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Reconnaissance de l’Etat de Palestine : ces pays qui disent non (et leurs raisons)

Reconnaissance de l’Etat de Palestine : ces pays qui disent non (et leurs raisons)

Ils sont désormais 156 pays à reconnaître l’Etat palestinien. C’est plus des trois-quarts des 193 pays représentés à l’ONU. En impulsant la toute dernière vague de reconnaissances, la France, rejointe par neuf autres Etats, a toutefois laissé derrière elle une cohorte d’au moins 39 Etats toujours pas décidés à franchir ce cap. Qui sont-ils et quelles sont leurs raisons ? Retour sur les différentes oppositions à travers le monde.

Parmi les plus emblématiques figurent bien sûr Israël et son allié indéfectible, les Etats-Unis, tous deux fermement opposés à la reconnaissance de l’Etat palestinien. Donald Trump, qui s’est exprimé devant l’ONU mardi 23 septembre, a notamment fustigé une mesure qui revient selon lui à « récompenser les terroristes du Hamas », reprenant ainsi le narratif de Benyamin Netanyahou, qui a de son côté fait savoir qu’il préparait sa riposte.

Opposition totale d’Israël et des Etats-Unis

En 2024, le parlement israélien avait déjà voté une résolution pour bannir la création d’un Etat palestinien, signe d’une opposition totale de Tel Aviv à une solution à deux Etats. Le rejet de l’Etat palestinien est d’ailleurs l’un des rares sujets à faire consensus parmi la classe politique israélienne, de la gauche à l’extrême droite.

Côté américain, le soutien sans faille à Israël s’explique notamment par l’appui que lui fournit celui-ci au Moyen-Orient, tant sur le plan économique (en assurant une certaine stabilité des cours du pétrole) que sur le plan diplomatique (en isolant le régime iranien) et sécuritaire (à travers la lutte contre le terrorisme). Les Etats-Unis comptent, en outre, la plus importante population juive dans le monde, qui s’établit à près de 5,7 millions de personnes.

La Hongrie et la République Tchèque font marche arrière

Mais outre ces deux cas bien particuliers, d’autres Etats se refusent eux aussi pour le moment à reconnaître la Palestine, chacun avançant des raisons spécifiques. Sur le continent européen, jusqu’à présent le plus divisé sur cette question, et où seuls les pays de l’ancien bloc soviétique reconnaissaient cet Etat jusqu’aux années 2010 – avant d’être rejoints par plusieurs pays occidentaux dès 2024 -, certains sont revenus sur cette décision depuis, à l’image de la Hongrie ou de la République tchèque, qui disent ne pas avoir fait de reconnaissance bilatérale de la Palestine.

Mi-septembre, la Hongrie a d’ailleurs été le seul pays européen à voter contre le texte préparé par la France et l’Arabie saoudite à l’ONU et relançant la solution à deux Etats, sans le Hamas, tandis que la République tchèque, elle, s’est abstenue. L’an dernier déjà, le gouvernement très conservateur de Viktor Orban avait même été jusqu’à déclarer « ne pas être d’accord avec la reconnaissance de l’Etat palestinien », remettant ainsi en cause la décision effectuée par le pays en 1988 en ce sens. Même son de cloche du côté de la République tchèque, dont le ministre des Affaires étrangères a souhaité apporter une précision pour le moins surprenante, avançant qu’en 1988 « le gouvernement de la République tchécoslovaque n’avait reconnu que l’acte de déclaration de l’Etat de Palestine », ce qui ne « signifie pas une reconnaissance du statut d’Etat ».

Réticences en Allemagne, en Italie, au Danemark et aux Pays-Bas

D’autres pays européens, qui n’ont jusqu’alors pas reconnu l’Etat de Palestine, continuent quant à eux de s’y opposer, comme l’Allemagne, en raison notamment de son rôle dans le génocide des juifs. L’Allemagne a même fait de la sécurité de ce pays « une raison d’Etat » depuis 2008 et maintient à l’heure actuelle que la reconnaissance d’un Etat palestinien ne devrait intervenir qu’à la fin d’un processus de négociation d’une solution à deux Etats. Le chancelier allemand ne s’est pas rendu à New York pour l’assemblée générale de l’ONU lundi.

