir un futur.

Le pragmatisme doit l’emporter sur la haine

Ce dont les Palestiniens ont besoin, ce n’est pas d’un nouveau symbole, mais d’un vrai chemin vers la souveraineté : responsabilité, institutions solides, coexistence. L’aide doit construire, non corrompre. Elle doit fortifier, non pourrir. Plus d’écoles où l’incitation à la haine remplace l’éducation. Plus de subventions au culte du martyre. Plus d’euros européens engloutis dans les comptes des politiciens palestiniens, le financement du terrorisme ou la guerre juridique contre Israël — et davantage d’investissements dans des écoles neutres, des hôpitaux protégés, des emplois durables.

La normalisation doit venir d’abord, pas ensuite. Les accords d’Abraham l’ont prouvé : la réconciliation est possible quand le pragmatisme l’emporte sur la haine. Reconnaître Israël comme une réalité ne devrait pas être une concession, mais une évidence.

Et la sécurité, enfin, n’est pas négociable. Un territoire cédé ne doit jamais devenir une base pour roquettes et tunnels jihadistes. La leçon du retrait de Gaza en 2005 est limpide : un retrait sans garanties, ce n’est pas la paix, c’est la guerre assurée.

Une victoire pour Mélenchon

L’Europe, surtout, doit rester fidèle à ses principes. Pas de décision sur Israël sans Israël. Pas de décision sur la Palestine sans les Palestiniens. Si l’Europe croit à l’autodétermination, qu’elle l’applique aussi au peuple juif. La paix ne s’impose pas depuis New York ou Paris. Elle se construit dans le travail patient de la confiance et de la sécurité partagée.

Soyons clairs : cette reconnaissance prématurée ne restera pas confinée aux couloirs de l’ONU. Elle rejaillira dans les rues de Paris, Londres, Bruxelles. Elle offrira une victoire à Jean-Luc Mélenchon et aux agitateurs de campus criant « from the river to the sea« . Elle leur dira : votre rage était légitime, vos exigences sont exaucées. Elle n’apaisera pas les rues d’Europe. Elle les enflammera. Et ceux qui demandent aujourd’hui la reconnaissance exigeront demain des sanctions, puis la stigmatisation, puis le sang.

Hasard du calendrier, ce geste aura lieu pendant Roch Hachana, le Nouvel An juif. Un temps de vérité, de repentance, de renaissance. Et la vérité est celle-ci : une reconnaissance sans otages libérés, sans désarmement, sans réformes, sans le consentement d’Israël — et tout en réaffirmant le mirage du « retour » — ce n’est pas la paix.

C’est un permis de recommencer.

*Simone Rodan-Benzaquen est responsable à l’American Jewish Committee (AJC).



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Publish date : 2025-09-22 04:30:00

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