Une foule en colère, des jets de projectiles, une monnaie en chute libre… Javier Milei a connu des heures plus glorieuses. Heureusement, le président argentin peut compter sur le soutien de Donald Trump – le Trésor américain vient de lui promettre une aide financière déclenchant une forte hausse du peso ce mercredi 24 septembre – et sur celui de la sphère économique locale. Le 28 août dernier, il était l’invité d’honneur du conclave annuel du Conseil interaméricain de commerce et de production. Sous les lustres et les dorures du prestigieux hôtel Alvear de Buenos Aires, le chef d’Etat a défendu son bilan devant un parterre d’hommes et de femmes d’affaires. Un public acquis à sa cause.
Son discours à tout pour plaire – « Il faut cesser de considérer les entrepreneurs comme des ennemis publics », a-t-il encore martelé mi-septembre. Mieux, des mesures fortes sont venues le concrétiser depuis deux ans : retour de la discipline fiscale, assouplissement du contrôle des changes, dérégulation… Milei fait mouche.
Début août, une douzaine de patrons ont même sponsorisé un article promotionnel dans le Washington Post vantant « le rêve argentin ». Plus largement, 88 % des entreprises étaient positives sur les politiques économiques du gouvernement, selon une enquête du sondeur Taquion en début d’année.
Inflation domptée
Sa lutte efficace contre l’emballement des prix – un fléau de longue date – est sa plus grande victoire. « Tout gouvernement qui parvient à faire reculer l’inflation mensuelle de 20 % à moins de 2 % mérite d’être salué, quelle que soit votre orientation politique », juge auprès de L’Express Leandro Cuccioli, ancien ministre des finances, aujourd’hui vice-président du géant du e-commerce Mercado Libre. Même enthousiasme chez Martin Migoya. Ce patron de la pépite argentine de la tech Globant s’était affiché tout sourire l’an dernier sur un selfie aux côtés de Milei. Il s’était par la suite réjoui publiquement que le président ait « tué l’inflation ».
Dans le secteur de l’extraction de matières premières, on se félicite aussi de la politique du président. Pour attirer les projets d’envergure, Javier Milei a fait adopter le plan RIGI, le « régime d’incitation pour les grands investissements ». Voté en 2024, il prévoit une série d’avantages fiscaux et douaniers. Parmi les candidats, l’argentin Pampa Energia, qui envisage un nouveau site à Vaca Muerta – un immense bassin d’exploration de gaz et de pétrole de schiste. Le géant anglo-australien Rio Tinto a quant à lui annoncé un projet de lithium au nord du pays.
Optimisme conditionnel
Mais la médaille a son revers : les petites et moyennes entreprises, elles, souffrent. « Elles sont beaucoup plus préoccupées par la baisse de la demande par rapport à l’an dernier et expriment un besoin plus pressant d’ajustement fiscal, relève Diego Kupferberg, de Taquion. Avec près de 170 impôts et taxes, cette pression les pénalise fortement ». La dernière enquête de l’institut de sondage révèle que près de la moitié des PME traversent une période difficile. Pour autant, elles restent optimistes dans un horizon de cinq ans.
Dans leur ensemble, les entreprises attendent de voir si la transformation économique sera durable. « Elles approuvent, dans leur majorité, la recette de Milei, reconnaît Rodolfo de Felipe, président de l’association patronale LIDE. Mais elles espèrent surtout que le peso se stabilise face au dollar et que les réformes soient inscrites dans la loi ». Ce qui n’est pas gagné. Car la tronçonneuse de Milei est ralentie par le Congrès. Dépourvu de majorité, le président peine à faire passer ses textes. Mi-septembre, son veto sur deux lois a été rejeté par les parlementaires – une première en 22 ans.
Le climat des affaires a commencé à pâtir de cette instabilité. « Alors qu’il s’était amélioré dans l’année qui a suivi l’élection, il se dégrade depuis début 2025 à cause des difficultés du gouvernement à obtenir un consensus au sein du Congrès pour continuer à promouvoir ses réformes », constate Marcelo Elizondo, président de l’International Chamber of Commerce en Argentine.
Ces doutes se reflètent aussi en Bourse : l’indice local a baissé de plus de 40 % en dollars depuis janvier, essentiellement sous l’effet de la dépréciation du peso et mais aussi des incertitudes électorales, explique Pablo Riveroll, responsable actions Amérique Latine de Schroders. Début septembre, la défaite cinglante du parti présidentiel dans la province de Buenos Aires, la plus peuplée du pays, a jeté un froid. Un échec plus large lors de ces élections législatives stopperait l’élan de Milei. Possiblement aussi, celui de l’économie argentine.
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Author : Tatiana Serova
Publish date : 2025-09-24 14:00:00
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