De son côté, la Première ministre italienne Giorgia Meloni a déclaré mardi ne pas être « opposée » à la reconnaissance d’un Etat palestinien sous « deux conditions » : la libération des otages détenus par le Hamas et l’exclusion du mouvement islamiste de tout futur gouvernement palestinien. « Personnellement je continue à considérer que la reconnaissance de la Palestine en l’absence d’un Etat qui n’a pas les attributs de la souveraineté ne résout pas le problème ni ne produit de résultats tangibles pour les Palestiniens », a-t-elle cependant estimé.

La Première ministre – qui était à New York lundi – a dit à plusieurs reprises sa « préoccupation » face à l’offensive israélienne et réaffirmé l’arrêt des ventes d’armes à l’Etat hébreu, Rome se montre toujours réticente aux sanctions commerciales proposées par l’Union européenne envers Israël. « Je suis tout à fait favorable à l’Etat palestinien, mais je ne suis pas favorable à une reconnaissance avant qu’il n’ait clairement été établi », avait d’ailleurs déclaré Giorgia Meloni au journal La Repubblica en juillet dernier.

Au Danemark également, le gouvernement refuse de reconnaître l’Etat palestinien tant que tous les otages israéliens n’auront pas été libérés. Il exige également la poursuite des réformes de l’Autorité palestinienne et la création d’un Etat palestinien démilitarisé. « C’est aux Palestiniens de fournir ce qui est nécessaire pour une reconnaissance danoise », a ainsi résumé le ministre danois des affaires étrangères Lars Lokke Rasmussen avant l’assemblée générale des Nations unies. Discours similaire aux Pays-Bas, qui disent vouloir aller eux aussi vers une reconnaissance et une solution à deux Etats, mais considérer que les conditions nécessaires ne sont pas réunies à l’heure actuelle.

Pas de reconnaissance envisagée au Japon et en Corée du Sud

Hors de l’Europe, certains pays alliés d’Israël ou des Etats-Unis refusent eux-aussi de procéder à une reconnaissance de la Palestine, à l’image du Japon, de la Corée du Sud ou de Singapour en Asie, mais aussi du Cameroun en Afrique, ou du Panama en Amérique latine, ainsi que de la plupart des pays d’Océanie.

Comme le résume le journal La Presse, le Japon est « traditionnellement prudent sur les sujets qui fâchent ». Le quotidien québécois rappelle également que « la politique étrangère du Japon est alignée sur celle des Etats-Unis depuis les années 1950 ». A l’image du Japon, la Corée du Sud ne veut lui non plus pas créer de conflits avec Washington en pleine négociation sur les droits de douane.

Sur les 54 pays du continent africain, seuls deux n’ont à ce jour pas reconnu l’Etat palestinien : le Cameroun et l’Érythrée. Pour le Cameroun, les raisons sont assez singulières : alors que le pays s’appuie sur d’ex-officiers israéliens pour garantir sa sécurité intérieure et que les élections présidentielles ont lieu prochainement, le président Paul Biya ne veut pas risquer de compromettre la sécurité du pays en se froissant avec Israël. Enfin, du côté du continent américain, le Panama est désormais seul, avec les Etats-Unis, à ne pas reconnaître la Palestine. Une décision motivée en premier lieu par sa volonté de ne pas crisper Washington, en raison notamment des liens commerciaux forts établis entre les deux pays.

La symbolique derrière la reconnaissance de l’Etat palestinien

Malgré les oppositions de près de 40 pays, la vague de reconnaissances de ces derniers jours revêt un caractère hautement symbolique. Comme le résume Romain le Boeuf, professeur de droit international à l’Université d’Aix-Marseille interviewé par l’AFP : « Si la portée d’une reconnaissance d’Etat est largement symbolique et politique, dans le cas de la Palestine, cela fait quand même trois quarts des pays qui vous disent que la Palestine réunit les conditions nécessaires pour être un Etat ».

Il corrobore ainsi les propos tenus par l’avocat et professeur de droit Philippe Sands dans le New York Times le mois dernier : « En termes de symbolisme, cela change en quelque sorte la donne. Parce qu’une fois que vous reconnaissez le statut d’Etat à la Palestine (…) vous placez essentiellement la Palestine et Israël sur un pied d’égalité en termes de leur traitement en vertu du droit international. »



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Publish date : 2025-09-23 17:09:00

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